La Vie Economique : Quelles sont vos ambitions pour ce mandat de trois ans à la tête du Pôle Aerospace Valley ?
Anouk Laborie : Mon objectif est de redynamiser la relation avec nos 850 adhérents sur les deux régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine. On doit comprendre leurs besoins, leurs attentes et tenter de les satisfaire au mieux. C’est pourquoi j’ai décidé de changer l’organisation du suivi des membres. Auparavant, chaque référent du Pôle suivait des entreprises en fonction de sa connaissance du domaine d’activité. Ce qui fait que certains en suivaient 60 quand d’autres en avaient 10. Désormais, tous les référents ont une vingtaine d’adhérents à suivre. On va questionner nos membres au printemps pour connaître précisément leurs besoins, et suivre cela tout au long de l’année.
LVE : Vous avez passé plus de 30 ans dans le spatial, comment abordez-vous le volet aéronautique ?
A. L. : J’ai l’envie et la curiosité d’apprendre de nouvelles choses. Et je pense que je peux apporter mon expérience de chef de projet. Le Pôle est avant tout une équipe. Je vais découvrir un autre secteur pour lequel j’ai de l’appétence. Ce nouveau challenge est excitant, c’est une opportunité rêvée.

Anouk LABORIE et Bruno DARBOUX, président du Pôle Aerospace Valley © Adrien Nowak – La Vie Economique
LVE : Malgré les contraintes économiques qui vont inévitablement peser sur le budget du Pôle ?
A. L. : On sait que nos subventions publiques vont diminuer. La grande incertitude repose sur celle de l’État qui n’a pas encore donné sa réponse. Toutefois, le financement du Pôle repose à 70 % sur des fonds privés [6 millions d’euros de budget de fonctionnement en 2024, ndlr]. Nous avons deux solutions : soit on diminue nos prestations, soit on cherche d’autres sources de financement. C’est la deuxième option que nous avons choisie. Nous travaillons sur une dizaine de pistes comme par exemple la possibilité de chercher des projets côté Union européenne et capter ainsi les financements. Nous avons la chance d’avoir un budget qui va du 1er avril au 31 mars donc nous sommes dans l’anticipation. On gère cette incertitude sans impact sur nos activités court terme.
LVE : Qu’en est-il du programme France 2030 dont le Pôle est le relais et dont deux chantiers prioritaires sont liés à l’aéronautique et au spatial. Avez-vous eu des engagements de la part du gouvernement ?
A. L. : Le ministre délégué au Commerce extérieur, Laurent Saint-Martin, était récemment invité lors d’une table ronde organisée par Toulouse Team. Nous avons évoqué les crédits France 2030 [54 milliards d’euros sur la période 2022 – 2027, ndlr]. Il a assuré qu’il travaillait à la pérennisation de ces sommes et sur la suite de ce programme. Les dispositifs mis en place dans nos régions fonctionnent. Sur l’intelligence artificielle par exemple, on est les meilleurs du monde dans le domaine de la recherche, du développement d’algorithmes. Il faut maintenant renforcer l’articulation entre les chercheurs et les ingénieurs qui vont développer les logiciels grâce à ces algorithmes. Le Pôle doit être un vecteur pour faciliter la mise en relation des mondes académiques et industriels.
LVE : Quel avenir voyez-vous pour le domaine spatial alors que les deux géants Airbus Defence & Space et Thales Alenia Space sont en difficulté ?
A. L. : Ils sont en difficulté mais le marché est en pleine expansion. Là encore, le Pôle Aerospace Valley doit aider à une meilleure articulation entre ces géants et les acteurs du New Space. Nous devons accompagner un nouvel équilibre entre ces gros maîtres d’œuvre et les start-up. On doit croiser les bonnes pratiques. J’ai discuté avec des gens d’Airbus passés par ces jeunes pousses du New Space. D’un côté, ils voient comment les géants pourraient simplifier leurs process et de l’autre, ils militent pour la mise en place de ces process dans les start-up pour mieux structurer et assurer l’efficacité industrielle. Ces deux mondes ont beaucoup à s’apprendre.
Le Pôle Aerospace Valley mise sur les SAF
Les carburants d’aviation durable (SAF pour Sustainable Aviation Fuel) sont désormais obligatoires à hauteur de 2 % dans les avions comme l’oblige la réglementation européenne. « Nous voulons aller plus vite, plus fort », explique Bruno Darboux, président d’Aerospace Valley. « On estime à 200 000 tonnes les besoins en SAF pour le Sud-Ouest en 2050. » L’ambition du Pôle est de parvenir à produire ces carburants durables localement et « dès que possible », souligne Bruno Darboux. Un objectif atteignable selon le président du Pôle grâce à plusieurs dizaines de projets à travers les deux régions. Reste plusieurs obstacles à lever, notamment celui du coût de production, trois à quatre fois plus cher que le kérosène. L’objectif le plus ambitieux serait même que tous les vols au départ du Sud-Ouest contiennent 100 % de SAF. « On ne pourra pas obliger bien entendu. Mais la pression climatique va augmenter et nous obliger », conclut Bruno Darboux.