La Vie Economique : Quelle est la situation actuelle concernant la fréquentation des cinémas ?
Jean-Claude Véniel : « On considère qu’il y a une baisse moyenne de 30 % de fréquentation par rapport à 2019 en France. La grande exploitation a davantage souffert que les cinémas de proximité qui ont chuté moins lourdement mais tout de même de 20 à 22 %. Le choc est moins rude car on organise des animations, des rencontres, des conférences. »
LVE : Comment analysez-vous cette baisse d’affluence ?
J.-C. V. : « Il y a plusieurs facteurs dont un qui a été déterminant : le Covid. Les gens ont perdu l’habitude de sortir le soir et d’aller au cinéma. Les séances qui marchent le mieux aujourd’hui sont celles de 18 h. Un deuxième problème soulevé concerne le prix du ticket. Le prix moyen en France est de 7 €. Les cinémas de proximité sont aux alentours de 5 € quand les grands complexes sont à plus de 10 €, voire 15 €. Ils ont une notion économique alors que les cinémas de proximité sont plutôt dans le service public, surtout en zone rurale. »
LVE : Et les plateformes de streaming ?
J.-C. V. : « 6 Français sur 10 sont adhérents à une plateforme, c’est énorme. Mais cela n’impacte pas vraiment les films car c’est essentiellement destiné aux séries. On a encore une petite fenêtre ouverte : le cinéma reste le lieu privilégié pour voir un film. »
LVE : Quelles sont les solutions que vous envisagez ?
J.-C. V. : « Cette situation pose un problème philosophique quant au lien social et au bien-être ensemble. Les cinémas de proximité doivent impérativement continuer leur combat pour demeurer des lieux de rencontre en faisant ce croisement entre les arts et les individus par la musique, les expositions, les conférences et le cinéma bien sûr. »
Certains cinémas vont devoir fermer
LVE : Dans ce contexte, la hausse du prix de l’énergie est une épreuve supplémentaire, comment y faites-vous face ?
J.-C. V. : « Nous sommes impactés de façon déraisonnable par cette augmentation. La ministre de la Culture (Rima Abdul-Malak, NDLR) est venue à Deauville nous faire un discours où elle nous a expliqué que le quoi qu’il en coûte était terminé. On peut l’entendre mais que fait-on alors lorsque notre facture d’énergie double ou triple ? Si on augmente le prix du ticket, la fréquentation va continuer de chuter. On est pris dans une problématique totalement folle. Certains cinémas vont devoir fermer. »
Que serait la vie sans le cinéma ?
LVE : Que pensez-vous de la réaction des pouvoirs publics face à cette crise ?
J.-C. V. : « Les premiers impactés seront les professionnels de la culture. Il n’y a pas de volonté politique de nous aider. On a un bouclier tarifaire de 15 % qui est largement insuffisant. J’ai été optimiste en voyant les bons films qui vont arriver dans les 8 prochains mois. En fait, seuls les blockbusters et les grosses comédies françaises s’en sortent. Les petites pépites Arts et Essai sont aujourd’hui délaissées. Nos politiques sont à côté de la plaque. Ils veulent qu’on investisse dans des équipements laser alors qu’on n’arrive même pas à boucler notre budget. J’ai une perte de confiance vis-à-vis de nos dirigeants. Ils sont hors sol et manquent de bon sens. Devant nos yeux se pose l’inégalité de l’accès à la culture qui devient de plus en plus criante. Heureusement, nous sommes soutenus par les collectivités locales pour le moment. Que serait la vie sans le cinéma ? »
Jean-Claude Véniel, président d’Écrans 47 © Julien Mivielle
BIO EXPRESS JEAN-CLAUDE VÉNIEL
Président de l’APACT (cinéma Rex de Tonneins)
Président d’Écrans 47 (réseau des cinémas indépendants du Lot-et-Garonne)
Vice-Président du Bureau d’Accueil des Tournages 47
Membre de la Fédération Nationale des Cinémas Français
Chevalier de l’ordre national du Mérite
