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« Agen a une carte à jouer »

Plus que jamais, avec l'arrivée prochaine de la Ligne à Grande Vitesse (LGV), la capitale du Lot-et-Garonne se positionne comme un carrefour stratégique du grand Sud-Ouest. Pour le maire et président de l'Agglomération agenaise, Jean Dionis du Séjour, l'heure est aux villes moyennes comme Agen, idéalement située entre Bordeaux et Toulouse, dont le potentiel de développement semble puissant dans les années à venir.

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Jean DIONIS du SÉJOUR, maire et président de l'Agglomération d'Agen © Julien Mivielle - La Vie Economique

La Vie Economique : Quel regard portez-vous sur l’évolution de l’économie agenaise ces dernières années ?

Jean Dionis du Séjour : En plus de confirmer que l’agglomération agenaise est le moteur économique de ce qu’on appelle la moyenne Garonne, qui va au-delà des frontières du Lot-et-Garonne, avec un PIB de 45 % sur le département alors que nous ne représentons que 30 % de la population, il est important de rappeler la place qu’occupe historiquement l’industrie à Agen et que nous avons su préserver.

LVE : Une industrie représentée par des poids lourds nationaux et de nombreuses PME ?

J. D. du S. : Nos deux locomotives sont bien sûr UPSA (produits pharmaceutiques) et De Sangosse (phytosanitaire), mais il y a de très belles réussites dans l’agroalimentaire comme le groupe Gozoki, créé par Yann Mauss, ou le photovoltaïque avec Fonroche Lighting. Ce qu’il faut surtout retenir, et c’est ce qui fait la particularité d’Agen, c’est que 15 % des emplois sont dans le secteur de l’industrie. Agen est donc une ville industrielle !

LVE : La présence d’entreprises de logistique est due au positionnement géographique d’Agen, carrefour du Sud-Ouest ?

J. D. du S. : C’est une ligne que je défends depuis toujours. Il faut penser Agen comme un carrefour stratégique du grand Sud-Ouest entre les deux régions, Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, sur les axes est-ouest, mais aussi nord-sud. C’est vrai que la géographie nous est favorable, mais devenir un carrefour stratégique et économique, c’est quelque chose qui se construit.

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LVE : Comment devenir désormais un carrefour économique ?

J. D. du S. : En se posant la question de savoir si nous sommes bien un carrefour pour chaque moyen de communication, la route, le rail, internet… Pour la route, nous avons l’A62 depuis les années quatre-vingt et nous venons d’ouvrir un second échangeur connecté au Technopole Agen-Garonne et demain à la gare LGV. Et puis il y a la RN21 qui était un peu abandonnée et dans laquelle je crois beaucoup pour renforcer l’axe nord-sud. La dimension de carrefour prend tout son sens en reliant la RN21 à l’A62.

Ce qui fait la particularité d’Agen, c’est que 15 % des emplois sont dans l’industrie

LVE : La RN21, c’est un dossier qui traîne depuis des décennies ?

J. D. du S. : Du côté de l’Agglomération d’Agen, nous avons fait ce qu’il fallait avec l’inauguration il y a un an du pont et du barreau de Camélat qui rapproche tout le nord du département de l’A62. Sur le dossier RN21, il faut travailler avec l’État qui est maître d’ouvrage et cela prend beaucoup de temps. Même si cela ne va pas assez vite, nous avons avancé avec le doublement de la RN21 qui arrivera demain jusqu’à Agen Nord pour relier l’A62, via le pont de Camélat. Nous avons donc su anticiper tout cela, comme pour la LGV.

LVE : L’arrivée prochaine de la LGV est un enjeu majeur pour l’Agenais ?

J. D. du S. : Je le dis, il faut qu’Agen reste la deuxième gare de la région, comme elle l’est aujourd’hui avec 1,2 million de voyageurs. Demain, la gare LGV Agen-Brax, ce sera 2 millions de voyageurs ! Nous allons mettre toute notre énergie dans ce projet.

LVE : Quelles seront les retombées pour Agen avec la LGV ?

J. D. du S. : Selon certaines projections, nous tablons sur une croissance démographique stable quand la France est en période de récession démographique, mais je trouve ces prévisions très prudentes. Je fais le pari raisonnable que nous rentrons dans la décennie des villes moyennes de 100 000 à 300 000 habitants. Je suis persuadé qu’après les 20 années où les 23 métropoles ont capté les projets et les financements, l’heure est aux villes moyennes comme Agen.

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L’incubateur sur le Technopole accueille déjà des start-up dédiées à l’IA. © Julien Mivielle – La Vie Economique

LVE : Quels sont les éléments qui nourrissent cette vision ?

J. D. du S. : Tout est saturé dans les métropoles et nous en voyons déjà les prémices sur Agen avec l’arrivée notamment de Bordelais. Sur la problématique de la rocade bordelaise, il n’y a pas de projet de substitution car trop cher et trop conflictuel. Bordeaux sature pour la voiture et pour longtemps. Deuxièmement, les marchés fonciers et immobiliers ont divergé. Je sais que tout le monde ne partage pas cet avis, mais je maintiens que le même appartement ou maison coûte deux ou trois fois plus cher à Bordeaux qu’à Agen. Si on ajoute cela aux changements profonds de notre société comme l’essor du télétravail ou la volonté de privilégier un cadre de vie plus proche de la nature et qu’Agen sera demain, avec la LGV, à 25 minutes du centre de Toulouse et 30 minutes de Bordeaux, alors je maintiens qu’Agen a une carte à jouer.

LVE : Comment vous y préparez-vous alors ?

J. D. du S. : Henri Tandonnet, premier vice-président de l’Agglomération d’Agen en charge de l’aménagement du territoire y pense matin, midi et soir ! C’est ce que nous faisons à travers le SCOT (schéma de cohésion territoriale) et le PLUI (plan local d’urbanisme intercommunal) qui sont axés sur le cadre de vie en prenant en compte l’offre de logement, la végétalisation, les mobilités douces, le niveau de services… Il faut que l’on soit vigilant, car il peut y avoir des risques en privilégiant par exemple la rive gauche qui déséquilibrerait la rive droite.

LVE : Avec la LGV, Agen veut aussi se rapprocher de villes comme Auch ou Périgueux ?

J. D. du S. : Notre projet prévoit en effet une liaison ferroviaire, une sorte de tramway, entre la gare d’Agen-Centre et la gare LGV. C’est un choix que nous avons fait dès 2008 en privilégiant une nouvelle gare LGV sur la première couronne plutôt qu’en centre-ville. La gare LGV ne sera pas pour les 100 000 habitants d’Agen, mais elle concernera un bassin de 350 000 habitants de la moyenne Garonne qui comprend l’ouest du Tarn-et-Garonne, le sud de la Dordogne, le nord du Gers et tout le Lot-et-Garonne. Il faut que les gens qui habitent Condom, Castelsarrasin ou Bergerac aient intérêt à aller à Agen plutôt qu’à Bordeaux ou Toulouse. Nous avons construit le projet de gare (localisation et accessibilité) dans ce sens-là.

Demain, la gare LGV Agen-Brax, ce sera 2 millions de voyageurs !

LVE : Vous vous positionnez aussi comme un territoire tourné vers les nouvelles technologies ?

J. D. du S. : Nous avions déjà anticipé les vecteurs de croissance liés aux enjeux du XXIe siècle. Je fais ici allusion à la décarbonation à travers les énergies renouvelables et de ce côté-là, Agen peut compter sur des entreprises leader en France et à l’étranger comme Fonroche Lighting (éclairage public solaire) ou Total Énergies Biogaz dont le siège est à Agen. Enfin, nous avons la chance d’avoir, à 20 km d’Agen, la centrale nucléaire de Golfech et nous jouons collectif avec le Tarn-et-Garonne, Toulouse et la région Occitanie autour de notre capitaine, Jean-Michel Baylet (président du Conseil départemental du Tarn-et-Garonne), pour que Golfech bénéficie de deux réacteurs de nouvelle génération (EPR).

Sur l’IA, nous avons du foncier disponible pour héberger des centres de données

VE : Dans ce même sens de l’anticipation, vous suivez de près l’IA ?

J. D. du S. : Ce sujet m’intéresse déjà car en tant qu’ingénieur, j’ai été formé aux systèmes d’informations. Je me suis toujours demandé si l’IA était un changement aussi structurel que l’arrivée du web et la réponse est oui. Pour s’y préparer, il va falloir former des experts, des ingénieurs et techniciens. Cela se joue maintenant et nous y travaillons avec beaucoup de force pour construire des filières entières de formation. Pour être un territoire IA, il faut être capable d’accueillir ces infrastructures d’informations lourdes et de ce côté-là, Agen est bien placée, car on est déjà sur les autoroutes de communication des flux de données et nous avons du foncier disponible pour héberger des centres de données. Nous allons passer à l’offensive.

« Des liens humains très forts avec François Bayrou »

« En tant que membre du Modem, j’ai passé une grande partie de ma vie politique aux côtés de François Bayrou et nous partageons des convictions et des liens humains très forts. François Bayrou est Premier ministre dans une période très difficile de l’histoire politique française et il a très bien commencé en parvenant à construire un budget. Dans ce contexte, s’il arrive à trouver un consensus sur quelques réformes importantes (fin de vie, proportionnelle, amélioration de la réforme des retraites), il aura déjà rendu un fier service à notre pays. »