Couverture du journal du 07/05/2024 Le nouveau magazine

Copernicus, un oeil de la planète

Créé en mai 1998, le programme européen Copernicus utilise les images des satellites Sentinel d’Airbus pour récolter des millions de données. Celles-ci servent ensuite à des centaines d’applications concrètes dont certaines mises en place à Toulouse.

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Vue du satellite Sentinel-6A modélisé, il mesure la hauteur des océans et a été lancé en 2020 © ESA

Ils tournent silencieusement entre 700 et 1500 kilomètres au-dessus de nos têtes. Les satellites Sentinel du programme Copernicus fabriqués par Airbus Defense and Space et Thales Alenia Space sont les fins limiers de la Terre. Ils scrutent et compilent des millions de données sur plusieurs thématiques : l’atmosphère, les sols, les océans, la végétation, le climat … « Mais certains sont déjà hors-service, comme le Sentinel-1B. » détaille Olivier Arino de l’Agence spatiale européenne (ESA) qui coordonne le réseau Sentinel. « On attend de pouvoir lancer Sentinel-4 mais il faut trouver un lanceur ! » En effet, Ariane 5 a pris sa retraite et Ariane 6 se fait toujours attendre. L’ESA a même annoncé en août que le premier vol n’aurait pas lieu avant 2024, soit quatre ans de retard sur le programme initial.

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Ingénieur d’Airbus travaillant sur le satellite Sentinel-4 qui sera lancé en 2024 et doit sonder l’atmosphère terrestre © Dirk Viehmann, Airbus

Les bienfaits environnementaux dans l’agriculture

Les satellites déjà en orbite permettent toutefois des prouesses extraordinaires depuis 2014 et la mise en place de Sentinel-1. Dans l’agriculture par exemple, Airbus commercialise le produit Farmstar pour venir en aide aux agriculteurs. « Les images de Sentinel-2 nous permettent de donner des conseils pour fertiliser les parcelles », explique Théophile Habimana, responsable commercial Farmstar.

Les images de Sentinel-2 permettent de donner des conseils aux agriculteurs pour fertiliser leurs parcelles

Les équipes d’Airbus observent certains paramètres biophysiques comme la teneur en chlorophylle des plantes. « Avant, on devait faire passer des avions au-dessus des parcelles avec des sondes. Désormais, les satellites récoltent ces données de façon très précise », détaille celui qui est ingénieur agronome de formation. Résultat : l’agriculteur sait précisément à quel moment il doit apporter de l’engrais dans ses cultures, comment le doser et surtout comment le répartir. Tout cela, sans perdre en productivité. « Nous fournissons une carte avec la quantité d’azote à apporter sur chaque morceau de la parcelle. Il suffit de rentrer cela dans un GPS agricole. » Ainsi, aucun risque d’envoyer trop d’engrais dans la terre. « L’objectif est qu’il n’y ait pas de reliquat d’azote dans les sols. Sur la culture du colza, on a pu diviser l’usage d’engrais par deux. Des études menées sur 5 ans ont démontré qu’en utilisant le programme Farmstar, le niveau de produits chimiques dans les nappes phréatiques avait baissé », constate Théophile Habimana.

Mercator, vigie des océans

Un autre axe d’observation de Copernicus concerne les océans. Ce sont les Toulousains de Mercator Océan International (MOi) qui gèrent ce pan du programme européen. Pourquoi à Toulouse qui n’est pas une ville côtière ? « Car parmi nos actionnaires se trouve Météo France, basé dans la ville rose. Le CNES a également joué un rôle structurant, explique Cécile Thomas-Courcoux, la directrice du développement international de MOi.

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Instantané de la température de surface modélisée pour l’océan global © Mercator Océan international

L’organisation scientifique Mercator Océan International se base sur la modélisation numérique des océans. « Nous partons des observations par satellites et en mer. Nous appliquons ensuite des modèles mathématiques. On peut ainsi prévoir certains paramètres jusqu’à 10 jours. » Mercator applique un système de couleurs selon les modèles : « on parle d’océan bleu pour les paramètres physiques comme la température de l’eau, la salinité, la vitesse et la direction des courants. L’océan vert est en lien avec le vivant. On mesure la chlorophylle, les nitrates, le phytoplancton … Enfin, l’océan blanc regroupe les données sur les mers de glace, comme la vitesse de déplacement des icebergs par exemple » détaille Cécile Thomas-Courcoux.

 Créer une réplique numérique de l’océan va permettre de répondre à la question : que se passerait-il si … ?

Ces modèles ont convaincu l’UE d’accorder à Mercator un contrat de délégation à hauteur de 144 millions d’euros entre 2014 et 2021, renouvelé à hauteur de 208 millions pour la période 2021-2028. « En échange, nous avons créé un portail où nos données sont accessibles gratuitement pour des entrepreneurs, des start-up qui vont mettre en place des services. » Parmi eux, on retrouve des applications pour soutenir la protection des tortues marines, le soutien à la navigation des bateaux, ou encore la géolocalisation des débris plastiques dans les océans … Plus de 600 000 utilisateurs de ces données sont recensés.

L’UE veut désormais créer un jumeau numérique de l’océan. « Créer une réplique numérique de l’océan va permettre de répondre à la question : que se passerait-il si … ? On va modifier des paramètres comme la température de l’eau et modéliser les conséquences. Cela permet d’analyser l’impact des politiques publiques et de tester des solutions d’adaptation au réchauffement climatique », explique Cécile Thomas-Courcoux.

D’ici 2025, Mercator Océan va devenir une organisation inter-gouvernementale avec six pays à la barre (France, Espagne, Italie, Royaume-Uni, Norvège et Portugal). Le siège social restera à Toulouse, faisant de Mercator la première OIG occitane. « C’est un signe que les Etats se mobilisent pour prendre à bras le corps la problématique du réchauffement des océans. »