Couverture du journal du 06/04/2024 Le nouveau magazine

Lourdes : Sanctuaire connecté !

Avec une économie basée sur les dons directs, le Sanctuaire Notre-Dame de Lourdes est à l’encontre de toutes les structures d’entreprises. Suite à la pandémie, il a multiplié les actions de promotion pour retrouver son affluence historique et ce jusqu’aux Etats-Unis. Un souffle nouveau qui entraîne une vraie adaptation.

David Torchala, Directeur de la communication du sanctuaire Notre-Dame

David Torchala, Directeur de la communication du sanctuaire Notre-Dame © Louis Piquemil - La Vie Economique

Chaque année, dès Pâques, la transformation est saisissante. En quelques heures, les ruelles de Lourdes quittent leur torpeur et le calme de l’hiver pour s’ouvrir à la foule qui, jusqu’en octobre, fera de la ville le centre d’un monde animé par la foi. Comme une sève qui fait renaître son souffle, des millions de pèlerins changent son visage, son ambiance et son rythme. Depuis plus de 160 ans, le rendez-vous est immuable, aussi stable que les montagnes qui entourent la cité mariale et pourtant… Si elles n’ont pas bougé, peut-on en dire autant de Lourdes qui a amorcé une véritable mutation ? Une impulsion indéniable qui se retrouve à tous les niveaux, notamment celui du Sanctuaire Notre-Dame lui-même qui, après le coup d’arrêt et les ravages de la période Covid, a multiplié les actions pour rendre à la cité mariale sa légendaire fréquentation. Autant dire que la saison 2023 est celle de tous les espoirs mais dans une ville unique au monde fondée sur l’espérance, c’est bien quelque chose dont elle ne manque pas.

De 3,5 millions à 800 000 pèlerins

Comme il l’est d’usage, la Semaine Sainte a marqué le début des pèlerinages et des messes internationales mais cette année, le recteur Michel Daubanes a invité les socio-professionnels de la ville à la première procession de la saison. Un symbole qui n’est pas sans rappeler toutes les énergies rassemblées dans le Plan Avenir Lourdes et ses 100 actions autour desquelles les acteurs économiques sont unis pour redynamiser la destination. Pour mesurer l’importance de ce défi, il est primordial de se souvenir des incidences de la pandémie : en 2019, année repère, on estimait à 3, 5 millions le nombre de visiteurs. L’installation de capteurs et de bornes infrarouges à l’entrée du Sanctuaire a permis en 2020 un décompte plus précis de la fréquentation tombée alors à 800 000 pèlerins. La reprise fut lente avec 1,6 million en 2021 et 2,6 millions l’an dernier.

Une économie de dons

Pour la ville, le crash économique fut sans précédent mais pour le Sanctuaire Notre-Dame, dont les ressources ne reposent que sur les dons et les petites offrandes faites sur place et donc de sa fréquentation directe, les effets ont été tout aussi rudes. C’est pourtant dans ce marasme que quelque chose est né, une nouvelle façon d’établir le lien avec les fidèles qui partout dans le monde subissaient les mêmes inquiétudes et avaient peut-être plus que jamais besoin de communion. Et pour cela, la nouvelle technologie s’est avérée providentielle. Déjà en 2020, Lourdes se distinguait en organisant le « premier pèlerinage digital » mondial baptisé « Lourdes United », un marathon TV de 17 heures de live et 5 plateaux, touchant ainsi 80 millions de personnes à travers la planète : « C’est cette ferveur qui nous a tenu dans l’espérance quand on ne voyait plus grand monde », précise David Torchala, directeur de la communication du Sanctuaire Notre-Dame.

Lourdes dépasse le million d’abonnés sur Facebook

La TV pour garder le lien

Si les visiteurs ne pouvaient plus venir à Lourdes, c’est elle qui est venue à eux. A travers les réseaux sociaux notamment, où désormais, elle dépasse le million d’abonnés ne serait-ce que sur Facebook, mais aussi via YouTube où sa chaine rassemble 500 000 followers. Une présence médiatique renforcée de façon exceptionnelle par la télévision. Si TV Lourdes a pris un essor jamais vu, les nouveaux contrats établis avec des chaines catholiques partenaires la font rayonner en Amérique du Nord, du Sud et même dans le Pacifique : « On est deux fois par jour sur KTO mais aussi EWTN, la principale chaine catholique américaine qui diffuse en anglais et en espagnol. On ne fait pas des programmes télé, on diffuse la prière à la grotte dans la langue de la diffusion », précise David Torchala. « En parallèle, tous les soirs, on diffuse le chapelet à 18 H sur TV 2000, la chaine des évêques italiens à Rome ». Là encore 1,5 million de téléspectateurs sont au rendez-vous quotidien. Une façon de communiquer en pleine croissance puisque des chaines du Liban, de Slovaquie et du Brésil sont en pourparlers de diffusion.

  C’est une manière presque pastorale d’agir 

5 millions de fidèles

En plus du support historique de communication Radio Présence, il faut aujourd’hui compter sur la collaboration établie avec 110 radios francophones dans le monde, notamment en Afrique : « Entre les réseaux sociaux, la télé et la radio, on rejoint au total 5 millions de personnes par jour. Finalement, c’est une manière très active, presque pastorale d’agir », souligne David Torchala. Mais le virtuel ne fait pas tout, toujours dans l’esprit d’aller à la rencontre du monde entier, le Sanctuaire a développé les missions Notre-Dame de Lourdes qui font voyager les reliques de Bernadette de Soubirous. « De mai à juillet 2022, elles ont traversé 40 états des Etats-Unis. De Miami à New York, 5eme Avenue…», souligne David Torchala. France, Italie, Espagne, Allemagne : la camionnette équipée d’eau de Lourdes et de flambeaux de processions parcourt le monde et si l’économie locale n’en retire pas d’impact à première vue, ces missions sont une invitation à venir dans la cité mariale… Et c’est tout l’enjeu de l’avenir.

Une conquête américaine

En parallèle à ces actions du Sanctuaire, un engouement inattendu est venu du show-business et des médias. D’abord avec le spectacle musical Bernadette de Lourdes dont un des coproducteurs n’est autre que Gad Elmaleh. Un projet colossal, qui prévoit dès septembre une tournée dans tous les Zéniths de France et même une date à Broadway. En 2018, c’était Thierry Demaizière et Alban Teurlai qui avaient créé l’évènement avec le docu-fiction Lourdes, une œuvre magistrale composée de portraits croisés de pèlerins. Des images sublimes, déchirantes parfois, d’une émotion rare qui montrent ce qu’est la ville pour les gens qui s’y rendent. Un film qui connaît une nouvelle vie et est sorti il y a un mois dans 700 salles des Etats-Unis. Des US qui s’enflamment pour la ville qui a reçu une mise en lumière inespérée avec un sujet dans Sixty Minutes, le magazine phare d’information diffusé sur CBS. Le reportage sur les guérisons de Lourdes a explosé les audiences et s’ajoute à ce qui ressemble à une conquête américaine. Une internationalité qui devrait porter ses fruits.

Des touristes individuels

Lourdes, qui était déjà mondialement connue, devient peu à peu une « expérience » à vivre : « On est conscient que certains ne pourront jamais venir, les nourrir spirituellement c’est important pour eux et pour nous. Mais pour d’autres, le pèlerinage digital ne suffit pas. Se lever, marcher, c’est ça le pèlerinage ». Si les retombées ne sont pas encore palpables, la dynamique est là, bien enclenchée et Lourdes qui a toujours vécu sur l’activité groupe doit se réadapter aux demandes… tout en gardant sa mission : « Aujourd’hui on voit que la part des pèlerinages organisés traditionnels est en difficulté tandis que les touristes individuels sont de plus en plus nombreux à venir » constate David Torchala. Des visiteurs de moins en moins « formés » à la foi catholique qui viennent pourtant chercher des valeurs d’entraide et de charité, avec lesquels le Sanctuaire doit là aussi s’adapter

Lourdes vision 2023

Etabli dans cette perspective, Lourdes Vision 2023 est une projection de ce que sera le Sanctuaire dans sept ans : « Ce que l’on souhaite c’est le transformer par des grands chantiers et donc des grands travaux qui vont d’abord concerner les portes d’entrées du site », explique David Torchala.

Un espace muséographique va y être créé afin de faire découvrir le Sanctuaire de manière immersive

Le Village des Jeunes

Un espace muséographique va y être créé afin de faire découvrir de manière immersive ce que représente réellement le Sanctuaire qui ne sera jamais un simple lieu « touristique ». Sur les 29 lieux de culte établis sur ses 50 hectares, nombreux devraient être rénovés tout comme le Village des Jeunes, établi sur les hauteurs de la ville, qui devrait lui aussi être entièrement repensé avec des travaux liés à l’économie d’énergie, une préservation du patrimoine et de l’environnement. La création d’un pôle santé est également au cœur de ces projets avec la santé mentale en fil rouge. Au total neuf projets qui nécessiteront plusieurs millions d’euros, idéalement financés par le mécénat à hauteur de 50 % et les fonds propres du Sanctuaire, à savoir la trésorerie et les emprunts bancaires.

L’affluence de retour

Modernité, nouveaux pèlerins, gestion des touristes, santé mentale : le Sanctuaire est à la croisée des chemins. Une évolution qui est finalement fidèle à son histoire, au fil du temps il s’est toujours adapté à ses visiteurs de plus en plus nombreux. La saison 2023 se profile comme celle d’un « retour à la normale » avec les grosses organisations de pèlerinage qui reviennent dans des formats quasi identiques à 2019 : 4 000 enfants et jeunes anglo-saxons de HCPT sont attendus, le rassemblement du FRAT et ses 8 000 jeunes des aumôneries de banlieues parisiennes, les 12 000 militaires, 25 000 jeunes enregistrés pour les JMJ.

150ème anniversaire du pèlerinage national

Le 15 août, ça sera le 150ème anniversaire du pèlerinage national, il y a déjà 6 000 inscrits et le 16 juillet, Andrea Bocelli sera en concert lors d’une immense procession qui fêtera l’anniversaire du dernier jour des apparitions. Conserver sa mission historique, accueillir les malades et les pèlerins du monde entier sans négliger cette nouvelle population qui est déjà là, demandeuse et inédite est le prochain défi du Sanctuaire.