Couverture du journal du 07/05/2024 Le nouveau magazine

Toulouse : Le Min au top

Vieillissant et endetté il y encore quelques années, le Marché d’intérêt national de Toulouse, dirigé par Maguelone Pontier, est aujourd’hui parmi les plus dynamiques de France. Acheteurs et locataires frappent à la porte de cet acteur, devenu incontournable, de l’alimentation locale. Dernière innovation en date, le pôle transformation, inauguré le 7 septembre dernier. Retour sur l’histoire d’une renaissance.

Maguelone Pontier, Min, Toulouse

Maguelone Pontier, directrice du Grand Marché © Louis Piquemil - La Vie Economique

De nuit comme de jour, chacun s’affaire dans ce qui ressemble vu de haut à une fourmilière. Difficile d’imaginer qu’il y a moins de dix ans, le Marché d’intérêt national (Min) de Toulouse faisait grise mine, avec une activité en déclin. Il accueille désormais – en plus de son carreau de producteurs – une guinguette, des restaurants ou encore une pépinière d’entreprises. Dernière innovation en date, le pôle transformation, inauguré le 7 septembre par la directrice du Min, Maguelone Pontier. 4,2 millions d’euros ont été investis avec l’aide de la Région Occitanie et Toulouse Métropole pour moderniser cet espace sous-exploité de 5 100 m2.

4,2 millions d’euros ont été investis dans le pôle transformation, un espace de 5 100 m2 qui était sous-exploité

Le pôle transformation accueille désormais le grossiste RV primeurs, qui travaille en collaboration étroite avec le Meilleur Ouvrier de France primeur 2019 Éric Fabre, des acteurs du circuit-court (Agriflux, Droites dans nos bottes, EticMiam…), la branche marée du grossiste Pomona, ainsi qu’un tout nouvel arrivant de taille : Fresh & Good, déjà présent aux Min de Rungis, de Nice et de Châteaurenard. L’entreprise créée en 2018 est un acteur majeur de la fraiche découpe – ces fruits et légumes découpés et emballés dans des barquettes plastiques – en grande distribution. « A Paris, Nice et à Châteaurenard, nous sommes référencés dans environ 500 supermarchés. A Toulouse, nous sommes présents dans 40 points de vente, mais nous venons juste de nous installer », indique le dirigeant Alexis Ganteaume. Fresh & Good s’approvisionne auprès des producteurs locaux et grossistes du Min et prévoit de transformer à terme environ 2,5 tonnes de fruits et légumes par jour.

MIN

© Emmanuelle Choussy

Redresser la barre

Et c’est bien là l’objectif de l’aménagement de ce nouveau pôle : créer de nouveaux débouchés aux locataires du Min. « Nous avons travaillé pour vous proposer un outil de qualité, maintenant, on vous passe le relai », lançait Maguelone Pontier aux acteurs de la grande distribution et de la restauration hors domicile présents à l’occasion de l’inauguration du pôle. « A vous de venir vous fournir ici, et de valoriser les produits locaux ».

Il faut dire que depuis sa nomination à la tête du Min de Toulouse en 2017, Maguelone Pontier n’a eu de cesse que de construire un écosystème performant. Une mission de taille : lorsque la gestion du Min de Toulouse a été déléguée en 2017 par Toulouse Métropole au groupement privé Lumin Toulouse – composé de Rungis (51 %), La Poste Immobilier (44 %) et la Caisse d’Epargne Midi-Pyrénées (5 %) – , le Min avait une ardoise de 28 millions d’euros. « La métropole a repris la dette en échange du versement d’une redevance pendant 22 ans », explique Maguelone Pontier. « A partir de là, il nous a fallu rétablir une situation financière très dégradée ». Et la dirigeante, alors âgée de 32 ans, fait des miracles. Entre 2015 et 2022, le Min – devenu depuis le « Grand Marché » – a vu son chiffre d’affaires passer de 333 à 416 millions d’euros, et son taux d’occupation de 83 % à 98 %. « Notre marché est le seul de France qui ne perd pas de locataires dans son carreau de producteurs. C’est une fierté lorsqu’on sait que la population agricole est en recul ».

 Notre marché est le seul de France qui ne perd pas de locataires dans son carreau de producteurs

Diversification de l’offre

« Nous nous sommes attelés dès le début à faire connaître le Min, qui ne l’était pas des Toulousains et peu des professionnels », se souvient la directrice générale. Elle insiste pour que les arrêts de bus à proximité du Grand Marché, situé avenue des Etats-Unis, à l’extrême nord de Toulouse, prennent le nom du Min. Forte de ses expériences passées de conseillère du président du Marché de Rungis et de secrétaire générale de la Fédération des marchés de gros, Maguelone Pontier travaille – avec son équipe, qu’elle aime à valoriser– à développer l’offre physique sur le Min. En quelques années, elle diversifie l’activité et installe des professionnels autres que des producteurs et grossistes. « Notre idée a été de mettre la gastronomie et les bons produits à l’honneur. Thomas Fantini (restaurateur toulousain dirigeant du groupe Esprit Pergo, NDLR) a été l’un des premiers à me faire confiance en installant son atelier chez nous ». Il sera suivi d’autres grands noms toulousains, comme la fromagerie Xavier ou le torréfacteur Maison Sassier.

MIN

© Emmanuelle Choussy

Créer du business

Pour pousser plus loin encore le concept d’écosystème, Maguelone Pontier initie l’installation de services. Le Min accueille par exemple des banques, assurances, agences de communication ou start-ups agroalimentaires dans sa pépinière d’entreprises. Inaugurée début 2022, elle a pris place dans les anciens entrepôts des cachous Lajaunie. « Aujourd’hui, on compte plus de 450 entreprises locataires. 1 600 personnes travaillent quotidiennement au Grand Marché et 5 000 acheteurs viennent s’y fournir. Tous peuvent faire du sport, se faire soigner, ou acheter leur pain sur place ».

Nous avons 30 000 m2 de demande de locataires en attente 

Le site sous-exploité par le passé doit aujourd’hui doit pousser ses murs. « On optimise tous nos espaces et on continue ainsi à trouver de la place : on a installé les fermes Ionaka sur les toits et nous sommes en train d’aménager les sous-sols pour y installer des cultures de champignons et d’endives. Aujourd’hui, nous avons 30 000 m2 de demande de locataires en attente et avons désormais le luxe de choisir les nouveaux installés, avec un critère principal : s’assurer qu’ils vont apporter du business aux autres locataires ». Le Grand Marché devrait bientôt accueillir une coutellerie et une céramiste.

Un Foodlab en 2024

Dernier projet en cours, l’inauguration en janvier 2024 du Foodlab du Grand Marché. « Nous avons lancé un appel à projets pour choisir l’exploitant du site », explique Maguelone Pontier. « Le Foodlab sera un tiers-lieu tourné vers la cuisine collaborative, la recherche et le développement, la démonstration culinaire, les supers-aliments et l’innovation », précise-t-on au Grand Marché. L’alimentation spatiale devrait même y être testée. Le Foodlab sera installé dans une partie des locaux de l’école Cuisine Mode d’emploi(s), la huitième du chef doublement étoilé Thierry Marx.

MIN

© Emmanuelle Choussy

Dans cette école inaugurée en 2019, la formation délivrée, gratuite, s’adresse aux jeunes sortis du système scolaire sans diplôme, aux demandeurs d’emploi de longue durée, aux bénéficiaires du RSA, mais également aux individus sous la main de la justice ne pouvant pas suivre un cursus classique. Une dimension sociale qui fait écho aux valeurs défendues depuis longtemps par Maguelone Pontier. « Le volet social que je porte au Min est celui auquel je tiens le plus, même si les projets environnementaux me paraissent également très importants. Chez nous, les publics éloignés de l’emploi représentent 20 % de notre masse salariale. En réalité, ce qui compte, ce n’est pas de savoir d’où tu viens mais de savoir si tu as envie de travailler ». La directrice estime par ailleurs que le Grand Marché lui-même remplit une mission sociale. « Dans certains quartiers prioritaires, les seuls espaces d’échanges qui perdurent sont les marchés de plein vent et les petits commerces de proximité qui viennent se fournir chez nous. Ce qui compte pour moi, c’est de leur donner accès à des produits locaux et de qualité ».

 

Le Min en chiffres

191 entreprises locataires

266 producteurs

4 700 acheteurs

Plus de 1200 emplois directs

416 M€ de chiffre d’affaires généré par les entreprises