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La Voie Blanche : la note juste

Entreprise - Entre Dordogne et Vézère, le domaine de la Voie Blanche, vignoble atypique, est l’œuvre de deux musiciens, Nathalie et Marc-André Dalbavie. Un répertoire haut-de-gamme, composé en bio et interprété en circuit court.

Voie Blanche

Le Domaine de La Voie Blanche produit notamment Le Petit Manoir, vieilli en jarre de terre cuite © Thierry Le Fouillé

Le Club de la presse du Périgord a, comme chaque année pour le 8 mars, distingué trois Périgourdines en présence de la déléguée départementale aux droits des femmes et à l’égalité femme-homme, Valérie  De  Pauw. Parmi elles, se trouve toujours une belle histoire d’entrepreneuriat. Cette année, aux côtés de Julia Paduch, praticienne en thérapie sportive à la Cami Sport & Cancer et d’Amélie Moulinet, référente en Bergeracois du collectif Nous toutes contre les violences faites aux femmes, la viticultrice Nathalie Dalbavie était à l’honneur. Son domaine de La Voie Blanche a été créé ex nihilo à Saint-Cyprien, loin des bases des principaux vignobles régionaux. Tout comme son mari, le compositeur Marc-André Dalbavie (disciple de Pierre Boulez et de l’Ircam, pensionnaire de la Villa Médicis, professeur de composition au Conservatoire national supérieur de musique de Paris), elle est d’abord musicienne, violoniste.

EN PÉRIGORD NOIR

Ils ont choisi de s’installer sur la terre d’origine du compositeur (Albavie est un nom de Saint-Léon-sur-Vézère) puis de planter des vignes autour de leur maison. Et leur nouvelle vie s’est mise au diapason de ce lieu-dit, Les Caves, qui les invitait sur ce chemin : ainsi est né il y a 16 ans à Saint-Cyprien le domaine de La Voie Blanche… au ton très personnel, à mille lieues de ce qu’on pourrait entendre par « voix blanche ». « Nous avons choisi dès le début de travailler en agriculture biologique. » Il y a 7 ans, ils ont repris des vignes à La Bachellerie, près de Montignac-Lascaux, sur des terres qui offrent des possibilités d’extension. « C’est la renaissance des vignobles du Périgord noir, qui existaient avant la crise du phylloxera. Nous avons acheté la terre avant d’imaginer y planter des vignes, elle s’est révélée à nous. » Des pieds grandissent dans le souvenir de ceux qui y ont été arrachés.

Comme pour la musique, le partage compte beaucoup dans le monde du vin.

UNE HISTOIRE ANCIENNE

Un chai du Ier siècle de notre ère, découvert par des archéologues en 1956, atteste que la vallée de la Dordogne entre Beynac et Saint-Cyprien compte parmi les plus anciennes régions viticoles de France. Le couple se réfère à un article de 1923 qui relate la demande faite par des vignerons de Saint-Cyprien d’obtenir l’appellation Bergerac, refusée au motif d’éloignement de ce terroir, pour pointer la seconde mort du vignoble sarladais, déjà éprouvé par le phylloxera. Le renouveau qu’ils illustrent se fait sous l’appellation Vin de Pays du Périgord, avec des bouteilles volontairement de forme bourgogne. Le rouge provient de Saint-Cyprien (merlot, cabernet-franc, fer servadou) et des deux hectares de La Bachellerie, où un potentiel de quatre hectares permettra de planter du blanc, pour 2024, sur ce sol de galets de rivière en terrasse, riche en minéraux. « Nous sommes régulièrement sollicités pour investir d’autres terres à vignes, il peut encore y avoir des projets sur ces terroirs. » De quoi rompre l’isolement de ces parcelles au pays de la très touristique pierre blonde.

D’autres parcelles ont rejoint le domaine de La Voie Blanche, en Périgord pourpre, avec de vieilles vignes proches des coteaux de Montravel, au Fleix © Thierry Le Fouillé

AGROFORESTERIE ET CIRCUIT COURT

Nathalie Dalbavie vérifie aussi le dicton qui veut que les terres à truffes, si généreuses dans les environs, soient aussi des terres à vignes : quelques truffières sommeillent donc au milieu des rangs. De même que les plantations d’arbres fruitiers qui reviennent en force dans les vignes, sur le modèle d’agroforesterie qui se pratiquait autrefois. Ces joualles comme on dit en occitan de pommiers et de pruniers ont donné le nom à l’une des cuvées du domaine. Ce coin de terre argilo-calcaire est un trésor de biodiversité.

Dans le respect de la vie du sol, l’agriculture biologique choisie dès l’origine évolue vers la permaculture, dans une harmonie avec la nature. Prolongement logique, les vendanges manuelles (et conviviales) pré- servent le raisin du cep à la cuve.

DÉGUSTATIONS AU DOMAINE

La première vendange 2008 a bénéficié d’un coup de cœur du guide Hachette 2012 : un encouragement à poursuivre l’écriture de cette partition originale. Car cette grande cuvée, baptisée Le Petit Manoir, est élevée dans des jarres en terre cuite. « La porosité de l’argile cuite assure une bénéfique micro-oxygénation au vin.

Les néo-vignerons se sont adjoint les services d’un professionnel, un voisin de Saint-Léon-sur-Vézère, diplômé et fort de dix ans d’expérience. Nathalie Dalbavie, ainsi allégée de la partie agricole (« mais je la connais bien ») libère davantage de temps pour l’accueil et les dégustations.

Le site est ouvert toute l’année (sur rendez-vous hors saison) dans un coin de Périgord très fréquenté par les touristes. « C’est comme si on passait un concours tous les jours », confie à propos des dégustations la musicienne vigneronne. La récolte est essentiellement vendue sur place, et l’hiver au marché de Noël de Sarlat ; et le distributeur Vin Blanc Rouge, ex-sommelier du Centenaire, au temps où brillait son étoile, et caviste aux Eyzies-de-Tayac commercialise le fruit de cette portée voisine auprès de belles tables locales comme Le Vieux Logis, à Trémolat.