Couverture du journal du 07/05/2024 Le nouveau magazine

Chants of Sennaar, le jeu toulousain qui cartonne

Développé par le studio toulousain Rundisc, le jeu vidéo Chants of Sennaar triomphe actuellement sur les plateformes de téléchargement. Ambiance Tour de Babel, énigmes pointues et musique choyée, le jeu valide les compétences de Toulouse en matière de jeu-vidéo, ville pourtant outsider dans le domaine.

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Le game design de Chants of Sennaar © Rundisc

Quelques minutes de jeu suffisent à se poser une question simple. « Mais qu’est ce que c’est que ce charabia ? » Dans Chants of Sennaar, le joueur va devoir se transformer en Champollion des temps modernes et tenter de déchiffrer des langues grâce aux signes essaimés un peu partout dans le jeu. L’objectif ? Ramener la compréhension et la paix entre tous les peuples à l’intérieur de cette Tour de Babel dans laquelle le personnage évolue.

Langues à déchiffrer

Développé par les Toulousains du studio Rundisc, Chants of Sennaar est donc un jeu de réflexion et d’aventure. « On s’est inspiré de l’architecture romane qui est très présente à Toulouse pour le premier niveau du jeu » détaille Julien Moya, le cofondateur du studio avec Thomas Panuel. La petite équipe toulousaine ne peut cependant pas rivaliser graphiquement avec les jeux les plus pointus. Là n’est d’ailleurs pas l’ambition. « On voulait une direction artistique originale pour se démarquer mais il fallait surtout que le concept et l’histoire soient innovants. » Sur le modèle du jeu Heaven’s Vault, Julien et Thomas transposent l’idée du déchiffrement d’une langue. « Mais ici, ce n’est pas une langue morte. Tous les langages sont totalement inventés par nos équipes. On a créé des peuples avec leur histoire, leur culture. Les langues en sont l’émanation et représentent la philosophie de ces peuples. » Bien évidemment, les langues inventées ne contiennent que quelques mots, une quarantaine environ. « Mais on a mis en place une grammaire, avec des structures de phrases, des syntaxes différentes. » Tout est fait pour que la difficulté soit croissante. Et si le premier objectif est de traduire ces signes inconnus en français, le joueur va vite comprendre qu’il doit faire office de de traducteur entre les différents peuples du jeu.

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Les signes visibles dans le jeu © Rundisc

Une coopération avec Focus

Disponible en téléchargement depuis début septembre, Chants of Sennaar déchaîne les passions. Sur la principale plateforme PC (Steam), le jeu atteint les 99% de recommandations positives. Avec 2 500 avis déposés sur la plateforme, le nombre de téléchargements
devrait avoisiner la dizaine de milliers. Un succès bien loin de Varion, le premier jeu lancé par les équipes de Rundisc en 2018. « C’est normal car nous n’avions aucun objectif à l’époque. Pour qu’un jeu indépendant fonctionne, il faut du marketing. Aujourd’hui, produire un bon jeu n’est pas synonyme de succès. C’est simplement un prérequis » détaille Julien Moya. C’est pourquoi les équipes de Rundisc se sont associées à la société d’édition Focus Entertainment et ses 132 millions d’euros de chiffres d’affaires en 2022.

« On s’est dit qu’on ne voulait plus travailler 3 ans sur un projet sans perspective commerciale » rembobine le créateur du jeu. « On a cherché un éditeur et Focus nous a proposé de co-produire le jeu à hauteur de 50%. » Si le budget reste secret, le coût de fabrication d’un tel jeu est évalué en dessous du million d’euros. « Et nous étions le plus petit budget de Focus » ajoute Julien Moya. La présence de l’éditeur permet néanmoins aux équipes de travailler plus sereinement et de financer un compositeur pour le design sonore du jeu. « On voulait travailler avec des instruments acoustiques, traditionnels, obtenir des sonorités type Moyen Orient … On est un jeu de réflexion donc la musique ne doit pas être forte mais accompagner le joueur pour souligner l’importance de certains événements. »

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L’objectif est de déchiffrer des langues inventées par les équipes du jeu © Rundisc

Pas de suite à prévoir

Si la sortie de Chants of Sennaar est récente, ses créateurs sont déjà dans l’après. « On mesurera son impact sur le temps long car aujourd’hui, les jeux ne restent plus 3 semaines à l’affiche comme dans le passé. Mais on planche déjà sur d’autres jeux. On aimerait un autre format d’aventure, de réflexion, sans forcément que ce soit une suite de Chants of Sennaar » développe Julien Moya.

L’avenir dépendra aussi de la volonté de Focus Entertainment de continuer à travailler aux côtés des Toulousains de Rundisc. La question de la croissance de l’entreprise se posera alors comme l’explique Julien Barbe, concepteur indépendant et président de l’association Toulouse Game Dev. « Un succès commercial peut faire venir de nouveaux talents à Toulouse si le studio envisage une suite plus ambitieuse. » De quoi mettre en avant Toulouse sur la carte des jeux vidéo ? La réponse n’est pas certaine pour deux raisons avance Julien Barbe. « D’abord, Chants of Sennaar n’est pas forcément estampillé toulousain. Rien ne le raccroche à la ville ou la région dans son gameplay ou son histoire. Ce n’est pas un jeu sur le Capitole, par exemple. Et puis, en Occitanie, la ville référence du jeu vidéo reste Montpellier grâce à la présence d’Ubisoft. » Néanmoins, l’écosystème toulousain du jeu reste dynamique malgré l’absence de mastodonte. « Toulouse se structure autour de petits studios ou d’indépendants très performants. » Le précédent succès en 2021 du jeu The Planet Crafter, produit par les Toulousains de Miju Games, en est l’illustration.