Couverture du journal du 17/09/2024 Le nouveau magazine

Casa93 : La mode au Mirail

Créée en 2017 en Seine-Saint-Denis, la formation gratuite aux métiers de la mode s’est implantée depuis un an à Toulouse, dans le quartier du Mirail, à l’est de la ville. Une première année riche en projets et en collaboration.

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Défilé des tenues à la Reynerie © Jean-Marc Haedrich

Sur le parvis de la place Abbal, en sortie du métro Reynerie, on est entouré par le gris du béton et par d’immenses barres, témoins de l’urbanisation des années 70. On entend au loin les cris des guetteurs de ce quartier du Grand Mirail, classé prioritaire, où le taux de chômage frôle avec les 40%. On ne s’attend pas à trouver, sur la dalle à l’étage, une école de mode. C’est pourtant là que la Casa93 a voulu s’installer. « C’était ma volonté » martèle Nadine Gonzalez. « J’ai d’abord lancé cette école dans les favelas du Brésil. » Elle y est restée 12 ans pour former prostituées et femmes sorties de prison. À son retour en France, en 2017, elle recrée la Casa en Seine-Saint-Denis avant d’ajouter une extension à Toulouse l’an passé.

Upcycling, le « surcyclage » des vêtements

L’école dure 1 an, elle est gratuite et destinée à des jeunes de 18 à 25 ans en décrochage scolaire et en difficulté financière. « Sur les 14 élèves de la promo toulousaine, 4 sont issus du Grand Mirail » détaille Anne Péchoux, la coordinatrice de l’antenne 31. « On a de jeunes avec des profils techniques qui savent coudre et dessiner, mais ce n’est pas obligatoire. Certains ont une très grande créativité, d’autres sont très doués en photo. On cherche des profils complémentaires pour imaginer, fabriquer et mettre en valeur nos créations. » La formation est basée sur le principe de l’upcycling. « C’est-à-dire qu’on fabrique des vêtements neufs avec des habits existants. On travaille avec des stocks d’invendus que nous donnent nos partenaires. On n’achète rien » précise Anne Péchoux.

On fabrique des vêtements neufs avec des habits existants

Vuitton, Hermès et Mugler

C’est ensuite la créativité qui fait le reste. D’une idée folle naissent bien souvent des vêtements qui dénotent dans un univers parfois très conformiste. C’est ce qui attire les grands noms de la mode. « À Paris, nous sommes partenaires avec Vuitton, Hermès, Balenciaga … À Toulouse, c’est la maison Mugler qui nous a demandé de revisiter leurs tenues iconiques », explique Anne Péchoux. Les idées des jeunes servent ensuite de base aux directeurs artistiques de ces marques qui sont libres de s’en inspirer.

D’autres partenaires vont plus loin et créent des collections éphémères avec la Casa. C’est le cas à Toulouse avec Laines Paysannes (dans l’Aude) et l’Atelier Tuffery (en Lozère). « En ce qui concerne la laine, c’est un projet de A à Z. On commence par la tonte des brebis jusqu’à la commercialisation des tenues », s’enthousiasme la coordinatrice de la Casa Mirail. « Pour Tuffery, on a développé une ligne maison avec des poufs en jean et des kimonos d’intérieur. » Chaque partenaire rémunère la Casa entre 10 et 15 000 euros pour une collection.

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La première promotion toulousaine avec les parrains Marithé et François Girbaud © Pierre Blum

En vitrine des Galeries Lafayette

Le principal partenaire de la Casa reste Les Galeries Lafayette. Depuis 5 ans, les Galeries soutiennent le projet par des dons de vêtements, des stages offerts aux élèves de l’école et des opérations comme l’arrondi en caisse. À Toulouse, cinq tenues ont été affichées en vitrine du magasin situé à deux pas du Capitole. Des looks inspirés de la collection créée de toute pièce par les 14 élèves. « C’est un exercice collectif qui n’est pas facile » détaille Anne Péchoux. « Ils ont dû se pencher tous ensemble sur la création de 25 pièces. Les égos peuvent parfois s’écharper ! » La collection, intitulée Mycélium, est le point d’orgue de la formation. Les tenues ont eu droit à un défilé au Château de la Reynerie début septembre en présence des parrains de la promo, les designers Marithé et François Girbaud. L’occasion de rapprocher le quartier et l’école et de redorer l’image du Mirail.

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Les élèves de la Casa93 Mirail au travail © Maxime Fayolle

À la recherche de partenaires privés

Alors que la deuxième promotion arrive le 12 octobre, la Casa Mirail recherche de nouveaux partenaires. « Sur 200 000 euros de budget, on estime que 75% proviennent des acteurs publics et 25% du privé. On aimerait passer à 50-50 » calcule Anne Péchoux. « On démarche toutes les entreprises, même si elles ne sont pas dans la mode. Elles peuvent accompagner un élève pour l’année, faire venir leurs salariés en immersion. On peut réfléchir à donner un coup de neuf aux uniformes de l’entreprise si elle en a ! On l’a fait avec des certains agents de la mairie par exemple. » Histoire de remplacer le gris par un nouveau monde tout en couleurs.