Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Les start-ups font bouger l’industrie

À l’occasion des dix ans du réseau French Tech, la communauté du Périgord s’est réunie autour des enjeux de l’innovation industrielle dans la dynamique locale.

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Les start-ups ont brillé à la préfecture © Loïc Mazalrey - La Vie économique

En préambule, Natalia Héraut, directrice déléguée de la French Tech Périgord, a rappelé qu’il n’était pas utopique de miser sur la tech locale en 2021. La déclinaison industrielle de ces entreprises innovantes n’est pas si connue. Trois dirigeants de start-ups industrielles et PME ont croisé leur expérience, certains au début du chemin, d’autres plus avancés. Julien Roulland et les deux autres cofondateurs de B2G souhaitaient s’ancrer en Périgord noir après 15 ans d’expérience dans l’industrie. La French Tech a aussitôt identifié comme start-up cette structure de Saint-Geniès qui conçoit, fabrique et assemble des pièces nécessaires à la conversion de véhicules thermiques en électriques. « Nous sommes arrivés dans le paysage, il y a trois ans, en même temps que la notion de start-up industrielle, avec des marchés potentiellement importants dans le futur : ce terme donne une dynamique positive, plus encore en milieu rural. »

Natalia Héraut start-up

Natalia Héraut © Loïc Mazalrey – La Vie économique

CHANGER L’IMAGE DE L’INDUSTRIE

Ce label, le travail de fond réalisé et ses solutions mécaniques ont valu à B2G d’être incubée chez Renault, à Flins, pendant six mois. « Ce grand groupe s’est clairement présenté comme voulant se transformer en s’appuyant sur des start-ups qui ont une nouvelle façon de voir les choses, pour s’inspirer de ce modèle. » Cette main tendue, certes intéressée, a permis à B2G d’avancer sur la structuration, l’industrialisation… Julien Roulland témoigne aussi auprès des jeunes pour changer l’image de l’industrie. « Pendant nos parcours professionnels, on a vu gaspiller de la matière première, utiliser des polluants, nos propositions de changement se heurtaient au : « on a l’habitude de faire comme ça ». L’économie circulaire faisait partie de nos critères, nous travaillons avec du matériel de seconde main. » Lors d’un salon à Toulouse, sans offre d’emploi et sur la seule marque employeur, B2G a récupéré une pile de CV. Son message parle à la jeunesse.

DOUBLE CHALLENGE ORIGINAL

Sébastien Roche, vice-président de la French Tech Bordeaux, réalise une importante partie du chiffre d’affaires d’Optim.aize en Dordogne. Il s’est associé à deux amis d’enfance pour reprendre une société de 12 bobiniers créée il y a 50 ans (Ase-Serem), spécialisée dans les services de maintenance industrielle, réparation et bobinage de moteur électrique tout en créant une start-up industrielle sur des produits et des solutions numériques industrielles sur mesure d’aide à la décision. « Le cédant nous a choisis pour cette double approche, cette vue sur 25 ans », explique Sébastien Roche. De quoi consolider les clients historiques de la société, notamment avec les outils d’analyse vibratoire. « Nous avons recruté 15 personnes en deux ans. » Le parc industriel vieillissant est le terrain d’exploration de la société. « On peut prédire et prévenir la panne. Nos premiers clients sur ces innovations sont les clients historiques de la première société : acheter un marché nous a permis, en tant que start-uper, de dérisquer la création et le déploiement des projets, de créer des produits pour les vendre à des clients qui n’étaient pas des historiques. »

« Ce terme de start-up industrielle donne une dynamique positive, plus  encore en milieu rural »

RECONVERSIONS RÉUSSIES

Des moyens humains et des formations sont à intégrer à l’investissement stratégique France 2030. Sébastien Roche observe la possibilité d’alléger les processus industriels des tâches répétitives et pénibles que fuient les jeunes, et reçoit des reconversions à la data-science. « Des profils qu’on ne soupçonnait pas : un chercheur lassé du temps long qui a besoin de résultats concrets ; une data-analyste, informaticienne devenue vendeuse qui a repris ses études et fait un stage chez nous.»

Virginie Binvenu, Julien Roulland et Sébastien Roche start-up

Virginie Binvenu, Julien Roulland et Sébastien Roche © Loïc Mazalrey – La Vie économique

DES PÉPITES À TRANSMETTRE

Une PME est moins agile qu’une start-up et Virginie Binvenu, gérante de Sotech Technologies Services (Bergerac), est confrontée de façon plus aiguë à ces réalités. Reprenant cette chaudronnerie à haute technologie en 2018, elle et son mari l’ont propulsé de 38 à 87 salariés (8,26 millions d’euros de CA). « Nos métiers complexes sont peu automatisables, il faut 5 ans pour qu’un chaudronnier soit autonome. Nous travaillons pour l’aéronautique, le nucléaire, la défense, l’agroalimentaire et devons être innovants pour rendre ce secteur attractif », déclare la dirigeante. Développer aussi vite exige de structurer l’encadrement, les bureaux d’étude… « Un gros projet industriel est retardé pour des raisons géo-politiques : on a le terrain, on le réalisera avant 2030. C’est un cap à passer, une avancée sur le nucléaire tout en conservant les autres clients. » La licence pro Lean manufacturing mise en place à Bergerac (Cnam) correspond aux besoins et devrait aider d’autres PME.
Pour finir, un constat : l’urgence de s’intéresser aussi à un grand nombre de TPE difficiles à transmettre car la compétence repose sur le cédant. « L’accompagnement stratégique de la préservation de ces savoirs industriels est aussi important que la création. » ■