Visiter Commarque, c’est d’abord entrer dans un paysage, pénétrer un monde hors du temps et longtemps loin des hommes. La petite route qui y conduit en décrochant de l’axe très fréquenté Sarlat-Les Eyzies serpente dans la campagne du Périgord noir et plonge dans la fraîcheur des sous-bois avant l’apparition de ce vaisseau minéral amarré dans la vallée des Beunes, sorti de la gangue végétale qui l’étouffait depuis quatre siècles.
Commarque, c’est une histoire de famille tracée au plus loin d’une noble lignée. Le site du XIIe siècle s’est transformé au fil du temps en « vaste colloc de seigneurs » avant d’être abandonné au XVIe. Hubert de Commarque a acheté en 1972, comme une évidence à la mémoire des siens, ce bien dépecé en carrière de pierres au XIXe. « Le début d’un travail fou de consolidation, de fouilles archéologiques, de recherches dans les archives. » Aude de Commarque s’attache désormais, avec son frère Jean, à prolonger l’œuvre de ses parents.
PLUSIEURS SITES EN UN
« Mon père devait être informaticien aux États-Unis, mais il est resté pour des raisons familiales. » Presque malgré lui. Comme Aude et son frère, dont les souvenirs d’enfance ont beaucoup à voir avec ce lieu qui les privait de la présence de leurs parents. « Un chantier permanent, accidenté, on y accédait par le haut, un harnais autour de la taille. » De ce vaste terrain de jeux pour l’imagination d’une enfant, elle voyait surtout les coulisses et l’inquiétude familiale pour ce patrimoine en péril, le contact avec les banques, avec la Drac, les services de l’État. « C’était le mythe de Sisyphe, un travail toujours recommencé : je savais qu’un jour, ce serait à nous de prendre la relève. »
COMMARQUE, DE BAS EN HAUT
Au millefeuille historique de ce site avec abri magdalénien, castrum, chapelle, donjons, cluzeau et habitat troglodytique médiéval coïncident autant de complexités administratives. Avec pour première marche du sauvetage son classement en 1943. Loin des premières cartes postales d’une forteresse émergeant d’un océan végétal, coin secret des amoureux et des fêtards, puis de bataillons de fouilles et de travaux à partir de son rachat en 1972, Commarque a su conserver une beauté sauvage tout en attirant les visiteurs qui y cheminent de bas en haut, du village mis au jour jusqu’au sommet de la tour : premier prix Chef d’œuvre en péril en 1987, Grand Trophée de la plus belle restauration de France en 2018, ce membre du réseau Grands sites du Périgord est couronné de trois étoiles par le guide vert Michelin depuis 2020.
L’idée d’une ouverture au public de ce jardin secret, connu d’une poignée d’initiés, se fait jour à mesure que le joyau s’extirpe de la falaise. Mais comment…