Couverture du journal du 17/09/2024 Le nouveau magazine

Commissaire de justice : l’an II d’une nouvelle profession

Profession entrée en vigueur effective le 1er juillet 2022, les commissaires de justice sont issus du rapprochement entre les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires. Régis Granier, installé à Marmande et vice-président de la Chambre nationale des commissaires de justice (CNCJ), fait le point sur l’évolution d’un métier loin de l’image qu’il véhicule.

justice

Régis GRANIER, commissaire de justice à Marmande et vice-président national © Julien Mivielle - La Vie Economique

Vous pouvez ranger l’image de l’huissier austère caricaturé dans le film Les Trois Frères des Inconnus au rang des archives. Régis Granier insiste sur ce point : « Nous sommes un métier de la protection. Il faut sortir du cliché des saisies et des expulsions », explique le commissaire de justice marmandais. En tant qu’officier public et ministériel, il participe au bon déroulement des procédures judiciaires ainsi qu’à leur exécution. Ce pan essentiel de leur activité n’a pas évolué et constitue un monopole des commissaires de justice. En revanche, l’air du temps est à la médiation et ils sont de plus en plus encouragés à favoriser les procédures amiables pour éviter l’encombrement des prétoires : « même en judiciaire, 90 % des dossiers sont en gestion amiable, nonobstant l’obtention en parallèle d’une décision de justice pour garantir la créance. L’exécution n’intervient qu’avec des personnes récalcitrantes ou de mauvaise foi », précise Maître Granier. L’héritage des commissaires-priseurs judiciaires permet par ailleurs aux commissaires de justice de réaliser des estimations, des inventaires et des ventes judiciaires. La palette d’intervention est donc devenue extrêmement large et la caractéristique première de la profession est la neutralité devant les justiciables.

Des activités accessoires méconnues

C’est une facette peu connue du grand public mais les commissaires de justice peuvent également exercer des activités immobilières. En effet, ils disposent de la faculté de gérer et de mettre en location des immeubles de particuliers ou des collectivités locales, et à partir du 1er septembre, ils pourront également vendre les biens qu’ils ont en gestion. Autres domaines d’intervention : la médiation, ou l’activité de mandataire d’intermédiaire d’assurance. Autant de missions qui bénéficient d’une garantie professionnelle forte : « c’est parce que nous sommes officiers publics et ministériels que nous avons une déontologie inhérente à notre activité », abonde Régis Granier.

« Nous sommes la seule profession du droit avec des bottes ou des chaussures de chantier dans le coffre de la voiture »

Le tiers de confiance des entreprises

Si le commissaire de justice intervient régulièrement pour les particuliers, il est aussi sollicité par les chefs d’entreprise et ce pour deux raisons principales : les impayés et les litiges contractuels. Régis Granier encourage les entrepreneurs à faire appel aux commissaires de justice qui sont de véritables tiers de confiance qui peuvent permettre de préserver la relation commerciale tout en résolvant les conflits. Et quand on demande à Maître Granier son point de vue sur le contexte économique actuel, celui-ci répond sans détour : « La difficulté que j’entends le plus, c’est celle du recrutement, plus que la situation économique. Je pense qu’il va y avoir une hausse des procédures collectives mais ce ne sera qu’un rattrapage des années Covid qui n’a pas encore eu lieu ». Aussi, Régis Granier, qui est également vice-président de la Chambre nationale des commissaires de justice et passe ainsi trois jours par semaine à Paris pour représenter sa profession, souhaite lever le voile sur son métier : « les chefs d’entreprise ont le réflexe avocat car ils en ont compris l’intérêt, il faut à présent qu’ils aient le réflexe commissaire de justice. Anticiper notre intervention, c’est garantir ses droits, pour les impayés c’est une question d’efficacité, et pour les constats, anticiper c’est parfois éviter le litige potentiel. Souvent, on nous appelle quand il y a un problème ou qu’il est trop tard. Pourtant, nous sommes très réactifs et la seule profession du droit avec des bottes ou des chaussures de chantier dans le coffre de la voiture », conclut-il.

L’origine des commissaires de justice

La loi Macron de 2015 avait pour objectif de libéraliser l’économie. Elle a amorcé le rapprochement entre huissier de justice et commissaire-priseur judiciaire. Le projet initial était de créer une grande profession représentant un guichet unique de l’exécution des décisions de justice, cependant les mandataires judiciaires sont finalement restés en dehors du champ de la réforme. Finalement, les 3 200 huissiers de justice et les 400 commissaires-priseurs judiciaires sont devenus un seul et unique métier le 1er juillet 2022 : les commissaires de justice.