Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Béarn – Tribunal de commerce : une rentrée sous tension

Depuis trois semaines, le tribunal de commerce de Pau est installé au sein du nouveau site judiciaire des Halles, en centre-ville. L’occasion d’y retrouver Philippe Pedeutour, son président, et de prendre le pouls de l’économie béarnaise. À l’instar d’autres territoires, le Béarn connaît actuellement une hausse du nombre des défaillances d’entreprises.

Tribunal commerce

© Cyril Garrabos

La Vie Economique : Comment résumer l’activité du tribunal de commerce de Pau ces dernières années, forcément particulières ?

Philippe Pedeutour : « Entre 2018 et 2020, nous avons connu une grande diminution du nombre de procédures collectives. En 2021, nous avons également constaté une baisse de 40 % de défaillances d’entreprises. Malgré tout, il faut garder en tête que l’année référence reste 2019 : 2020 et 2021 sont assez peu représentatives et à mettre entre parenthèses. Cela dit, il faut noter que les aides octroyées durant ces deux années de crise ont été particulièrement efficaces puisque nous avons eu une baisse de 30 % des redressements judiciaires.

Philippe Pedeutour, président du tribunal de commerce de Pau

Philippe Pedeutour, président du tribunal de commerce de Pau © Cyril Garrabos

LVE : Aujourd’hui, dans cette période post Covid, quelle est la situation des entreprises en Béarn ?

P.P : « Que ce soit en France ou sur notre région, la tendance est actuellement à la hausse des défaillances des entreprises. Nous sommes, en effet, sur un contexte post crise : ces dernières doivent assumer des remboursements mais n’y parviennent pas toujours. Je pense notamment au PGE qu’elles n’ont pas toutes les capacités de rembourser. Fin août 2022, nous comptabilisions ainsi 113 ouvertures de procédures collectives contre 73 à fin août 2021, soit une augmentation de 35 %. Par ailleurs, fin juillet de cette année, nous constatons une hausse de 100 % des redressements judiciaires et de 110 % des liquidations judiciaires en Béarn. D’un autre côté, nous enregistrons +7 % de créations d’entreprises commerciales. »

LVE : Quelles sont les entreprises ayant des difficultés, actuellement ?

P.P : « Ce sont essentiellement des toutes petites entreprises, de moins de 5 salariés. Mais on trouve également des entreprises de taille plus importante dans des secteurs spécifiques comme l’aéronautique et la mécanique de précision, qui représentent un tissu important en Béarn. On peut l’expliquer par la hausse du coût des matières premières, des frais de transport et de l’énergie, mais également par les plans de charge des donneurs d’ordres qui diffèrent de ceux initialement prévus. Disons qu’il n’y a pas le redémarrage escompté dans ces secteurs. Par ailleurs, il y a également toutes les entreprises dont on ignore l’état de santé : finalement, elles ne sont que très peu sur toutes celles que compte le Béarn à arriver jusqu’à nous… »

Les aides octroyées durant ces 2 années de crise ont été efficaces puisque nous avons eu une baisse de 30 % des redressements judiciaires

LVE : Comment se porte le commerce local ?

P.P : « Il est clairement plus ou moins touché, avec une baisse de fréquentation des centres-villes rapportée par les commerçants, malgré un élan relativement important cet été avec un afflux de touristes non négligeable. »

Nous ne sommes pas là pour sanctionner les entreprises, mais pour les aider à traverser les périodes difficiles

LVE : Comment percevez-vous le rôle du tribunal de commerce, d’autant plus dans ce contexte difficile ?

P.P : « Nous ne sommes pas là pour sanctionner les entreprises, mais pour les aider à traverser les périodes difficiles. Et en ce sens, le terme « tribunal » peut être mal perçu ! Or nous avons tout un panel d’outils méconnus pour accompagner ces entreprises. Il y a par exemple des procédures comme les mandats ad hoc qui peuvent permettre de trouver des solutions. Il faut que les chefs d’entreprises aient ce réflexe de venir nous voir avant que cela aille mal, avant le dernier moment : nous préférons être médecin que croque-mort. »

Nous enregistrons + 7 % de créations d’entreprises commerciales

LA JUSTICE CIVILE CENTRALISÉE

Après des mois de travaux, l’ancien couvent de la Miséricorde attenant à la médiathèque André Labarrère est officiellement devenu le « site judiciaire des Halles ». Le lieu entièrement rénové, qui a ouvert ses portes au public le 5 septembre, réunit toute la justice civile auparavant disséminée dans toute la ville, ainsi que le tribunal de commerce et le conseil des prud’hommes. Pour Philippe Pedeutour, ce déménagement du tribunal de commerce depuis la rue d’Orléans jusqu’au site des Halles, permet surtout au justiciable « une lecture plus simple » de la justice.