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Atelier de fac-similé : reproduire l’Histoire

Dans son immense atelier, à l’écart du bourg de Montignac-Lascaux, en Périgord noir, Alain Dalis est un magicien de la préhistoire, un « super menteur », comme il se décrit. Son travail ? Reproduire, mouler, créer des œuvres artistiques, des découvertes archéologiques et même des grottes.

Alain Dalis, Histoire

Alain Dalis © Loïc Mazalrey - La Vie Economique

Alain Dalis est un Périgourdin pure souche. Amoureux de son terroir, il l’est encore plus de son histoire, pour ne pas dire de sa préhistoire. Montignacois d’origine, il a vécu sur les traces de Cro-Magnon, et travaillé à Lascaux II pour financer ses études aux Beaux-Arts de Bordeaux. En 1994, il crée son atelier, en entreprise individuelle, dans le garage de ses parents et se lance dans la reproduction de grottes – les fac-similés – mais également des moulages. « Je sentais que je pouvais avoir des commandes, et j’avais déjà trois opportunités avec la réalisation d’une paroi pour les enfants, une maquette pour la Roque Saint-Christophe, et une muséographie pour la Laugerie Basse », se remémore-t-il.

Fac-similé d’une grotte russe

Depuis, Alain Dalis a créé en 2012 une Sasu, Arc et Os, pour réaliser d’immenses projets : les répliques des grottes de Chauvet, en Ardèche, et de Cosquer à Marseille. Pour rappel, Chauvet, c’est plus de 800 mètres de galerie, et un plafond haut de 30 mètres. En février, l’artiste a livré une copie de la grotte russe de Kapova, dans le but d’en faire une visite itinérante, qui part pour la Turquie. C’est la renommée de ses précédents travaux qui a valu ce chantier à Alain Dalis. Mais les demandes de réalisation de fac-similés sont rares, et s’obtiennent souvent après des appels d’offres : « Je moule des objets, je réalise des maquettes, je fais de l’assistanat aux artistes, ou même des objets pour le cinéma… Chaque commande est différente ». Dans son réseau, le créateur compte aussi beaucoup d’archéologues : sa passion pour l’histoire ne le quitte pas. Ainsi, il est souvent appelé, de Périgueux au Maroc, pour faire des moulages de découvertes. « C’est important de fixer le moment de la découverte, parce que c’est détruit par les fouilles. »

Le démoulage, étape clef

Des moments critiques lors desquels il doit se transformer en véritable alchimiste pour trouver les bons matériaux pour le moulage, sans pour autant abîmer le site. Alain Dalis a ainsi moulé la découverte du plus vieux crâne d’Homo sapiens sapiens. « Ce sont des montées d’adrénaline, c’est génial, mais sur le moment on n’est pas fier. » Le démoulage est un moment complexe, alors pour s’éviter une charge de pression, le professionnel entourloupe journalistes et archéologues en mentant sur l’heure où il va le réaliser. Désormais, son expérience est connue dans le cercle des musées, et des archéologues. Chaque technique, chaque savoir-faire, le Périgourdin les a acquis avec le temps : il n’y a pas d’école pour apprendre à réaliser des fac-similés, et comment reproduire au mieux telle ou telle matière, mais des heures de travail et de recherches.

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© Loïc Mazalrey – La Vie Economique

Une dizaine de collaborateurs

Ses techniques, il les partage avec la dizaine de collaborateurs avec qui il travaille sur les plus gros chantiers. Faute de contrats suffisants, ils ne sont pas à temps complet. Depuis l’obtention du fac-similé de la grotte de Chauvet, il s’est installé dans des locaux de 900 m² dans lesquels tout son matériel est installé. Notamment une immense fraiseuse, permettant de manier des volumes de plusieurs mètres cubes, qui permettent de réaliser les fac-similés. Dans les grottes à reproduire, des relevés 3D sont effectués, ainsi que de très nombreuses photos. « Quand on peut on va sur place, mais Cosquer par exemple, on n’a pas pu rentrer car c’était dangereux, et le conservateur n’a pas voulu. Mais c’est mieux d’être confronté au réel, à ses volumes et des micros détails. À Chauvet, nous descendions toutes les deux semaines », note Alain Dalis.

Reproduire l’émotion

Ensuite, un modèle est réalisé à l’envers sur du polystyrène, avec l’aide de la fraiseuse – qui fait office de grosse imprimante 3D – pour ensuite le poser sur de la résine et en faire une coque. Une fois réalisées, les coques sont assemblées par l’arrière, et boulonnées. Déjà, des détails de gravure apparaissent sur les parois. Mais pour encore plus lui donner vie, le travail de reproduction commence. Des images, issues des relevés 3D, sont projetées et la reproduction commence. Alain Dalis joue avec les matières, ambitionne de reproduire le plus fidèlement l’opacité d’une terre ou le translucide d’un os. Dans ses fac-similés, ce qu’il cherche encore plus à réaliser, c’est l’ambiance. Quel était l’état d’esprit de l’Homme préhistorique quand il a fait son œuvre. Dans ses gestes, il cherche à reproduire la rapidité de l’action, l’émotion, l’esprit. « C’est là qu’il faut le coup de patte, savoir mentir, et moi, je suis un super menteur, je fais croire que… », sourit malicieusement Alain Dalis.