Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Conjoncture : des artisans à bout de souffle ?

Le président de la Chambre de Métiers et de l'Artisanat de Lot-et-Garonne (CMA 47) Jean-François Blanchet, a fait le point sur la situation de l'artisanat local : il tire la sonnette d’alarme face à une situation économique dégradée.

© Julien Mivielle - La Vie Economique

Le président de la CMA 47 nous accueille dans le tout nouveau bâtiment qui fait partie du vaste programme de rénovation du CFA La Palme à Agen. Les travaux, d’un montant de 18 millions d’euros, vont apporter un coup de jeune au plus vieux centre d’apprentissage de France, qui va fêter ses 60 ans cette année. Les locaux sont lumineux, la couleur chaleureuse et le président Jean-François Blanchet nous reçoit avec des viennoiseries préparées par les apprentis en boulangerie. Pourtant, dès le début de son propos, il tranche dans le vif : « Nous avons aujourd’hui les résultats d’une économie qui ne va pas forcément bien. Nous avons traversé la crise sanitaire, la crise énergétique et l’inflation. Les trésoreries sont à plat donc les entreprises artisanales sont très fragiles et précaires. Les artisans sont à bout de souffle, nous sommes à un virage important ». Face à ces défis rencontrés par les artisans, le président a souligné l’importance cruciale de se soutenir et de valoriser ce secteur vital de l’économie régionale : « Seuls, on ne passera pas le cap. Les organisations professionnelles ont des solutions : la chambre des métiers, c’est leur maison. On est là pour accompagner dans les moments difficiles », a-t-il expliqué.

Quatre obstacles majeurs

Le constat dressé par le président Blanchet a mis en lumière quatre problématiques majeures pour lesquelles il en appelle à l’État et aux responsables politiques : les charges énergétiques élevées, le fardeau administratif, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, ainsi que la complexité de trouver des repreneurs pour les entreprises artisanales existantes. Ces enjeux impactent directement la santé économique et le dynamisme du tissu artisanal local. À quelques semaines d’intervalle, on entendrait presque les mêmes mots que ceux des responsables syndicaux agricoles. À ceci près que l’artisanat est confronté depuis le 1er janvier à une difficulté chronique : le guichet unique.

« Le nouveau portail de l’INPI ne permet pas d’identifier tous les artisans de manière claire »

Les failles du portail de l’INPI

C’est un point récurrent depuis sa mise en œuvre, le nouveau portail de l’INPI pour enregistrer les entreprises, qui devait initialement faciliter les démarches, suscite beaucoup de mécontentement. Et Jean-François Blanchet ne fait pas exception : « Depuis un an, le guichet unique des formalités des entreprises, géré par l’INPI, remplace le répertoire des métiers traditionnellement tenu par la CMA. Ce registre national ne permet pas actuellement d’identifier de manière claire l’ensemble des artisans. Ces lacunes entraînent des conséquences significatives : d’une part, certaines entreprises en phase de création ou de gestion ne bénéficient pas de l’accompagnement nécessaire au moment critique où ils en ont le plus besoin. D’autre part, l’incapacité de la plateforme à distinguer les titres honorifiques tels qu’artisan, artisan d’art, maître artisan et maître artisan d’art, pose un défi supplémentaire. Ces titres sont pourtant essentiels pour reconnaître et promouvoir l’excellence artisanale, une valeur à laquelle la CMA est fermement attachée ».

« Nombre d’artisans font vivre les villages de nos campagnes »

L’artisanat au cœur de la ruralité

Le président de la CMA 47 livre aussi un véritable plaidoyer pour l’artisanat en zone rurale : « Les gens ne savent plus forcément ce qu’est l’artisanat aujourd’hui alors que nombre d’artisans font vivre les villages de nos campagnes. Combien de fois j’ai été appelé par un maire qui venait de perdre sa boulangerie ? Mais les habitants ont-ils fait ce qu’il fallait pour la garder en y allant plutôt qu’en grandes surfaces ? Nous avons un effort collectif à faire ». Autant de questions qui interrogent aussi nos modes de consommation et notre comportement d’acheteur. Pour encourager ce chauvinisme local, la CMA a mis en place un dispositif auquel Jean-François Blanchet est très attaché : « Vivons local, vivons artisanal » afin d’encourager les achats quotidiens chez les artisans. Une autre opération de communication, « Les artisans gourmands », a également pour objectif de mettre en lumière les métiers de bouche qui s’investissent pour la qualité de leurs produits. En attendant de se retrouver pour les 60 ans de La Palme en fin d’année, le président Blanchet appelle à une prise de conscience collective de l’importance de l’artisanat dans le paysage économique local et invite tous les acteurs concernés à collaborer pour préserver et promouvoir cet héritage précieux.

© Julien Mivielle - La Vie Economique

© Julien Mivielle – La Vie Economique

Les chiffres de l’artisanat en Lot-et-Garonne

9 826 entreprises

20 000 salariés

49 % des entreprises ont plus de 10 ans

2/3 d’entreprises individuelles, 1/3 de sociétés

846 créations d’entreprises en 2023

1 012 apprenants en formation (68 % d’hommes, 32 % de femmes)

16 métiers différents au CFA La Palme à Agen (service, industrie, bâtiment et alimentation)