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Collectif Négrette : le Fronton monte en gamme

À la tête du Domaine Le Roc situé dans le cœur de l’AOC Fronton, Anne Ribes, vigneronne membre du collectif Négrette, contribue à bonifier l’image des vins de Fronton.

Anne Ribes © Lilian Cazabet - La Vie Economique

Fière de son terroir, Anne Ribes a autant de caractère que le vin qu’elle produit. À 28 ans, elle est à la tête, avec son cousin Grégoire, du Domaine Le Roc : 35 hectares convertis en agriculture biologique situés au cœur de l’AOC Fronton (entre le nord de la Haute-Garonne et le sud du Tarn) où elle produit en moyenne 160 000 bouteilles par an. Il faut dire que la jeune femme est tombée dans la barrique quand elle était petite. « C’est mon grand-père qui a acheté un domaine de 6 ha dans les années 70. Mon père l’a repris ensuite avec mon oncle. Ils ont agrandi l’exploitation et sont passés de viticulteurs coopérateurs à vignerons indépendants. » Le père d’Anne n’est d’ailleurs pas un inconnu dans le vignoble du Frontonnais. Président du syndicat des vins de l’AOP Fronton, il œuvre depuis des années pour faire reconnaître à sa juste valeur le vin de Fronton.

Faire connaître la négrette

« Avec Benjamin Piccoli, directeur de la Maison des Vins de Fronton, mon père a poussé à la création du collectif Négrette », rappelle Anne Ribes. Un collectif lancé en 2019 qui vise à la reconnaissance du potentiel de l’emblématique cépage de l’AOP Fronton : la négrette. Capricieux car sensible à certaines maladies, ce cépage endémique tire son nom de sa couleur noire intense qui se retrouve dans les vins. Il fait la typicité de l’AOC Fronton car 96 % des surfaces de négrette plantées en France sont situées dans ce vignoble.

Un cahier des charges exigeant

Le collectif Négrette est composé d’une quinzaine de vignerons qui produisent chacun une cuvée spécifique arborant sur la capsule de la bouteille le logo du collectif, garantissant ainsi que le vin respecte un cahier des charges exigeant. « Les bouteilles du collectif constituent pour chacun des membres du collectif le plus haut de gamme de leurs domaines respectifs », explique Anne Ribes. Car les règles sont strictes : les exploitations doivent être certifiées agriculture biologique ou Haute Valeur Environnementale, les rendements sont limités à 35 hectolitres par hectare et les techniques sont pointues : vinification parcellaire obligatoire, seuil minimal de négrette fixé à 70 % de l’assemblage, élevage de 14 mois minimum…

« En 2023, les récoltes ont été qualitatives mais les volumes assez faibles du fait des conditions climatiques »

Le Haut du Bois

Au domaine Le Roc, Anne Ribes consacre une petite parcelle de 0,8 ha située sur la troisième terrasse à la production de sa cuvée le Haut du Bois, qui porte le nom de cette même parcelle. Les vignes, âgées d’une quarantaine d’années, produisent des raisins riches et concentrés. Élevé en foudre (fût de 2 000 ou 4 000 litres) pendant 18 mois, le Haut du Bois est composé à 100 % de négrette. « On produit environ 5 000 à 6 000 bouteilles par an, en fonction de la récolte », explique la vigneronne.

Chaque année, le collectif fait goûter sa production à des professionnels, allant notamment à la rencontre des cavistes toulousains et parisiens. « On organise des dégustations à l’aveugle, et chaque année ils sont surpris et séduits par nos vins. Car nous prouvons que même les appellations « modestes » peuvent produire du vin de grande qualité. Avec un rapport qualité prix imbattable ! »

© Lilian Cazabet - La Vie Economique

© Lilian Cazabet – La Vie Economique

La renaissance du bouysselet

À côté du collectif Négrette, Anne Ribes aimerait contribuer à la création d’un autre collectif de vignerons, ou même d’une AOC, destiné cette fois à valoriser un autre cépage autochtone du Frontonnais : le bouysselet. Un temps oublié, ce cépage blanc avait disparu dans les années 70 avant d’être retrouvé récemment par des viticulteurs du Frontonnais. Au domaine Le Roc, Anne Ribes a produit sa première cuvée de bouysselet en 2018. « On avait fait 300 bouteilles », se souvient-elle. En 2020, la viticultrice fait ses propres surgreffages. Et elle vient en ce printemps 2024 de replanter 1 hectare. En 2023, 3 000 bouteilles de bouysselet ont été produites au domaine. « Et nous visons 6 à 7 000 bouteilles dans les années à venir. »

Diversification

La viticultrice, qui produit une gamme d’une dizaine de vins au domaine, envisage également l’avenir dans la diversification. « Nous sommes de plus en plus soumis aux aléas climatiques. En 2023 par exemple, les récoltes ont été qualitatives, mais les volumes ont été assez faibles du fait des conditions climatiques. Cette année encore, nous avons subi du gel au printemps qui aura certainement des conséquences sur les récoltes », confie Anne Ribes. Face à cette réalité, la cheffe d’exploitation garde dans un coin de sa tête la possibilité de développer un jour une activité complémentaire autour de l’agritourisme pour assurer un revenu. « On pourrait proposer des visites, de la restauration l’été, ou encore ouvrir une ferme pédagogique. D’autant plus qu’on est dans une région assez touristique, et l’arrivée de la LGV jusqu’à Toulouse pourrait être pour nous une opportunité », conclut Anne Ribes, jamais à court d’idées.