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Le Fonds de dotation Patrick de Brou de Laurière – Une fortune et un cœur

Le Fonds de dotation Patrick de Brou de Laurière n’a pas pu célébrer ses dix ans, en raison de la crise sanitaire. Pour le treizième anniversaire de sa création, qui correspond à la disparition du mécène dont il porte le nom, il a choisi de faire le point sur ses activités d’aide à la recherche médicale et à l’art-thérapie.

Gérard Soulier et Jacques Larcher ©SBT

Patrick de Brou de Laurière (1928-2010) vivait entre Paris, Tanger (2 ha au cœur de la ville, vendus au roi du Maroc lors de la succession) et Périgueux où son magnifique hôtel particulier, et domicile fiscal, arrête le regard des promeneurs, en retrait de la place Yves-Guéna, près du Tribunal de Commerce. Construite de 1903 à 1911 à l’initiative de son grand- père, surnommé « le médecin des pauvres », cette demeure de style néoclassique s’élève sur des plans de l’architecte bordelais Albert Touzin. Trois ans de travaux de rénovation lui ont permis de retrouver son lustre d’antan. Entourée d’un parc aux arbres centenaires, elle entrouvre ses portes une dizaine de fois par an pour accueillir des manifestations philanthropiques et montrer ses collections ; et elle est devenue le siège du Fonds de dotation, structure qui survit au mécène. Mécène et artiste, double statut original pour ce pianiste élève de Nadia Boulanger, auteur d’une cinquantaine de chansons. Cet homme à la fois discret et atypique, fantasque et hors de notre époque était un descendant d’Henri Bertin (ministre de Louis XV) mais surtout l’héritier, par jeu de domino familial, du plus gros portefeuille d’actions Michelin.

fonds de dotation

Patrick de Brou de Laurière © FondsdeDotationBrouDeLauriere

 

DES ACTIONS MICHELIN

Le premier actionnaire privé de Bibendum, pour conjurer la maladie qui a fini par l’emporter en 2010, a mis en œuvre la transmission d’une partie de sa fortune au profit de causes qui lui étaient chères. Il a voulu orienter une partie des efforts vers la recherche sur le cancer du pancréas, parmi les nombreux thèmes auxquels le Fonds apporte une aide. 80 sujets d’étude ont ainsi mobilisé les 3 millions d’euros distribués en 13 ans : de la perte de mémoire à la stimulation cérébrale profonde pour les malades de Parkinson, en passant par le cancer du rein, la maladie de Charcot et d’autres maux neuro-évolutifs. « 60 % des sommes vont à la recherche médicale fondamentale et clinique, 10 % pour soutenir des associations d’aide directe aux malades, et 30 % à l’art-thérapie via des associations qui œuvrent dans les espaces médicaux, comme à l’hôpital privé Francheville, au moyen de cette discipline reconnue par la communauté scientifique depuis 1986 pour ses multiples bienfaits », explique Jacques Larcher, neveu et exécuteur testamentaire du donateur, qui préside le Fonds de dotation depuis le début.

Cet ancien directeur général de l’Office de coordination bancaire et financière est assisté au poste de trésorier par Gilbert Soulier, ex-président du cabinet d’expertise-comptable et commissariat aux comptes de La Brégère, à Boulazac. « Aucun projet ne reçoit plus de 50 000 euros, précisent-ils, exception faite de la création d’une unité de recherche clinique à l’hôpital de Périgueux étroitement organisée avec le Fonds, qui a financé son installation à hauteur de 120 000 euros : l’intérêt de cette unité permet d’attirer des internes de Bordeaux. »

UN CAPITAL DE 20 MILLIONS D’EUROS

Une assemblée de bénévoles s’investit autour d’eux pour ce Fonds, certains membres très expérimentés dans les affaires sont réunis au sein d’un comité stratégique. La fiscalité est favorable : « nous sommes exemptés de tous les impôts, y compris sur les revenus de placement ». Le contenu de la dotation lui-même ne peut pas être consommé, source de dividendes chaque année : ce patrimoine ne pourra que prospérer, produisant plusieurs fois des intérêts. Et ce socle, c’est un capital de 20 millions d’euros, sachant qu’une somme équivalente a été transmise à des tiers lors de la succession, selon la volonté du défunt. « Nous avons eu 4 millions d’euros d’impôts à verser, nous l’avons fait par des ventes, notamment celle d’une voiture exceptionnelle. » Trois véhicules de choix restent dans le garage du regretté collectionneur.

« 60 % des sommes vont à la recherche médicale fondamentale et clinique, 30 % à l’art-thérapie et 10 % pour soutenir des associations d’aide directe aux malades »

Le Fonds ne distribue que la moitié des bénéfices. C’est le seul Fonds en Dordogne à diriger des sommes aussi importantes vers la recherche et il compte parmi les dix premiers en Nouvelle-Aquitaine. Il est donc très sollicité. « Nos statuts autorisent toutes les aides, on peut aussi financer des achats de soins ou de matériels pour les malades. » Les dossiers affluent de toute la France et la structure s’appuie, via un médecin qui siège à son conseil d’administration, sur l’avis d’un comité scientifique présidé par la professeure Hélène Amiéva (Inserm Bordeaux), avec un suivi des travaux financés et la lecture des études publiées.

Fonds de dotation ou Fondation ?

« En 2009, nous nous sommes orientés vers un Fonds de dotation, dispositif que la ministre Christine Lagarde venait de créer car il était plus rapide à mettre en œuvre qu’une Fondation », rappelle Jacques Larcher. Mais la maladie a emporté Patrick de Brou de Laurière peu avant sa création officielle. Le représentant de l’État est membre du conseil d’administration d’une Fondation, alors qu’un Fonds de dotation est plus proche du modèle privé américain, avec tout de même le contrôle de l’administration sur le rapport annuel déposé, de même que pour les quatre salariés à temps partiel (la secrétaire générale, qui gère les demandes et les aides, un comptable pour le suivi financier, et deux personnes pour l’entretien de l’hôtel de Laurière).