Mathilde Iclanzan est une dirigeante qui dort peu ces derniers mois. « Ce n’est pas un long fleuve tranquille, mais on apprend beaucoup », souffle celle qui est arrivée il y a 5 ans chez Wiseed. Une entreprise qu’elle n’a pas créée mais « adoptée » selon ses termes. Depuis son arrivée, les effectifs et le chiffre d’affaires de la plateforme de financement participatif ont doublé. Une récolte fructueuse jusqu’à la hausse des taux de l’immobilier et l’amorce de la crise du logement. « C’est une crise conjoncturelle. Elle n’est pas due à de mauvais choix d’investissement », se défend la directrice générale.
Courrier aux investisseurs
Dans un récent courrier aux investisseurs de la plateforme, Mathilde Iclanzan chiffre à 10 millions d’euros les pertes potentielles pour ses clients qui ont misé de l’argent. « Sur plus d’un demi-milliard d’euros investi, c’est contenu. Mais on va tout faire pour réduire ce chiffre. » Constructeurs, promoteurs, agences immobilières… C’est toute la chaîne du secteur qui est touchée. « Quand un promoteur ne peut pas commercialiser ses lots, comment on fait ? », questionne la dirigeante. Wiseed se retrouve donc victime collatérale d’une crise qui touche au cœur même de ses activités. Pendant longtemps, les taux de rentabilité ont crevé les plafonds. « On était entre 8 et 12 %. Mais il faut bien comprendre que ces taux très intéressants existent pour une bonne raison : c’est qu’il y a un risque. Et ce risque, il arrive en ce moment. »
Pas de laxisme
Les équipes tentent aujourd’hui de trouver des solutions sur les dossiers en retard. « On travaille pour accompagner les opérateurs qu’on a financés et qui connaissent aujourd’hui des problèmes de trésorerie », souligne Mathilde Iclanzan. Des prorogations de remboursement sont proposées sous réserve d’un audit approfondi. L’endettement des opérateurs est surtout guetté avec attention. « Quand on a financé certains projets, l’endettement des porteurs était viable. Il s’est détérioré par la suite, mais comment le prévoir à l’époque ? », souligne la dirigeante qui se défend de tout laxisme. « Je peux me regarder dans une glace le matin car on n’a pas financé tout et n’importe quoi. »
L’un d’entre eux est davantage un conseil pour les investisseurs. « On dit toujours : diversifiez vos investissements. Si vous mettez 10 000 euros sur un seul projet et qu’il y a un problème, vous êtes mal. Alors que si vous avez mis 500 euros sur 20 projets différents, une défaillance n’a pas les mêmes répercussions », explique Mathilde Iclanzan. Les clients de la plateforme l’ont bien compris. Ils sont plus de 30 000 à investir au moins 100 euros une fois par an. L’an passé, 96 millions d’euros ont pu être collectés par Wiseed. « On aimerait viser la barre des 100 millions cette année, mais ça sera difficile », concède la dirigeante.
L’avenir de la plateforme toulousaine s’inscrit dans des opérations de plus grande envergure, au-delà des 5 millions d’euros
La tokenisation comme marché d’avenir
L’avenir de la plateforme toulousaine s’inscrit dans des opérations de plus grande envergure. « On veut accompagner les porteurs de projets sur des opérations au-delà de 5 millions d’euros », explique Mathilde Iclanzan qui veut faire de la plateforme un tiers de confiance dans ces transactions. Ces investissements prendront une forme nouvelle : l’immobilier fractionné et demain, la tokenisation. « C’est une SCPI 3.0 », résume la directrice générale de Wiseed. « Vous allez choisir vous-mêmes les actifs immobiliers qui vous intéressent mais c’est un investissement locatif à plus long terme. » Un détail qui change par rapport aux opérations de crowdfunding immobilier qui ne durent que 18 à 24 mois. Il sera toutefois possible de revendre la portion de bien détenu, et ce de façon totalement sécurisée grâce à la blockchain. « Mais il faudra voir comment fonctionnera ce marché secondaire », tempère Mathilde Iclanzan.
La question de la réglementation est donc au centre de ces opérations de tokenisation. « On avance main dans la main avec le régulateur pour baliser tous les cas d’usage où ce procédé peut être utilisé. » Si on en est encore aux prémices, le marché potentiel s’exprime en centaines de milliards de dollars dans les prochaines années. « On ne perçoit pas encore le potentiel, mais ça s’annonce énorme », s’enthousiasme la dirigeante. De quoi envisager l’avenir avec un peu moins de nuits sans sommeil.
Wiseed en chiffres :
2009 : création par Nicolas Sérès et Thierry Merquiol
514 millions d’euros collectés depuis la création, dont 96 millions en 2023
Plus de 1 000 projets financés (start-up et projets immobiliers)
200 000 inscrits sur la plateforme
77 millions d’euros de projets en retard de remboursement actuellement