Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Sébastien Zozaya, explorateur des saveurs

Pays basque - Il perpétue un savoir-faire séculaire, adapte les produits aux nouvelles exigences des consommateurs et modernise le métier… Sébastien Zozaya, emblématique artisan charcutier-traiteur à Biarritz et Bayonne, Meilleur Ouvrier de France, bouscule la charcuterie française pour mieux la pérenniser. 

Sébastien Zozaya

Sébastien Zozaya ©Louis Piquemil – La Vie Economique

Avec leur casquette et leur tee-shirt identique, on les croirait employées d’un fast food et pourtant elles sont vendeuses chez un charcutier-traiteur. Un comptoir pour la dégustation, des chaises hautes, une décoration minimaliste, de la musique, des produits préparés à la vue de tous, cette boutique atelier de Bayonne se veut « laboratoire de la charcuterie de demain ». Bienvenue chez Sébastien Zozaya. Ouverte il y a quatre ans, cette échoppe bayonnaise réalise les 3/4 de son chiffre d’affaires en charcuterie puis ensuite en plats cuisinés.  Sur l’étal : du jambon de Bayonne, du pâté de campagne, des rillettes, des saucisses ou encore du boudin. Plusieurs pâtés en croute sont également proposés à côté de la fameuse Tourte Tout Cochon, le produit vedette de cet artisan charcutier pas comme les autres. « Nous fabriquons 95 % de nos produits », certifie Sébastien Zozaya. Dans son autre boutique située à Biarritz, c’est l’activité traiteur qui domine.

Formé auprès d’étoilés

Se présentant comme « un artisan charcutier français », ce personnage aux allures de dandy témoigne d’une belle énergie. D’origine basque espagnole, Sébastien Zozaya est natif du Béarn. A l’âge de 15 ans, il débute comme apprenti charcutier puis s’oriente vers le métier de cuisinier. La table des Frères Ibarboure à Bidart, le Louis XV d’Alain Ducasse à Monaco, Martin Berasategui au Pays basque espagnol, le Ritz de Barcelone, le Shangri-La d’Abu Dhabi, Sébastien Zozaya voyage, travaille et se perfectionne dans ces maisons étoilées et dans la restauration de luxe. En 2012, il s’installe à Biarritz et revient à son métier de charcutier-traiteur désormais enrichi du savoir-faire de grands cuisiniers et pâtissiers. Dans ses deux boutiques de Biarritz et Bayonne, Sébastien Zozaya emploie une quinzaine de collaborateurs pour un chiffre d’affaires d’1,5 million d’euros. Sacré Meilleur Ouvrier de France charcutier traiteur en 2019, il a publié un livre de 480 pages intitulé Charcuterie, leçons en pas à pas en novembre 2021.

Sébastien Zozaya et sa Tourte Tout Cochon ©Louis Piquemil – La Vie Economique

Médaille d’or du concours national des chefs charcutiers-traiteurs en 2015, Sébastien Zozaya est ensuite Meilleur Ouvrier de France en 2019

Les régions françaises à l’honneur

Assurer la promotion de son métier, transmettre un savoir-faire ancestral, faire honneur à ses pairs, partager sa vision et son expérience, les objectifs de ce livre expriment la passion et l’engagement de son auteur. Déjà vendu à 10 000 exemplaires, l’ouvrage a été récemment récompensé du prix du savoir-faire aux trophées du livre des meilleurs ouvriers de France. Avec une centaine de recettes et un millier de photos signées David Duchon-Doris, Charcuterie, leçons en pas à pas est aussi un hommage aux terroirs de France. « Quand j’ai fait le livre je me suis rendu compte de l’importance des spécialités régionales dont certaines font vivre un bassin économique ou des familles entières autour d’un produit », témoigne Sébastien Zozaya. Mâchons lyonnais, Toulousain ou Pâté lorrain, des spécialités régionales faites maison sont à l’honneur dans ses boutiques.

La charcuterie pâtissière comme spécialité

« La charcuterie pâtissière est le résumé de ma formation et de mes métiers », analyse ce créateur qui se singularise avec cette spécialité. Composée d’une pâte sablée, feuilletée, brisée ou briochée enveloppant un apprêt de viande, le plus souvent du porc, la charcuterie pâtissière réunit des spécialités comme les pâtés en croute, friands ou vol-au-vent. « Déjà il y a un esthétisme qui s’adresse à toutes les générations », apprécie Sébastien Zozaya qui se distingue avec ses mets signatures comme sa Tourte Tout Cochon. Vendue 22 euros au format unique de 430 grammes pour 4 personnes, elle est composée d’une farce de cochon fermier condimentée avec des échalotes, du vin blanc et des champignons. « C’est un produit que l’on maîtrise bien, qui est apprécié, qui comporte une notion de voyage comme le gâteau basque. J’aime aussi l’idée d’un produit à partager que l’on découpe au milieu de la table », commente Sébastien Zozaya.

La charcuterie pâtissière est la symbiose de sa formation, de son parcours et de ses métiers

Boutique de Bayonne ©Louis Piquemil – La Vie Economique

Pour une consommation plaisir et santé

Quand on lui demande combien de produits lui et son équipe sont susceptibles de fabriquer, le charcutier réfléchit puis répond : « plusieurs centaines pour la partie traiteur avec toutes les combinaisons de recettes possibles, une centaine en charcuterie, une trentaine de desserts. » S’il utilise du porc basque de race Manex pour fabriquer son pâté basque, Sébastien Zozaya lui préfère la race Duroc : « je travaille avec un cochon qui vient du Perche. Nous sommes plusieurs charcutiers français dont la Maison Verot à Paris ou Arnaud Nicolas mais aussi quelques chefs étoilés à travailler avec trois élevages de race Duroc conduits avec de vraies méthodes artisanales ». Affichant une cuisine sans additif ni conservateur avec des produits issus des circuits courts, Sébastien Zozaya a intégré les nouvelles exigences des consommateurs et se fait le promoteur d’une charcuterie plaisir et santé.

Et maintenant le végétal

Pour lui, la saisonnalité est la grande oubliée de l’histoire de la charcuterie française et il est temps que cela change. L’idée est d’introduire des légumes, des herbes ou des céréales de saison dans ses créations. « Nous travaillons dessus », confie-t-il. L’objectif serait de proposer quatre versions d’un même produit dans l’année avec des charcuteries intégrant des végétaux frais et de saison. Répondre ainsi aux attentes d’une consommation plus équilibrée et respectueuse de l’environnement permettrait de « montrer aussi que les charcutiers font des efforts et évoluent », revendique-t-il. « Mon idée est d’avoir une vitrine proposant des classiques français, des produits signatures, des charcuteries de saison. » Est-il pour autant prêt à toutes les expérimentations ? « Je suis très attaché à la tradition française », tempère-t-il. C’est pour sa capacité à bousculer les codes tout en pérennisant un savoir-faire séculaire que la filière de la charcuterie tricolore a besoin de lui.

« Manger du pâté, c’est sauver un charcutier »

De la communication et du sens

« Manger du pâté c’est sauver un charcutier » a-t-il fait inscrire sur des boites de pâté, des sacs, des casquettes et au mur de ses boutiques. Né pendant le Covid pour encourager les clients à consommer, ce slogan illustre aussi sa volonté de moderniser son métier. Sébastien Zozaya se dit « inspiré par les pâtissiers qui savent packager leurs produits et leurs points de vente ». Il regarde aussi ce qui se fait dans la mode, le design, l’artisanat, le sport. Depuis plusieurs années, Sébastien Zozaya collabore avec Thomas Jaussaud, un publicitaire installé à Bayonne. En plus des dénominations humoristiques de certains de ses produits, la marque Sébastien Zozaya se distingue avec ses emballages de papier kraft et de verre recyclables ou avec ses collaborations avec le designer Samuel Accoceberry. Sollicité par des investisseurs pour développer sa marque, Sébastien Zozaya ne se sent pas encore prêt et ne veut ni concurrencer ses confrères, ni perdre le contrôle de son activité. Il souhaite juste continuer sa quête du goût, du beau et du bien manger et, si possible, redonner du sens à ce savoir-faire séculaire.

La qualité recherchée et plébiscitée

D’après une étude réalisée par OpinionWay en août 2022 pour le compte de la Confédération nationale des charcutiers-traiteurs (CNCT), plus de la moitié des Français se rend chez un artisan charcutier-traiteur au moins une fois par mois. Et 1 sur 5 s’y rend une fois par semaine. Près de la moitié des Français interrogés y préparent un repas festif et un tiers s’y fournit pour le repas du quotidien. 78 % des achats sont faits sur la charcuterie, 62 % sur la viande et volaille fraîche, 42 % sur la rôtisserie, 40 % sur des plats cuisinés, 22 % sur du fromage, 14 % sur des produits d’épicerie fine et 10 % sur des desserts. Les raisons d’achat chez un charcutier-traiteur sont la qualité des produits, le goût du fait maison, la confiance, le savoir-faire. Pour 93 % des Français, les artisans charcutiers traiteurs proposent des produits de qualité.

Pâté en croute Oreiller ©David Duchon-Doris

Une tradition française séculaire

C’est depuis l’ère romaine où l’on pratique le salage et le fumage de la viande et plus précisément celle de cochon. En 1475 à Paris, la profession de charcutier (nom dérivé de chair-cuitiers) se distingue de celle des bouchers puis obtient ensuite le droit d’être la seule à vendre de la viande de cochon crue, cuite ou apprêtée. Depuis, la profession a étendu son activité à d’autres produits que les 450 spécialités charcutières constituant le patrimoine de nos régions. La France compte aujourd’hui 6 500 entreprises artisanales employant 16 000 salariés. Selon la Confédération nationale des charcutiers-traiteurs (CNCT), la profession compte 53,8 % d’hommes et 46,2 % de femmes.