Couverture du journal du 02/10/2024 Le nouveau magazine

Bernard Dumeige – Télévision : La bonne affaire

À 66 ans, le Périgourdin Bernard Dumeige est l’un des acheteurs historiques de l’émission de télévision Affaire conclue sur France 2. Un statut qui lui vaut d’être sollicité par des clients un peu partout en France.

Bernard Dumeige

Le brocanteur Bernard Dumeige a vendu sa boutique, à Eymet, pour retrouver le chemin des brocantes de ses débuts. © Loïc Mazalrey

La Vie économique : Vous étiez brocanteur à Eymet, vous êtes devenu une figure de l’émission de télévision Affaire conclue. Que s’est-il passé ?

Bernard Dumeige : Les producteurs d’Affaire conclue m’ont repéré en 2019 en visionnant une chronique sur la Chine diffusée à l’époque sur France 3. J’ai passé une audition sur Skype avec des directeurs de casting et j’ai atterri sur le plateau d’Affaire conclue aux côtés de six autres acheteurs.

LVE : Le changement n’a pas été trop abrupt ?

B. D. : J’ai été très impressionné de me retrouver au milieu des plus gros antiquaires de Paris. Il a fallu que je trouve ma place dans l’émission sans forcer le trait. La production a toujours insisté pour que nous restions fidèles à ce que nous sommes dans la vie de tous les jours.

Bernard Dumeige

Bernard Dumeige est sollicité par des clients de la France entière dans les heures qui suivent ses apparitions à la télévision. © Loïc Mazalrey

LVE : Est-ce si facile ?

B. D. : Je suis aidé par les règles du jeu de l’émission. A contrario de ce que l’on peut entendre de temps à autre, les acheteurs d’Affaire conclue utilisent leurs propres ressources financières pour acquérir les biens proposés aux enchères. Souvent, ils y sont de leur poche. À la télévision, les enchères montent très vite et les prix d’achat sont beaucoup plus élevés qu’ils ne le seraient dans la réalité. Bilan des courses : le brocanteur doit faire une croix sur sa marge ou vendre à perte pour écouler ses achats.

LVE : Dans ces conditions, comment faites-vous pour rivaliser avec les marchands parisiens ou belges qui participent à l’émission ?

B. D. : Je ne cherche pas à prendre part à toutes les enchères. J’en cible uniquement quelques-unes et je tape fort, quitte à faire décoller les prix un peu vite. Il faut alors tenir sa position jusqu’au bout : entre nous, c’est un jeu de massacre et personne ne fait de cadeau à l’autre.

LVE : Vous courez le risque de payer les objets plus chers à ce jeu-là. Comment réussissez-vous à retomber sur vos pieds à la fin ?

B. D. : La notoriété que me confère l’émission me permet d’avoir des adresses. Les gens me demandent de passer chez eux et me montrent les objets qu’ils souhaitent vendre. Je visite entre trois et quatre maisons chaque semaine un peu partout en France et je tombe régulièrement sur des pépites. Le plus dur aujourd’hui est de trouver les objets. Sitôt que j’en identifie un, je l’achète. Je suis tout le temps en train d’acheter. Mon sous-sol de 150 mètres carrés est plein à craquer.

LVE : Les gens qui suivent l’émission Affaire conclue sont au fait de la valeur des objets. Pour les brocanteurs, ce n’est pas une bonne nouvelle, si ?

B. D. : Ils ont appris la valeur des biens grâce à l’émission et c’est une bonne chose. Je n’ai aucune difficulté à leur expliquer comment je fixe mon prix, mais je leur dis bien que la réalité est différente de ce qu’ils peuvent voir sur le plateau d’Affaire conclue.

LVE : Comment fixez-vous le prix ?

B. D. : Je me renseigne sur la cote des objets auprès d’un site en ligne spécialisé. J’applique ma marge et je retranche les charges. Je n’aime pas me faire rouler et je n’aime pas rouler les gens en retour. Je mets un point d’honneur à pouvoir revenir chez les gens qui m’ont vendu leurs objets avec la tête haute. C’est un principe.

LVE : Vous arrive-t-il parfois de « sécher » sur la valeur d’un objet ?

B. D. : Difficile de tout savoir. J’apprends beaucoup dans l’émission, mais je suis le premier à concéder mes lacunes. J’ai démarré comme spécialiste des plaques émaillées et je me retrouve aujourd’hui dans la posture d’un généraliste qui doit être en mesure de discuter de l’achat d’un meuble du XVIIIe siècle ou d’une chaise des années soixante-dix. Je fais le grand écart.

LVE : Vous avez un avantage sur la concurrence avec ces objets chinés en avant-première. Comment les revendez-vous ?

B. D. : J’ai vendu la boutique que j’avais à Eymet en 2023. Depuis, je travaille sur les brocantes. Je suis inscrit aux grands rendez-vous (Amiens, Pézenas) et aux dates plus confidentielles. Le 15 août, j’étais à la brocante d’Eymet et j’ai travaillé, comme à mes débuts ou presque. Les gens ne mettent généralement pas longtemps à me reconnaître au milieu des autres vendeurs.

LVE : Quel genre de vendeur êtes-vous ?

B. D. : Je propose un prix, tout en restant ouvert à la négociation. Mais il faut que les propositions soient raisonnables. Je suis ouvert à la négociation mais dans la mesure du raisonnable.

LVE : Quelle est la meilleure affaire conclue que vous avez pu faire jusqu’à présent ?

B. D. : Un jour, j’ai acheté une petite plaque émaillée de 30 centimètres pour la somme de 200 euros. La plaque faisait la publicité du lait Maggi. Elle était datée de 1912. Je l’ai cherchée sur Internet car je ne l’avais encore jamais eue entre les mains. Je me suis aperçu qu’on ne la trouvait nulle autre part ailleurs. Je l’ai revendue 12 000 euros à un collectionneur. Ils étaient deux à la vouloir, les enchères ont grimpé très vite.

LVE : Vous avez repris le chemin des tournages récemment, ce qui signifie que nous vous reverrons à la télévision très prochainement. À 66 ans, y a-t-il encore quelque chose que l’on peut vous souhaiter de réaliser dans votre vie ?

B. D. : Oui, j’aimerais tourner dans un film sur la brocante ou dans un polar. Un petit rôle suffirait à me combler. Je vais tout faire pour atteindre cet objectif.