Pour les Béarnais, Le Soulor est et sera toujours ce col situé à 1 471 mètres d’altitude et qui relie leur terre à celle de leurs voisins bigourdans. Mais depuis peu, ce nom emblématique est également rattaché à une belle histoire, celle de deux amoureux de leur patrimoine ayant donné une visibilité nationale aux chaussures de bergers montées à la main. Qui aurait pu croire que ces « cauçuras d’aulhers », gros godillots bien davantage conçus pour la montagne que pour les grands boulevards, séduiraient aussi bien les gardiens de troupeaux qu’une clientèle habituée au luxe des grandes marques ? Le duo basco-béarnais à la tête de l’atelier Le Soulor, lui, n’en a jamais douté. Avec raison : depuis la reprise il y a 6 ans de cette manufacture de chaussures alors appelée « Paradis-Pommiès », Stéphane Bajenoff et Philippe Carrouché ont multiplié le chiffre d’affaires par 21 jusqu’à approcher le million d’euros en 2022.
Conscients de détonner quelque peu, depuis leurs locaux situés à Nay sur les premiers contreforts des Pyrénées, ces derniers sur- nommés par certains « Les Fadas du Béarn » s’en amuseraient même un peu : « Ça, c’est sûr, nous avons surpris tout le monde. Personne ne nous a vu venir ! »

Philippe Carrouché, président du Soulor 1925 © Louis Piquemil – La Vie Economique
Embauche et diversification
Pourtant, dès la porte de leur atelier poussée, difficile de passer à côté de ces deux entrepreneurs avec leur béret vissé sur la tête et leur sourire scotché au visage, leur « Adishatz » appuyé et leur passion chevillée au corps comme aux pieds. Là, entre l’odeur du cuir et le bruit des outils des artisans, Stéphane Bajenoff raconte com- bien, en 2016, il ne peut se résoudre à voir le savoir-faire de l’un des derniers fabricants de chaussures de montagne disparaître après 70 ans d’activité. Ancien responsable chez Décathlon, il reprend la main, vite rejoint par Philippe Carrouché qui injecte des fonds alors que « le bateau est en train de brûler ».
Les deux hommes découvrent un univers totalement inconnu et notamment ce cousu norvégien que plus personne ou presque ne pratique en France, maîtrisé par Robert Castaing, l’unique employé de feu Paradis-Pommiès aux 37 ans de métier. Rapidement, souhaitant « créer de l’emploi », ils embauchent plus d’une douzaine de personnes formées en binôme « parce que le plus important demeure la transmission », et diversifient les modèles. La robuste chaussure de montagne, si…