Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Kinéis : des nanosatellites prêts à décoller

La start-up toulousaine Kinéis finalise actuellement la construction de 25 nanosatellites 100 % made in France. Les premiers exemplaires vont partir en Nouvelle-Zélande d’ici quelques semaines et seront mis en orbite au mois de juin. Cette première constellation française compte bien révolutionner l’Internet des objets.

© Lilian Cazabet - La Vie Economique

Il faut pénétrer dans la salle blanche d’Hemeria avec le plus grand soin. À l’intérieur, plusieurs nanosatellites de la constellation Kinéis sont en train d’être assemblés. Charlotte sur la tête, blouse, surchaussures et surtout mode avion pour les téléphones. « On veut éviter toute interférence avec les satellites », préviennent les équipes d’Hemeria qui se chargent des tests et de l’intégration des 25 appareils. Vingt-huit kilos de technologie miniaturisée à l’extrême, de sorte que le satellite ne mesure que 1,40 m de haut une fois ses panneaux solaires déployés.

Une première en France

C’est la première fois que la France construit une constellation de nanosatellites, qui a nécessité la collaboration de 200 personnes. Ce bijou de technologie est 100 % made in France. On pourrait même dire made in Toulouse grâce au travail des différents partenaires Kinéis, Hemeria mais aussi Thales Alenia Space et Comat Aerospace. « Une dizaine d’entreprises de la supply chain ont également contribué au succès de la mission », souligne Nicolas Multan, directeur général d’Hemeria. Le résultat est une fierté pour les créateurs. « Dans le monde, les opérateurs de constellations se comptent sur les doigts de la main. Et nous en faisons partie », se réjouit Alexandre Tisserant, président de Kinéis. « Les médias parlent beaucoup de Space X et d’Elon Musk mais en France aussi, on a ce savoir-faire ! »

La start-up, en partie détenue par le CNES et l’Ifremer, est en passe de réussir son pari, lancé avant même sa création en 2018 : créer en France un champion des nanosatellites. À cette fin, Kinéis a levé en 2020 la somme de 100 millions d’euros pour ce projet qui entend bien révolutionner l’internet des objets (ioT).

« Space X fait beaucoup parler de lui, mais en France aussi on a du savoir-faire »

© Lilian Cazabet – La Vie Economique

Feux de forêt, wagons de fret et bateaux

Tout l’intérêt du projet Kinéis repose sur un constat : seulement 15 % de la surface du globe est couverte par un réseau terrestre. Les océans, les déserts, les montagnes sont encore des zones blanches. La constellation Kinéis permettra une couverture mondiale afin de repérer n’importe quel objet équipé d’un émetteur-récepteur. « On pourra suivre en quasi-temps réel des objets à distance. Chaque appareil connecté enverra un message au satellite qui le renvoie à des stations au sol », détaille Alexandre Tisserant. Ainsi, des wagons de fret peuvent être suivis à la trace, tout comme on peut détecter des feux de forêt dans certaines zones reculées. Le tout avec un temps de latence estimé entre 10 et 15 minutes.

« L’autre avantage de la constellation Kinéis, c’est que nous avons implanté une deuxième charge utile pour la surveillance du trafic maritime mondial », ajoute le PDG. Cette innovation unique en Europe intéresse très fortement la France qui a l’espace maritime souverain le plus grand du monde. Le CNES a d’ailleurs financé 50 % de cette charge utile en échange d’un accès privilégié de l’État français à ces données maritimes.

© Lilian Cazabet - La Vie Economique

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Dernière ligne droite

La fabrication des nanosatellites entre désormais dans sa dernière phase. « On met 9 semaines à assembler entièrement un satellite », soufflent les équipes d’Hemeria. Celles-ci ont la capacité de travailler sur plusieurs satellites à la fois, ce qui fait qu’à terme, il sortira 1 appareil par semaine de la chaîne d’assemblage final qui a nécessité un investissement d’un million d’euros d’Hemeria. Les 5 premiers appareils partiront dans quelques semaines en Nouvelle-Zélande. Ils seront mis en orbite à 650 km au-dessus de nos têtes au mois de juin par la société Rocket Lab. Quatre autres lancements sont prévus jusqu’à la fin de l’année. « Jusqu’à 2025, on se concentre à fond sur les livraisons et la mise en route des 25 nanosatellites », souligne Alexandre Tisserant qui n’oublie toutefois pas de penser à l’avenir. La constellation Kinéis a en effet une durée de vie estimée à 8 ans. Il va donc falloir assez rapidement penser à la deuxième génération. La trajectoire de croissance est en tout cas toute tracée. Kinéis affiche aujourd’hui un chiffre d’affaires de 7 millions d’euros et vise un tiers du marché global de l’internet des objets d’ici la fin de la décennie. Ce qui lui permettrait de viser un CA de 100 millions d’euros.

Kinéis va permettre de suivre en temps réel n’importe quel objet connecté