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Tutti Pizza : une réussite toulousaine

Créée il y a 35 ans par Robert Bori, alors surveillant de prison à Toulouse Saint-Michel, l’enseigne Tutti Pizza est aujourd’hui en plein développement. Ses deux fils qui ont repris l’entreprise il y a 5 ans visent aujourd’hui la barre des 100 points de vente partout en France.

Tutti Pizza

Robert Bori, fondateur de Tutti Pizza (au centre), entouré de ses deux fils, Sébastien (à gauche) et Julien (à droite) © Lilian Cazabet - La Vie Economique

Sur leur temps libre, certains aiment lire, se reposer ou faire du bricolage. Robert Bori n’est pas de ceux-là. En 1989, à 33 ans, il fonde l’enseigne Tutti Pizza, sur ses jours de repos. « Enfin, pour être précis, l’entreprise est au nom de ma femme à l’époque. » En effet, Robert n’est pas qu’un simple entrepreneur. Il est en même temps fonctionnaire, surveillant pénitentiaire à la prison de Saint-Michel à Toulouse. « J’ai fait sept ans à la prison de Fresnes avant d’être muté à Toulouse en 1984 », retrace ce fils d’Italiens, né à Montauban.

50 000 francs au départ

Pour équiper son premier point de vente avenue de Crampel, Robert Bori sollicite l’aide d’une banque. « On m’a dit que je n’étais pas capable d’ouvrir une affaire, que je n’y connaissais rien en restauration », se souvient-il. Il se tourne alors vers le secrétariat de la prison. « J’ai demandé un prêt pour équiper ma maison. Avec 50 000 francs, j’ai pu m’équiper en achetant du matos d’occasion. Et pour les travaux, j’ai tout fait moi-même. » Rapidement, le concept fonctionne. D’un premier restaurant, Robert Bori passe à six établissements en 1993 où il décide de démissionner de son poste de surveillant pénitentiaire. À la fin des années 90, il se diversifie. « J’ai ouvert des distributeurs de cassettes vidéo et je me suis lancé aussi dans la franchise de salons d’esthétique. » Aujourd’hui, seul un salon subsiste. La famille s’est recentrée sur Tutti Pizza à l’orée des années 2000 et entame un virage grâce à l’arrivée des deux fils, Sébastien et Julien, dans l’entreprise.

Franchiser, ouvrir les frontières

L’aîné, Sébastien, débarque en 2001 à la fin de son BTS action commerciale. « J’avais réalisé des études de cas sur la gestion en franchise. J’ai voulu dupliquer le modèle chez Tutti Pizza. » Un magasin pilote ouvre à Pechbonnieu avec Julien, le petit frère, à la gestion. Petit à petit, par le bouche-à-oreille, le réseau Tutti Pizza s’étend. D’abord dans l’ex-Midi-Pyrénées puis partout en France. Aujourd’hui, la marque compte 65 magasins franchisés et 20 distributeurs automatiques de pizzas (Tutti Matic, créé il y a 10 ans).

Tutti Pizza

© Tutti Pizza

Les villages particulièrement ciblés

Le cœur de cible de Tutti Pizza est différent de ses concurrents tels Pizza Hut ou Domino’s Pizza. « Aujourd’hui, on est principalement installés en banlieue des grandes villes. Le potentiel est énorme dans les villages de 3 000 à 5 000 habitants », explique Robert Bori. Aujourd’hui, les fils déconseillent même aux franchisés de s’installer en ville. « L’ubérisation a tout perturbé. Vous tapez “ pizza ” à Toulouse, il y a 80 résultats, qui est-ce que vous appelez en premier ? » À l’inverse, l’ouverture d’un Tutti Pizza dans les villages redonne vie à ces zones rurales délaissées. Et le chiffre d’affaires s’en ressent. « On dit à nos franchisés qu’ils peuvent se tirer un salaire dès le premier mois d’exploitation », affirme le fondateur.

Une aubaine quand on sait que la création d’un Tutti Pizza coûte 150 000 euros. « Le problème en ce moment, c’est que les banques demandent un apport de 30 à 40 %, c’est beaucoup. On a des gens intéressés mais qui se posent la question de savoir s’ils doivent quitter leur CDI pour se lancer dans l’aventure », explique Sébastien Bori. Avec la crise du Covid, le réseau de franchisés a beaucoup bougé. « Certains ont voulu partir, changer de vie. Et puis aujourd’hui, je remarque que les gens ne veulent plus travailler, faire des heures supplémentaires. Mais pour réussir dans ce genre de business, il faut s’investir, ne pas compter ses heures. Moi, je faisais 70 heures par semaine à l’époque, on ne regardait pas la montre », se souvient Robert Bori.

On vise les villages. À Toulouse, l’ubérisation a tout perturbé

Reprise de franchises

Des franchises sont pourtant sur le point d’être reprises. À La Roche-sur-Yon (85) et Caussade (82), ce devrait être effectif l’an prochain. Ces dernières semaines, un père accompagné de sa fille et de son gendre a repris trois magasins sur Saint-Jean et L’Union. Avec 17 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2024, la success story Tutti Pizza est partie pour continuer. L’objectif est d’atteindre la centaine de points de vente dans les prochaines années, à raison de 4 à 5 ouvertures par an. Un camion pizza itinérant est même en réflexion. « On aimerait le placer devant le Stadium, car nous sommes partenaires du Toulouse FC depuis trois ans », explique Sébastien. Un camion qui pourrait servir sur d’autres événements toulousains. Ce ne sera pas Robert au volant. Le père a rendu son tablier, mais n’est pas à la retraite pour autant. « Maintenant, je me suis lancé dans l’immobilier ! », conclut-il. Et là encore, il n’y a pas de jours de repos !