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Laulhère, le grand retour du béret

Laulhère, dernière fabrique historique de bérets en France, innove avec la commercialisation d’un béret gavroche et d’un bonnet. Un développement initié depuis Oloron-Sainte-Marie par Rosabelle Forzy, sa dirigeante, qui en près de dix ans a remis sur pied l’entreprise béarnaise et donné au béret une seconde jeunesse.

Rosabelle FORZY PDG de Laulhère

Rosabelle FORZY, PDG de Laulhère © Louis Piquemil - La Vie Economique

Jean Dujardin coiffé d’une casquette gavroche, Adriana Karembeu portant un béret : les images des deux ambassadeurs tricolores ainsi chapeautés pour la cérémonie d’ouverture de la Coupe du monde de rugby ont fait le tour du monde. Confectionnés par la maison béarnaise Laulhère, ces couvre-chefs, au regard des commentaires nombreux et variés à ce sujet, n’ont laissé que peu de monde indifférent. Le béret, symbole parmi les symboles de l’art de vivre à la française, n’a décidément de cesse de faire parler de lui : l’accessoire à l’image longtemps désuète est revenu sur le devant de la scène et de la mode, habitué des podiums et autres tapis rouges quand, il y a quelques années encore, personne n’aurait parié sur lui. Personne, exceptée Rosabelle Forzy, l’actuelle PDG de l’entreprise Laulhère qui, à son arrivée il y a un peu plus de dix ans, a sauvé de la faillite cette fabrique artisanale de bérets.

Un coup de cœur pour l’usine

En 2012, lorsqu’elle visite l’usine située rue Rocgrand à quelques mètres du cœur d’Oloron-Sainte-Marie, la dirigeante se rappelle avoir eu « un coup de cœur » pour le produit tout autant que pour le lieu. La jeune femme, alors âgée de 30 ans et à la recherche d’un challenge entrepreneurial, est sensible « au charme suranné » de cette vieille dame née en 1840, ici en Haut-Béarn. Alors nommée Béatex, l’entreprise est pourtant mal en point, du côté de ses locaux comme de ses finances : en liquidation judiciaire, elle vit son quatrième dépôt de bilan et l’avenir est loin d’être tout tracé pour un futur repreneur. Malgré l’évidente ampleur de la tâche, Rosabelle Forzy et les co-investisseurs de la holding toulousaine Cargo rachètent la société (qui redevient Laulhère, comme à sa création) et s’engagent à y injecter immédiatement 500 000 euros, pour commencer. 2014 signera ensuite l’acquisition d’un autre fabricant, Blancq-Olibet, situé à seulement 40 kilomètres de là, sur la plaine de Nay : les deux entités seront regroupées sur le site d’Oloron, permettant à l’époque à Laulhère de devenir le seul acteur sur le marché du béret de conception 100 % française.

De 20 à 58 salariés

Dès sa prise de responsabilités, Rosabelle Forzy, jusqu’ici responsable grands comptes dans le secteur de l’informatique, a la lourde charge de remettre le site de production à flots. « Les machines n’avaient jamais été changées. Il fallait avant toute chose les remplacer », resitue-t-elle. S’ensuivent des investissements, conséquents, qui se sont répétés jusqu’au dernier en date il y a deux ans, à hauteur de 1,3 million d’euros pour moderniser une partie des ateliers et ainsi améliorer le confort de ses salariés. Encore aujourd’hui, Rosabelle Forzy fait de l’environnement de travail de ces derniers sa priorité. « C’est au centre de mes préoccupations », précise-t-elle. « Je n’ai pas d’objectifs de croissance obligatoire, l’entreprise a atteint une bonne taille : je veux me concentrer sur le bien-être de mes employés. Nous sommes là pour fabriquer des bérets et le faire dans de bonnes conditions.

Je n’ai pas d’objectifs de croissance obligatoire… je veux me concentrer sur le bien-être de mes employés.

Une excellence retrouvée

Pour la PDG, leur porter cette attention est une évidence mais également la garantie d’une qualité toujours optimale des produits fabriqués ici, grâce notamment à un savoir-faire transmis depuis toutes ces années. Une excellence retrouvée souhaitée par Rosabelle Forzy dès le départ de cette aventure : « Nous avons décidé de nous battre contre le « béret chinois » avec un produit non comparable, d’arrêter de tirer les prix vers le bas comme cela a pu être le cas et de nous recentrer sur la qualité. Nous avons beaucoup travaillé à revaloriser le produit ». Aujourd’hui, Laulhère a revu la liste de ses fournisseurs et de leurs produits, et s’est notamment rapprochée de certains labellisés Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV), comme l’est par ailleurs l’entreprise béarnaise elle-même.

Des bérets sur-mesure

Si pour Rosabelle Forzy, les bérets d’entrée de gamme restent « abordables » chez Laulhère (affichés à 49 euros) afin que les clients « historiques » ne soient pas lésés, cette dernière évoque la volonté assumée d’être allée « chercher une autre clientèle, davantage haut de gamme mais dans la simplicité ». En 2017, le béret Laulhère est propulsé dans les sphères de la haute-couture et les marques « grand public » s’en emparent, à l’instar de Jacadi, Agnès B ou encore Bonton. « C’était un de nos objectifs : se débarrasser de l’image has been que pouvait avoir le béret », remarque la dirigeante.

Nous voulions nous débarrasser de l’image has been que pouvait avoir le béret.

En proposant un produit qualitatif, modernisé et dépoussiéré mais également sur-mesure, l’entreprise béarnaise a su s’adapter à un marché toujours plus en demande de personnalisation. Du cuir, de la laine mérinos ou bien du cachemire, des strass, des paillettes, des écussons, des couleurs diverses… : le champ des possibles se décline à l’infini ou presque chez maison Laulhère et les clients parmi les plus exigeants ne s’y trompent pas. Ces derniers sont définitivement pourvoyeurs, en témoignent les deux nouveaux produits tout juste mis à la vente et qui, contre toute attente, ne sont pas des bérets.

Une casquette et un bonnet

« Il y a une vraie demande sur le marché des accessoires. Les gens veulent d’autres produits mais toujours de qualité avec une confection 100 % française », explique Rosabelle Forzy. Un béret gavroche, identique justement à celui porté par Jean Dujardin il y a quelques jours, et un bonnet sont ainsi nés après deux à trois ans de R&D menés en interne, notamment pour la casquette gavroche dont la conception s’avère complexe et donc coûteuse. « Nous avons travaillé sur un produit innovant afin de créer une casquette avec moins de piquages, que nous puissions proposer à 99 euros », souligne la dirigeante de la Maison Laulhère dont les nouveautés sont à la vente sur le site, en boutiques et chez les revendeurs depuis ce 20 septembre. Pour autant, si l’entreprise voit plus loin que le bout de son béret, ce dernier reste et restera son produit iconique et historique selon la jeune femme. Et lorsqu’il s’agit d’évoquer l’avenir de la PME béarnaise, Rosabelle Forzy résume : « Nous voulons avant toute chose continuer à faire du Laulhère. »

 

Laulhère : l’historique

1792 : Création de la Maison Laulhère à Oloron-Sainte-Marie par Pierre Laulhère, négociant en laine qui se lance dans la fabrication de bas en laine.

1838 : Lucien Laulhère, fils de Pierre Laulhère prend la tête de la Maison Laulhère.

1840 : Grâce au mariage entre Lucien Laulhère et Marie Tournaben, la Maison Laulhère se lance dans la confection de bérets. Elle bénéficie du savoir-faire de la Maison Tournaben qui confectionne des bérets depuis 1810.

1890/92 : Les ateliers sont installés sur un nouveau site, situé au bord du gave d’Oloron-Sainte-Marie. Depuis ce jour, les ateliers n’ont pas changé de localisation mais ont connu de nombreux aménagements et rénovations.

1975/83 : La Maison Laulhère met au point ses propres machines à tricoter des bérets. Cette étape marque le début d’une série d’innovation visant à reproduire les gestes ancestraux de la confection de bérets.

2012 : Rosabelle Forzy prend la tête de Laulhère.

Laulhère en chiffres

4,8 millions d’euros de chiffre d’affaires

350 000 bérets produits chaque année

45% des ventes à l’export dont le Japon, la Chine et les États-Unis

58 salariés

1 usine composée d’un atelier de confection, d’un atelier de tricot, d’un atelier de teinture (les fils des bérets étant teintés sur place) et d’un atelier d’ennoblissement

1 boutique à Paris 8ème et 5 boutiques franchisées à Saint-Jean-de-Luz, Bayonne, Nay, Lourdes et Paris 18ème

16 étapes de fabrication et 12 heures de travail cumulés pour la création d’un béret