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Canal du Midi : rebâtir l’œuvre de Riquet

Attaqués par un champignon - le chancre coloré - les platanes du Canal du Midi se meurent. La mission mécénat des Voies Navigables de France (VNF) s’occupe depuis 10 ans de trouver des fonds pour replanter des arbres, et reconstruire les berges du Canal bâti par Pierre-Paul Riquet au XVIIe siècle.

Canal du Midi, VNF

Canal du Midi © Vianney Goma

Ils étaient plus de 40 000 il y a encore quelques années. Les platanes ornaient majestueusement les 240km du Canal du Midi, de l’Etang de Thau, près de Sète (Hérault) à Toulouse. Il en reste aujourd’hui 10 000, et pour combien de temps ? Le responsable de cette hécatombe est un champignon microscopique appelé chancre coloré. « Il tue le platane en quelques mois seulement et il est impossible de le combattre » explique François Cholet, chef de la mission mécénat des Voies Navigables de France (VNF). La seule solution est d’abattre l’arbre et de le brûler sur place pour tenter d’éviter la propagation.

5 arbres abattus pour 1 arbre touché

Difficile de tracer précisément l’origine de ce parasite. « On dit que ce sont les Américains qui ont ramené ce champignon pendant la Seconde guerre mondiale, via des caisses de munition » détaille Julie Birs, la responsable des partenariats entreprises à la mission mécénat.

Si la région PACA a été la première touchée par ce fléau, il faut attendre 2006, dans l’Aude, pour que les premières traces du chancre coloré apparaissent sur le Canal du Midi. « La maladie se transmet très rapidement aux arbres suivants, soit par les racines, soit par l’eau » note François Cholet. En clair, si une coque de bateau touche un arbre infesté puis un autre arbre sain, elle peut le contaminer. « Par mesure de sécurité, lorsqu’un arbre malade est abattu, on fait tomber les deux précédents et les deux suivants. » Résultat, le nombre de platanes a été divisé par 4 depuis 2006.

VNF, platane, chancre

L’attaque du chancre coloré sur un platane © VNF

Replanter mais pas uniquement

Les survivants sont aujourd’hui marqués d’une pastille bleue et vérifiés une fois par an pour voir si le chancre les attaque. À terme, il est probable que les 10 000 platanes restants soient abattus. VNF s’occupe de replanter des arbres là où les platanes ont disparu. Plus de 18 000 nouveaux arbres ont déjà pris place sur les berges. « Il s’agit d’arbres matures, qui respectent le cahier des charges de l’Unesco puisque le Canal est inscrit au patrimoine mondial depuis 1996 » détaille Julie Birs. Le chêne chevelu est l’espèce privilégiée, mais on retrouve aussi des micocouliers, des pins parasols ou des peupliers blancs. Une végétation capitale pour l’environnement afin d’éviter l’évaporation de l’eau du Canal et d’assurer l’irrigation des champs voisins.

VNF compte agrandir le cercle des bienfaiteurs avec un gala caritatif qui aura lieu le 5 décembre prochain à Toulouse, avec une grande vente aux enchères

Mais replanter n’est pas l’unique travail de VNF. Tout un travail sur la biodiversité est nécessaire, notamment via l’installation de nichoirs à oiseaux. « Nous devons aussi consolider les berges car les racines des platanes tiennent le Canal » souligne Julie Birs. Or les nouvelles espèces sont trop jeunes pour remplir cette mission. Il faut donc reconstruire les berges avant de replanter, à l’hiver. Un travail titanesque sur les 480km de berges que compte le Canal du Midi. Et un coût pharaonique à la clé. « On estime que le chantier total avoisine les 220 millions d’euros, mais ça c’était avant l’inflation » sourit François Cholet. « Il faut compter que chaque arbre coûte 3 000 euros, entre l’abattage du platane malade jusqu’à la replantation d’un nouveau. »

VNF, Canal du Midi

Huppe fasciée, une des espèces d’oiseaux visible au bord du Canal du Midi © Vianney Goma

À la recherche de mécènes

VNF a ainsi lancé sa mission mécénat en 2013 afin de chercher des partenaires financiers pour accompagner les pouvoirs publics dans cette tâche. « En 10 ans, nous avons récolté 10 millions d’euros auprès d’une centaine d’entreprises » détaille François Cholet. Au global, le mécénat représente 10% de l’argent collecté pour ce projet. Pour Julie Birs, « les entreprises doivent être partie prenante pour sauver ce morceau de patrimoine régional ». C’est elle qui gère le Club des entreprises qui donnent aujourd’hui à la mission mécénat. « Nous avons des petites entreprises comme des grands groupes. Chacun peut donner, sachant que pour une entreprise, le don est défiscalisé à 60%. » Il avoisine en moyenne 10 000 euros et donne droit en contrepartie à une croisière privée de 50 personnes sur le Canal. « L’objectif est de sensibiliser les entreprises qui donnent et de montrer concrètement le travail déjà engagé et ce qui reste à faire. »

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Opération de sécurisation des berges © VNF

En Occitanie, plusieurs grands noms accompagnent VNF comme Pierre Fabre, LP Promotion, CLS ou encore Liebherr. Des banques, cabinets d’architectes et d’avocats sont également mobilisés, dans le cadre de la RSE. La mission mécénat de VNF compte encore agrandir le cercle des bienfaiteurs avec l’organisation d’un gala caritatif pour célébrer ses 10 ans. Il aura lieu le 5 décembre prochain à Toulouse, avec une grande vente aux enchères. « Ces événements permettent de faire connaître le projet. Beaucoup de gens ne comprennent pas pourquoi on abat des arbres le long du Canal. C’est pour sauver l’œuvre de Pierre-Paul Riquet ! » Et pour la faire rayonner aux yeux des touristes d’ici et d’ailleurs, près de 350 ans après son inauguration.