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Maison Pierre Loti : un palais d’éblouissants souvenirs

À Rochefort (Charente-Maritime), la maison de l’illustre écrivain voyageur Pierre Loti a retrouvé toute sa splendeur après d’impressionnants travaux de restauration. Un lieu insolite et mystérieux portant en lui les parfums de l’exotisme.

Maison Pierre Loti

Chambre des momies © Julie Limont

Soustraite aux yeux du public en 2012, victime de l’exubérance architecturale voulue par son célèbre concepteur et de son succès de fréquentation en tant que musée, à partir de 1973, la maison de Pierre Loti (1850-1923) a rouvert ses portes, suscitant un élan de visites. Mais il faut être patient et saisir son tour quand des créneaux de réservation se présentent*. En récompense, l’intimité d’un groupe de dix autour du guide, pendant plus d’une heure. Ainsi s’opère la magie de la découverte.

L’art de la transformation

Cette maison, entrée dans sa famille en 1802, devient propriété de Loti à partir de 1871. Dès lors, il l’enrichit et la pare de merveilles de tous horizons, lui adjoint ses mitoyennes en 1895 et 1897, aménage un jardin entre dédales d’évasion et appel au recueillement du cloître. Le site reflète l’imaginaire fécond de l’écrivain et les voyages de l’officier de marine qui cohabitaient sous une même peau qui refusait de vieillir et de s’assagir. Ici, comme dans ses ouvrages, il a recréé les paysages visités et composé un intérieur à son image, foisonnant et complexe, réinvention permanente d’une vie riche de souvenirs et d’émotions.

Dans l’univers de l’auteur voyageur

Pierre Loti entreprend les grandes transformations après ses premiers grands succès littéraires. Collectionneur compulsif d’objets exotiques, il s’engage dans un processus qui va au-delà du décor. L’esthétique qu’il cultive joyeusement, les déguisements qu’il affectionne, son approche festive de la vie servent de rempart à la mort. La mise en scène de sa propre existence, en plus d’affirmer une revanche sociale, cristallise à travers de petits riens comme de grandes œuvres les jours heureux à retenir : la salle gothique, la mosquée, le salon turc, la chambre chinoise, celle des momies, la pagode japonaise sont autant de mondes étranges et étrangers suspendus dans le temps et dans l’espace, Orient et Moyen Âge à l’unisson. On imagine volontiers les 250 invités costumés pour la fête chinoise organisée en mai 1903 par l’excentrique Loti.

Maison Pierre Loti

Chambre aux abeilles © Simon David – Ville de Rochefort

Abondance de sensations

Passé le sas sensoriel de l’accueil, où une maquette écorchée de la maison promet le meilleur, s’engage une visite guidée pleine d’humanité, augmentée de nouvelles opportunités de médiation, transformant le visiteur en invité privilégié. À l’étage, un salon d’écoute diffuse des extraits d’œuvres, douce immersion dans la chronologie de vie et de travaux. La scénographie, conçue dans le respect des ambiances originelles, appelle en chacun une expérience culturelle et inspirée. Pour repartir avec l’empreinte poétique du fantomatique Loti en sa maison.

Loti en 28 pays et 61 livres

Julien Viaud, futur Pierre Loti, a 17 ans lorsqu’il entre à la prestigieuse École navale, après la mort en mer de son frère Gustave. Il sillonne les mers du globe pour étancher sa soif d’aventure et nourrir son imaginaire. Il reçoit le surnom de Loti à Tahiti en 1872 par la reine Pomaré. Algérie, Sénégal, Chine, Inde, Égypte… À chaque permission, sa maison devient l’écrin de ses souvenirs de voyage. Le journal intime qu’il rédige de 1871 à 1918 nourrit l’essentiel de ses œuvres, de son premier roman, Aziyadé, en 1879, aux très populaires cycles breton, basque, japonais, turc… Élu à l’Académie française à l’âge de 41 ans, il est le plus jeune habit vert de son époque. Il s’éteint à Hendaye où il avait acquis la Villa Bakhar Etchea.