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IRT Saint-Exupéry : 10 ans de défis technologiques

L’Institut de Recherche Technologique installé au B612 à Toulouse œuvre depuis 2013 pour accélérer l’innovation dans le domaine aéronautique et spatial. Un défi gigantesque à l’heure de la décarbonation de ces industries.

IRT, Toulouse

L'IRT Saint-Exupéry a fêté ses 10 ans © IRT Saint-Exupéry

« La gestation ne fut pas facile. Aussi longue que celle de l’éléphant ! » La vidéo souvenir renvoie à 2013 et affiche un Louis Gallois goguenard. Il s’agit d’une archive de l’ancien patron d’Airbus lors de la création de l’IRT Saint-Exupéry. Il est vrai que la naissance de l’institut toulousain – rejoint aujourd’hui par les sites de Bordeaux et Nice Sophia Antipolis – a pris du temps. Dix ans après pourtant, tous les acteurs réunis à Toulouse pour la date anniversaire s’accordent à dire que la réussite est au rendez-vous. « L’IRT a atteint une crédibilité, une solidité et une crédibilité importante grâce à la collaboration entre le monde académique, les industriels et l’Etat » se réjouit Bruno Bonnell, le secrétaire général pour l’investissement en charge de France 2030.

180 millions d’euros investis

Il faut dire que l’Etat, via le Programme d’Investissements d’Avenir, a misé 180 millions d’euros sur l’IRT Saint-Exupéry depuis 2013. Les collectivités locales comme Toulouse Métropole et la Région Occitanie ont aussi collaboré à la réussite de l’institut. « Surtout, le transfert de compétences vers les entreprises est un enjeu majeur pour la compétitivité des acteurs de l’aéronautique et du spatial » explique Thierry Cotelle, vice-président de la Région à l’Économie et à l’Innovation

Nous devons créer les conditions pour que l’innovation de demain se développe à Toulouse

Les pouvoirs publics ne sont en effet pas les seuls à financer l’IRT. Nombre d’industriels mettent en place des partenariats depuis 10 ans pour tester des innovations du futur. Ces collaborations entre le monde académique de la recherche et les entreprises sont le cœur de l’IRT : « Notre but est de rassembler le meilleur de ces deux mondes » résume Magali Vaissiere, la présidente de l’IRT Saint-Exupéry.

Effet de levier décuplé

Ainsi, il n’est pas rare que les industriels, concurrents du quotidien, se retrouvent partenaires à l’IRT. « On a la chance d’avoir une filière aéronautique française qui travaille bien ensemble » se félicite Christian Picollet de Safran. Nathalie Duquesne, la DG de Liebherr Aerospace à Toulouse abonde : « Quand Safran apporte une ressource, que Thales aussi, qu’on ajoute le soutien de l’IRT et des académiques, on est sûr du retour sur investissement. » L’effet de levier financier serait même décuplé selon les équipes dirigeantes de l’IRT.

Décarbonation et électrification

Dans l’aéronautique, la grande question d’avenir porte sur la décarbonation de l’aviation. Les équipes de l’IRT planchent sur l’électrification de l’avion de demain. « On a mis en place le projet High Volt avec l’IRT » explique Christian Picollet. « L’objectif est de voir comment l’électricité se comporte en altitude. Nous avons deux problèmes prioritaires que sont les décharges partielles et les arcs électriques. Ces projets nous permettent de comprendre concrètement ce qu’il se passe. » Pour High Volt, ce sont plus de 10 millions d’euros qui ont été investis et de multiples partenaires industriels associés (Airbus, Safran, Nidec Leroy Somer, Liebherr …)

Sur le même sujet, le plus gros projet de l’IRT Saint-Exupéry s’appelle Filaé. Il vise à développer pendant les 7 prochaines années tout un panel de technologies pour l’électrification de l’aviation. Le budget est de 60 millions d’euros et va mobiliser une trentaine de chercheurs, une cinquantaine de stagiaires ainsi qu’une trentaine de doctorants. Ces recherches bénéficieront également à la filière spatiale, ferroviaire et automobile.

IRT, Toulouse

Denis Descheemaeker, le directeur général de l’IRT et Magali Vaissiere, la présidente © IRT Saint-Exupéry

L’innovation et la souveraineté

Toulouse est donc en pointe pour tenter de trouver des solutions à la décarbonation de l’aviation. « Il y a 10 ans, la feuille de route était simple dans l’aéronautique » se souvient Agnès Plagneux-Bertrand, vice-présidente de Toulouse Métropole. « Aujourd’hui, la pression climatique nous oblige à nous remettre en cause. Mais, dans une économie mondialisée, nous devons créer les conditions pour que ces innovations se développent à Toulouse. Ce que nous ne ferons pas, d’autre le feront ! » L’adjointe au maire n’oublie pas de souligner que le centre de compétence d’Airbus sur l’avion électrique est situé à Ottobrunn, près de Munich.

La capacité de la France à rester souveraine et celle de l’IRT à conserver ses projets ambitieux passeront aussi par la capacité à trouver de nouveaux financements. Depuis 2020, l’institut doit trouver elle-même – à la demande de l’Etat – un tiers de son budget (39 millions d’euros). Cela passe notamment via des appels d’offres européens. « Nous avons besoin de sérénité, de stabilité et d’un financement sécurisé » ont clamé les industriels en clôture de l’anniversaire. Un vœu à concrétiser pour que l’IRT Saint-Exupéry puisse souffler de nouvelles bougies.