Couverture du journal du 06/11/2025 Le nouveau magazine

Festival du livre gourmand : Gagnaire président !

Pour son 20e anniversaire, le Festival du livre gourmand, qui se déroulera du 14 au 16 novembre à Périgueux, s’offre Pierre Gagnaire, élu meilleur chef du monde par ses pairs en 2015, comme président d’honneur. Rencontre avec un artiste de la cuisine insatiable !

Gagnaire

© Cyril Carrere

La Vie Économique : Que souhaitez-vous mettre en avant de la gastronomie en tant que président d’honneur de cette édition ?

Pierre Gagnaire : L’humain. C’est la base de tout mon projet culinaire. Ayant vécu des choses pas très agréables. D’une part dans le milieu personnel : mon père était restaurateur, par obligation, et le relationnel avec les autres ne l’intéressait pas, et ça lui a joué beaucoup de tours. Et d’autre part, dans le milieu professionnel : pendant mes années d’apprentissage, j’ai vécu des choses qui n’allaient clairement pas. Ainsi, j’ai compris que si je voulais emmener les gens dans ma folie, il fallait que ça soit avec gentillesse, douceur, fermeté, tendresse et respect. Toute l’histoire de ma cuisine, elle tourne autour de ces quelques mots. Et, le corollaire de cela, c’est l’assiette, ça rejaillit dedans. Ce qui frappe, je crois, les gens chez nous, c’est qu’il y a une ambiance joyeuse, sympa, pas stressée, ça se ressent.

LVE : Périgueux est candidate au réseau des villes créatives de l’Unesco, dans le domaine de la gastronomie. Est-ce un patrimoine à protéger ?

P. G. : Oui, mais la gastronomie vit, ce n’est pas figé, enfermé dans un musée. On doit donc accepter que ce patrimoine soit un peu bousculé. Par exemple, certains restaurants ont des assistants qui viennent par exemple d’Asie, et ces personnes apportent leur contribution, leur culture, et c’est du très haut niveau. Donc, la cuisine doit accepter, elle aussi, une forme de mondialisation, mais pas bête et méchante et réductrice. Voyez : on ne peut pas réduire Périgueux à son foie gras et aux canards. Ici, il y a des gens qui font des choses très bien, et pas que du foie gras et du canard. Et, ce patrimoine culinaire permet de vivre local et de penser global. Il s’agit de rester solide sur ses bases, le passé on doit le respecter, l’écouter et s’en servir, mais ne pas en être l’otage.

LVE : Vous avez publié une dizaine de livres de cuisine, dont le dernier En cuisine avec Gagnaire sorti récemment. Quel est le rôle des ouvrages culinaires selon vous ?

P. G. : Évidemment, c’est la transmission, et le témoignage d’une époque. Le festival fête ses 20 ans cette année, si on prend les livres sortis il y a 20 ans et ceux qui sortent aujourd’hui, il y a une sacrée évolution dans les images, dans les produits. Aujourd’hui tout le monde connaît le combava, le raifort… : ça correspond à cette évolution du monde qui s’est ouvert.

LVE : Quels sont les enjeux auxquels le monde de la gastronomie est confronté aujourd’hui ?

P. G. : D’abord il faut protéger les produits de très grande qualité pour lesquels des gens passionnés travaillent avec ferveur. Un produit, c’est comme une note de musique, une étoile, qui nous permet d’imaginer, et nous, on est les derniers maillons de la chaîne, le réceptacle de cette économie. Un autre enjeu plus délicat, c’est l’humain. Aujourd’hui, il y a un rapport au travail qui a changé, notre métier est chronophage, et même si beaucoup de choses se sont améliorées, le recrutement est difficile. Alors, les produits, c’est parfois dur de les trouver, mais il y a les gens qui sont là. Dans les restaurants aujourd’hui, l’humain est en difficulté, malgré la médiatisation de notre travail. Tous les restaurants manquent de personnel. Et, côté consommateurs, il faut que les gens soient plus vigilants dans ce qu’ils achètent, et comment. Il y a une perte de lien.

LVE : Quel message passez-vous aux jeunes chefs aujourd’hui ?

P. G. : Quand on fait ce métier avec plaisir, et qu’on y met du sens, tout s’éclaire, tout devient moins dur. Et aujourd’hui, nourrir l’autre, ce n’est pas anodin. Les psychiatres disent que bien manger, c’est capital, c’est une part importante du bonheur, d’une bonne santé.

Le patrimoine gastronomique, il faut le respecter mais il faut le bousculer aussi

Des étoiles

Pour cette édition, le Festival du livre gourmand fait encore le plein de grands noms avec des chefs étoilés tels que Jean-François Piège, Georgiana Viou ou encore Philippe Etchebest, mais également avec des personnalités médiatiques ou d’internet comme François-Régis Gaudry, Luana Belmondo ou Nada El Hanini (@nadzsnacks).