Matériaux avancés, propulsion verte, digitalisation, intelligence artificielle, autant de domaines où la collaboration scientifique est indispensable pour franchir de nouveaux seuils technologiques. À côté des grands programmes coordonnés (comme Clean Aviation en Europe), de nombreux projets de recherche conjointe naissent entre laboratoires publics et industriels : thèses Cifre, chaires industrielles, laboratoires communs entre CNRS, écoles d’ingénieurs, universités et grands groupes.
Enjeu de souveraineté
Le développement de matériaux composites plus légers, l’étude des carburants d’aviation durables (SAF), ou encore la modélisation des flux aérauliques à l’aide de l’IA sont autant de domaines où la recherche partenariale a déjà produit des résultats concrets. Ces partenariats ne sont pas sans défis. Les contraintes de confidentialité, les questions de propriété intellectuelle, ou encore les délais de publication peuvent générer des incompréhensions. Le monde académique fonctionne sur des logiques de diffusion et d’ouverture, là où l’industrie vise à protéger son avantage concurrentiel.
Par ailleurs, le décalage temporel est souvent un obstacle : la recherche fondamentale s’inscrit dans le temps long, alors que les industriels doivent répondre à des calendriers de développement serrés. La réussite d’un partenariat passe donc par une définition claire des objectifs, des livrables et des règles du jeu dès le démarrage. Dans un contexte de forte concurrence internationale, la capacité à transformer rapidement la recherche en innovations concrètes est un enjeu de souveraineté.
Faire émerger des technologies de rupture
La France et l’Europe misent de plus en plus sur cette coopération entre public et privé pour rester dans la course, que ce soit via des financements publics (PIA, Horizon Europe) ou à travers des structures telles que l’IRT Saint Exupéry par exemple. L’objectif est clair : faire émerger des technologies de rupture, en lien avec les grands objectifs du secteur : neutralité carbone à l’horizon 2050, réduction du bruit, automatisation sûre des systèmes, et beaucoup d’autres…
La recherche partenariale en aéronautique ne se résume plus à la sous-traitance de compétences scientifiques. Elle devient un modèle d’innovation ouverte, où chaque acteur (chercheur, ingénieur, doctorant, start-up, grand groupe) contribue à une chaîne de valeur collective. Cette dynamique suppose de renforcer les passerelles entre recherche fondamentale, appliquée et développement produit, tout en cultivant une culture commune du partage, de la rigueur et de l’impact.
La non-étanchéité réussie entre recherche et industrie
Plusieurs nuages se dressent devant cette filière. Le premier, sans doute le plus connu, est l’accusation de l’avion comme responsable majeur du changement climatique. Des chiffres sont avancés, souvent plus persuasifs que justes, plus idéologiques que documentés. Le 7 septembre 2022, dans un article publié par Ici Occitanie, le président du pôle de compétitivité Aerospace Valley, Bruno Darboux, appelait à mettre un terme à l’avion bashing. Dans le prolongement de cette prise de position, il importe de souligner que l’avion ne se résume pas à ses impacts environnementaux : il demeure un vecteur de rencontre, de partage et de transmission des connaissances.
Un second nuage tient à la nature et à l’histoire des relations entre acteurs académiques et industriels. Longtemps, une méfiance réciproque a marqué ce rapport : les chercheurs percevaient l’industrie comme exploitante, tandis que les industriels jugeaient les chercheurs éloignés des réalités de production. Il est d’ailleurs utile de rappeler que les industriels et les académiques sont issus des mêmes écoles ou universités.
Un troisième nuage concerne l’objet même de la recherche : d’un côté, la recherche fondamentale, souvent associée au monde académique et incarnée par le CNRS ; de l’autre, la recherche appliquée, tournée vers la production et la mise sur le marché, propre aux industriels. Le parcours de Stéphane Mallat, médaillé d’or 2025 du CNRS et cité parmi les potentiels prochains prix Nobel de physique, illustre au contraire la non-étanchéité réussie entre recherche et industrie : chercheur reconnu, inventeur de brevets et créateur de start-up.
Un objectif commun : l’excellence
Les intérêts des uns et des autres convergent : servir notre pays, affirmer notre place dans une compétition internationale exigeante, progresser sans relâche au service de nos concitoyens. L’IRT Saint Exupéry se situe au carrefour de ces deux mondes, avec pour mission la recherche technologique au service de la filière aéronautique et, plus largement, de la souveraineté nationale. Comme d’autres organisations, il rappelle que cette souveraineté s’affermit chaque jour. Leur objectif commun doit être l’excellence, c’est-à-dire atteindre le meilleur niveau mondial. Car la seule véritable compétition est internationale : nos acteurs nationaux ne sont pas des rivaux mais des partenaires. Une compétition nationale ne ferait que nous affaiblir, un jeu à somme négative. L’ambition collective est claire, il serait surprenant que nous ne soyons pas en mesure d’y arriver.
Nos acteurs nationaux ne sont pas des rivaux mais des partenaires