En préambule, il est bon de rappeler que l’impôt (ou les impôts) est (ou sont) un des outils à disposition de l’État qui doit assumer ses obligations et sa responsabilité et, pour cela, bénéficier de ressources financières en lien avec son périmètre d’intervention.
L’impôt : une histoire ancienne en France
L’impôt est une histoire ancienne en France. Au Moyen-Âge, il était levé de manière exceptionnelle pour financer les guerres. Au fil du temps, la levée de l’impôt s’est institutionnalisée avec, par exemple la création de la gabelle, un impôt sur le sel instauré sous Philippe le Bel : c’était un impôt qui obligeait chaque foyer à acheter une quantité minimale de sel à un prix fixé par le Royaume de France. Toujours sous l’Ancien Régime, on pourrait citer la taille royale instaurée par Charles VII pour financer une armée régulière. Jusqu’à la Révolution française, la fiscalité était tout aussi bien royale, que d’Église ou seigneuriale. Par exemple, les rois de France levaient des impôts pour financer les dépenses qu’ils jugeaient utiles. Elles pouvaient être tout aussi bien des dépenses privées (entretien de leurs châteaux, loisirs tels que les chasses, dépenses d’apparats telles que les vêtements ou la délivrance de cadeaux divers) que les dépenses liées aux guerres.
Révolution française, révolution fiscale
C’est la Révolution française qui a mis de l’ordre dans une situation caractérisée par l’arbitraire et les inégalités. À titre d’exemple, les nobles et les ecclésiastiques ne payaient pas d’impôts. Ainsi, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen énonce qu’une force publique est nécessaire et que, pour l’entretien de la force publique, une contribution commune est indispensable. Sans oublier que la souveraineté de tous les citoyens doit s’exprimer, sachant que tout un chacun a charge d’y contribuer de manière proportionnelle à ses facultés. Plus précisément, la fiscalité instaurée à la suite de la Révolution porte sur des biens réels (notamment immobiliers) et non pas sur les gens (à savoir, l’imposition des revenus du travail ou du patrimoine).
Les « 4 vieilles »
Ainsi, la taille a été supprimée en 1791 pour être remplacée par les « 4 vieilles », à savoir une contribution foncière sur la propriété (l’équivalent de la taxe foncière), une contribution foncière sur le logement occupé (l’ancêtre de la taxe d’habitation), une patente sur les établissements industriels et commerciaux (l’équivalent de l’ancienne taxe professionnelle), le tout complété par l’impôt sur les portes et les fenêtres, qui a été instauré sous le directoire ; les portes et les fenêtres étant considérées comme des signes extérieurs de richesse. On retrouve encore des stigmates de cet impôt dans le Bordeaux actuel où on retrouve des fenêtres encore murées dans les magnifiques immeubles en pierre du XVIIIe siècle. Mais ce n’est que plus tard, au XXe siècle, que ces impôts ont laissé la place à l’impôt sur le revenu (créé en 1916) destiné à moderniser le système fiscal pour faire face aux dépenses liées au financement de la Première Guerre mondiale. Puis fut créé l’impôt sur les sociétés (instauré par un décret du 9 décembre 1948) et dont le taux d’imposition s’élevait initialement à 50 %. Et enfin la TVA fut créée en 1954 par un inspecteur des Finances, Maurice Lauré.
240 milliards d’euros aujourd’hui
Et, aujourd’hui, ces trois impôts (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, TVA) représentent l’équivalent de 240 milliards d’euros, soit près des 3/4 des recettes fiscales de l’État qui se sont élevées à 323 milliards d’euros en 2024. Indirectement, si l’État veut augmenter ses recettes, il convient que les personnes physiques aient des revenus (du travail et du capital) pour payer de l’impôt sur le revenu et de la TVA (via une consommation possible) et que les entreprises créent de la richesse et réalisent des bénéfices, pour payer de l’impôt sur ces derniers.
La question du consentement à l’impôt
Ces brefs rappels de l’histoire de l’impôt amènent à s’interroger sur la légitimité de l’impôt. Compte tenu du montant des impôts collectés par l’État, soit presque l’équivalent d’un milliard d’euros par jour, la question du consentement à l’impôt est essentielle. Sur le plan philosophique, deux conceptions s’opposent ; ceux qui pensent que l’État doit avoir un périmètre d’intervention réduit et ceux qui partent du postulat que l’État doit intervenir dans les secteurs les plus variés de la vie sociale. Ce choix philosophique de l’impôt est essentiel pour que les parlementaires aient une colonne vertébrale décisionnelle lors du choix d’une politique fiscale. Cela, bien entendu, sans remettre en cause le fait que l’impôt est légitime car il est nécessaire pour gérer et promouvoir le bien commun.
Financement et redistribution
L’État doit, en effet, favoriser le bien commun, recouvrer des impôts permettant de financer les dépenses liées à son fonctionnement tout en redistribuant de manière efficiente une partie de la richesse nationale de façon à réduire les inégalités et la fracture sociale. Mais, concrètement, que peut-on faire pour restaurer les finances de l’État qui sont dans une situation catastrophique, la dégradation de la note de la France par les agences de notation en étant une des illustrations ? Il va être de plus en plus compliqué pour l’État de continuer dans la voie actuellement empruntée, à savoir celle d’une dette qui atteint en valeur absolue le montant stratosphérique de 3 400 milliards d’euros, des charges d’intérêts de la dette qui vont atteindre 62 milliards d’euros en 2025 et un déficit qui a atteint 123 milliards d’euros en 2024.
Voter un budget sans déficit ?
Si on part de l’hypothèse que cette situation est difficilement soutenable, plusieurs propositions peuvent être formulées. La première proposition est d’ordre politique : interrogeons les Français, via un référendum, sur la question suivante : êtes-vous d’accord ou non pour inscrire dans la Constitution l’interdiction de voter un budget en déficit (comme c’est déjà le cas en Allemagne pour l’État) ?
Réfléchir au rôle de l’État
Deuxième proposition : réfléchir au rôle de l’État et faire un choix entre un État minimaliste et un État au périmètre élargi. De ce fait, il serait utile de s’interroger sur le fait de savoir si, dans une situation financière aussi critique, il ne convient pas de réduire et de recentrer, au moins temporairement, le périmètre de l’État sur les fonctions régaliennes. Si cette option était choisie, cela reviendrait à réduire les dépenses publiques et donc le déficit.
Dans une situation financière aussi critique, il conviendrait au moins temporairement de réduire le périmètre de l’État sur ses fonctions régaliennes
Réduire les doublons inutiles
Troisième proposition, en lien avec la première mais quelque peu indépendante, réduire les normes inutiles, les doublons de postes et identifier, dans tous les services de l’État, les dépenses de fonctionnement qui seraient inutiles. La question est simple : la dépense engagée contribue-t-elle à la mission de service public ? Si oui, on la conserve (voire on l’augmente). Si la réponse est non, on « coupe ».
Supprimer tous les crédits d’impôt
Quatrième proposition, simplifier la fiscalité française en supprimant toutes les réductions et crédits d’impôts divers qui créent de l’opacité, facilitent les arbitrages fiscaux des initiés et renforcent le sentiment d’injustice fiscale. Ce n’est pas parce que c’est légal que c’est juste.
Les crédits d’impôt renforcent le sentiment d’injustice fiscale
Taxer le CA des multinationales
Cinquième proposition : au lieu de s’intéresser à la taxe Zucman qui, à la lecture de la théorie des incitations, pourrait avoir des impacts très négatifs sur l’entrepreneuriat et la création d’entreprise, ou de rétablir un ISF non productif quelque peu baroque, on pourrait taxer sur le chiffre d’affaires réalisé en France toutes les multinationales qui transfèrent une partie de leurs bénéfices hors de France (taxation qui serait facile car on a les bases de CA déclaré grâce aux déclarations de TVA CA3-CA4).
Rétablir un ISF non productif est quelque peu baroque
De nouvelles taxes sur les flux financiers et les flux de données
Sixième et dernière proposition, rajeunir la fiscalité française, une « dame âgée » qui a « mal vieilli ». Le monde économique a changé et les impôts du XXe siècle sont quelque peu dépassés. Je propose de créer de nouvelles taxes sur les flux du XXIe siècle, à savoir les flux financiers et les flux de données. Sur les flux financiers, créons une taxe sur les mouvements de capitaux. Créons la taxe Tobin. Quant aux données échangées et consommées, taxons-les et créons deux taxes : une taxe sur les échanges de données (TED) et une taxe sur la consommation des données (TCD). La TED serait le timbre moderne et la TCD serait la TVA du XXIe siècle. Ces trois taxes seraient calculées sur une base large mais avec un taux très réduit. Intuitivement, je pense que ces trois taxes permettraient de supprimer à terme la TVA et l’impôt sur le revenu. Finalement, on reviendrait à l’esprit de la Révolution française qui avait fait le choix de taxer les biens (et donc, dans notre proposition, les flux) plutôt que les personnes.
Les solutions existent pour réduire la dette et le déficit de l’État. Nous le devons à nos enfants… Et petits-enfants.