Elle est l’un des derniers sites de production de produits ultra-frais dans le grand Sud-Ouest, la dernière d’une telle envergure : l’usine laitière Yéo Frais. Implantée non pas dans une zone rurale, mais à Toulouse face au Marché d’intérêt national, elle transforme chaque année 110 millions de litres de lait en pots de yaourt, briques de lait et pots de crème fraîche, pour les marques de distributeurs en majorité, mais également en marque propre.
L’histoire a commencé il y a près de 100 ans, avec la création en 1929 d’une coopérative régionale de producteurs laitiers, a continué en 1968 avec la construction d’une laiterie, et se poursuit encore aujourd’hui, notamment avec son rachat par Les Maîtres laitiers du Cotentin au groupe Sodiaal en 2017. « Et on ne compte pas s’arrêter de sitôt ! », sourit Jérôme Servières, directeur général de Yéo Frais.
Diversification des approvisionnements
Faire vivre une usine qui transforme du lait en ville et dans le Sud-Ouest n’est pourtant pas une mince affaire. « Nous sommes confrontés à un phénomène de déprise laitière qui met en danger nos approvisionnements », explique le dirigeant. En dix ans, la production laitière a en effet diminué de 25 % en Occitanie, selon les chiffres de la chambre d’agriculture régionale.
Dans ce contexte, Yéo Frais vient d’opérer une diversification dans ses approvisionnements. Jusqu’à présent, c’est le groupe Sodiaal (ex-maison-mère de Yéo Frais) qui fournissait l’intégralité du lait à l’usine toulousaine. « Depuis quelques semaines, nous nous fournissons également auprès d’agriculteurs de l’AOP (association d’organisations de producteurs, N.D.L.R.) Sunlait », se félicite Jérôme Servières. Yéo Frais sécurise ainsi environ 40 millions de litres de lait fournis par une soixantaine d’exploitations situées dans le Sud-Ouest de la France.
Yéo Frais sécurise environ 40 millions de litres de lait fournis par une soixantaine d’exploitations de l’AOP Sunlait
La Brique Rose valorise le lait haut-garonnais
Cette nouvelle étape s’inscrit dans une démarche de partenariat avec les producteurs engagée dès 2022, d’abord dans le cadre du lancement de la marque La Brique Rose, portée par l’association de producteurs éponyme. « L’objectif était de soutenir les producteurs haut-garonnais en leur assurant des débouchés et en les aidant à valoriser leur lait », explique le DG de Yéo Frais. L’usine toulousaine transforme ainsi chaque année environ 10 millions de litres de lait fournis par l’association de producteurs, commercialisés en partie sous la marque La Brique Rose (1 million de briques par an).
« Ce que nous proposons aux producteurs, c’est un contrat qui leur garantit des volumes et un prix. C’est-à-dire de la transparence et de la visibilité », explique Jérôme Servières. Des conditions qui ont permis à La Brique Rose d’être certifiée FairTrade (commerce équitable, N.D.L.R.) par l’organisme Max Havelaar. « C’est un véritable atout pour nous, car cela permet à La Brique Rose, largement distribuée en restauration collective, d’entrer dans les critères de la loi Égalim », se réjouit le DG de Yéo frais. En d’autres termes, grâce à cette certification, La Brique Rose fait officiellement partie de la liste des « produits durables et de qualité » qui doivent, depuis le 1er janvier dernier, composer 50 % des produits servis en restauration collective.
Avec La Brique Rose, l’objectif est de soutenir les producteurs de lait haut-garonnais en leur assurant des débouchés
YOgourmand, le yaourt d’Occitanie
Si l’usine produit des yaourts, briques de lait et pots de crème fraîche en majorité pour les marques de distributeurs, Yéo Frais possède aussi sa propre marque de yaourts YOgourmand. YO, signifie simplement « Yaourt d’Occitanie », et sur les packagings, un petit personnage brandit fièrement un drapeau de la région Occitanie. « Notre ambition est de valoriser l’origine Occitanie », précise Jérôme Servières. Une nécessité quand les coûts de production – énergie, transports, matière première… – ont augmenté de 20 à 25 % selon le dirigeant de Yéo Frais qui indique avoir investi 4 millions d’euros en 2022 pour limiter la consommation énergétique de l’usine.
Pour 2025, la marque YOgourmand proposera trois nouvelles références à la vente et présentera une nouveauté subtile sur son packaging : à l’intérieur des opercules des yaourts, une petite mention rappellera au consommateur que les pots de yaourt doivent être jetés dans le bac de tri. « Il n’est même pas nécessaire de les laver ! », précise Jérôme Servières.
Recycler les pots de yaourt
Il faut dire que Yéo Frais est engagée depuis plusieurs années, aux côtés de Syndifrais – l’organisation professionnelle des fabricants de produits laitiers frais que Jérôme Servières a présidée de 2015 à 2019 – sur la question de la gestion des emballages des yaourts. Selon Syndifrais, 16 milliards de pots de produits laitiers sont consommés chaque année en France. Pour lutter contre la pollution plastique et répondre aux enjeux de la loi Agec, Syndifrais s’est fixé une feuille de route pour contribuer à l’amélioration du geste de tri – en 2019, seuls 30 % des Français triaient leurs pots de yaourt – et créer une filière de recyclage fermée des pots de yaourt en polystyrène PS (la majorité des pots, N.D.L.R.).
Syndifrais, qui représente environ 75 % des acteurs fabricants de produits laitiers, est sur la voie de la réussite. « À partir de 2025, deux premières usines européennes – une en Belgique et une en Espagne – vont être capables de recycler des pots de yaourt, pour en refaire des pots de yaourt. C’est inédit », se félicite Jérôme Servières.
Pour 2025, la marque YOgourmand incitera sur son packaging les consommateurs à jeter les pots de yaourts en bac de tri
Tester le réemploi
En parallèle, l’entreprise toulousaine cherche des solutions pour limiter les quantités de déchets. « Nous travaillons activement sur le sujet du réemploi, notamment avec les collectivités qui utilisent nos produits en restauration collective. » Yéo Frais va démarrer une expérimentation avec quelques partenaires en 2025 – « nous allons bénéficier de subventions dans ce cadre » – dans l’espoir de la déployer dès 2026. « Il nous faut trouver les bonnes solutions pour bien gérer le flux de retour des emballages », explique Jérôme Servières.
« Nous essayons à notre échelle d’être innovants, toujours en équipe », commente le DG de Yéo Frais. C’est d’ailleurs sur la dimension collective que l’entreprise – qui a fortement travaillé sur sa marque employeur ses dernières années – souhaite communiquer. « Chez nous on dit “ Ensemble, tu iras plus loin ”, car nous sommes convaincus que la solidarité et l’entraide sont les clés de notre réussite », confie Jérôme Servières. Et de conclure : « Il ne s’agit pas seulement de formules toutes faites, c’est la réalité. Lorsqu’on veut rentabiliser un outil industriel comme le nôtre, on doit travailler main dans la main ».
Yéo Frais en chiffres
110 millions de litres de lait transformés chaque année en : plus de 560 millions de pots de yaourt, 36 millions de briques de lait et 50 millions de pots de crème fraîche.
Effectif : 220 personnes
Chiffre d’affaires : 140 millions d’euros