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Entretien avec Guillaume Lepers, de Gifi à la mairie de Villeneuve-sur-Lot

Le nouveau maire de Villeneuve-sur-Lot et président de la Communauté d’Agglomération du Grand Villeneuvois assume son parcours chez le géant de la distribution non-alimentaire et veut incarner le rôle d’élu bâtisseur pour son territoire.

Guillaume Lepers, maire Villeneuve-sur-Lot

Guillaume Lepers, maire Villeneuve-sur-Lot © Julien Domecq

La Vie Economique : Pourriez-vous nous expliquer votre parcours professionnel avant votre élection ?

Guillaume Lepers : « J’ai postulé chez Gifi par hasard en 2001. Ils cherchaient des directeurs de magasins. Je me suis dit que j’allais y travailler quelques mois pour me faire une expérience avant de continuer mes études et j’ai été piqué Gifi ! Je suis rentré le jeudi et le samedi j’étais déjà dans un magasin en formation. Ensuite, j’ai progressé tous les 3 ans : directeur de magasin, chef de secteur, directeur régional, responsable des approvisionnements, puis merchandising puis directeur des achats saisonniers et enfin directeur de tous les achats de Gifi sur proposition de Philippe Ginestet et de son fils Alexandre. C’était un moment fort car je rentrais au comité de direction de l’entreprise. Ils m’ont fait grandir et appris énormément de choses. »

LVE : Comment avez-vous réussi à gérer en parallèle votre carrière professionnelle et votre engagement politique ?

G. L. : « J’ai commencé en tant que conseiller départemental. C’était dur de concilier les 2 mais pas forcément physiquement car chez Gifi j’ai toujours été habitué à beaucoup travailler. C’est psychologiquement que ce fut dur : c’était un tiraillement permanent entre un métier qui me passionne, une entreprise que j’affectionne, des équipes formidables et de l’autre côté une autre passion : la politique, construire pour les autres, construire l’avenir. J’ai eu cette dualité dans la tête pendant des années car au fond on est obligé de choisir. Quand on est fonctionnaire ou retraité, c’est plus simple de s’engager en politique. Dans le privé, tu ne peux pas être à ton poste à 50 % et c’est normal.

J’ai eu un choix, très dur, à faire : à 40 ans j’ai décidé d’arrêter une ascension professionnelle de 20 ans au sein d’une société qui continue de se développer, en France et à l’international. Je savais que je n’étais pas au bout de ce que Philippe et Alexandre Ginestet voulaient de moi. J’ai passé des nuits à me poser des questions entre la fidélité à une entreprise qui m’a fait confiance et m’a tant apporté et une élection où je n’étais clairement pas le favori. Il faut y croire ! C’est une décision prise en famille avec ma femme et mes 2 enfants, qui sont mes premiers supporteurs. »

LVE : Quelles sont vos relations aujourd’hui avec le groupe Gifi ?

G.L. : « Je suis en congé de l’entreprise, je n’ai plus de salaire et je ne fais plus partie des effectifs. Dès que je suis arrivé à la mairie et à l’agglomération, j’ai pris des arrêtés municipaux et intercommunaux : je ne participe à aucune réunion où le groupe Gifi est concerné. J’ai pris énormément de précaution après une campagne où j’ai tout entendu sur mon travail chez Gifi. Mais je suis fier de mon parcours dans cette entreprise et mes rapports sont évidemment toujours bons avec la famille Ginestet, même s’ils ont changé. Avant c’étaient des rapports d’autorité, maintenant ce sont les rapports d’un maire avec le premier employeur du territoire. » (900 salariés NDLR)

Villeneuve-sur-lot, Guillaume Lepers

Villeneuve-sur-lot © Shutterstock

LVE : Venant d’une grande entreprise, qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans l’action publique ?

G. L. : « En fait, j’ai trouvé beaucoup de similitudes. J’ai été très agréablement surpris par la qualité et le professionnalisme des agents. Il y a 450 agents à la ville et autant à l ’agglomération qui accompagnent les habitants de la vie à la mort au quotidien. Je croyais que le management dans le privé était plus dur que dans le public alors que ce n’est pas forcément le cas. On a vraiment remis les choses à plat au niveau RH. Les métiers de la fonction publique territoriale sont hyper valorisants, ce sont les plus beaux métiers du monde ! J’ai envie de redonner cette fierté du maillot villeneuvois. Ce qui est plus compliqué pour moi qui aime que les dossiers avancent, c’est évidemment la lourdeur administrative et la longueur du système décisionnel. »

LVE : Quelle est la situation du commerce et de l’industrie villeneuvois ?

G. L. : « La situation commerciale en centre-ville est compliquée, on ne va pas se leurrer. C’est un combat de tous les jours : au-delà de la propreté et de la sécurité sur lesquelles on travaille, il faut attirer des nouveaux commerces, aider les commerces existants, accompagner et animer le centre-ville. Et pour cela le Covid ne doit pas être une excuse. Villeneuve est la ville aux 1 000 pépites. L’image et le marketing territorial sont importants pour attirer des habitants et des entreprises. C’est pour cela qu’on a mis en avant la beauté de Villeneuve, magnifique bastide du Sud-Ouest en bord du Lot. On peut remporter le pari de l’attractivité du centre-ville, j’en suis convaincu.

Sur la partie industrielle, les voyants sont au vert et il y a une belle dynamique. Tous les mois, je visite des entreprises pour être à l’écoute et entendre leurs besoins. Et là clairement, ça rassure les chefs d’entreprises d’avoir un maire issu du milieu entrepreneurial qui comprend leurs attentes. Il y a de belles entreprises sur le territoire, et pas que Gifi : Deuerer (alimentation animale qui va pas- ser de 200 à 400 salariés), Sofrilog (plateforme Picard du Sud-Ouest) et le transporteur frigorifique STFV notamment. »

À 40 ans, j’ai arrêté une ascension professionnelle de 20 ans chez Gifi pour une autre passion : la politique, construire pour les autres

LVE : Qu’avez-vous mis en place concrètement pour soutenir l’économie du territoire ?

G.L. : « D’abord, j’ai réuni le Club Entreprendre avec toutes les entreprises pour leur expliquer ce que je voulais faire, ma vision. Je ne veux pas être un élu coupeur de rubans, je veux être un élu bâtisseur. Je veux savoir quels besoins ils ont à 5 ou 10 ans pour se projeter dans les zones où il faut réserver du foncier, dont on commence à manquer. J’ai aussi fait de la formation un cheval de bataille. J’ai monté un campus connecté à Villeneuve, on s’est moqué de moi au début, on a eu 100 étudiants la 1re année avec 6 BTS et on en aura peut-être 200 ou 300 dans les années à venir. Trop de jeunes Villeneuvois n’accédaient pas à la formation à cause de problèmes de mobilité. Il y a un besoin et ce besoin on l’a identifié en étant sur le terrain. »

On peut remporter le pari de l’attractivité du centre-ville, j’en suis convaincu

LVE : Où en est-on des grands dossiers d’infrastructures pour désenclaver Villeneuve-sur-Lot : le doublement de la RN 21 et le pont de Camélat avec la gare LGV en Agenais ?

G.L. : « Comme je le rappelle souvent, et je l’ai même dit à Jean Castex : Villeneuve-sur-Lot est peut-être la seule sous-préfecture de France à ne pas avoir de train, ni d’avion, ni d’autoroute, ni de route nationale correcte. Mais je suis plutôt optimiste. Depuis 30 ans, Villeneuve et Agen s’opposent. J’ai changé cette stratégie-là. Les travaux avancent bien sur la section Monbalen-La Croix-Blanche de la RN 21 et les études avec les crédits sont bien avancés pour Artigues. Je soutiens également Agen et Jean Dionis pour le pont de Camélat car désenclaver Villeneuve ce n’est pas seulement avoir la RN 21 à 4 voies, c’est aussi l’accès à l’autoroute. Venant du monde de l’entreprise, je sais que les sorties d’autoroute sont capitales pour la vitalité d’un territoire. En soutenant Camélat, les habitants villeneuvois et nos entreprises se rapprochent de l’autoroute et de la LGV.

Villeneuve et Agen ensemble sont plus forts sur ces dossiers. Sur la LGV, en tant que président de l’Agglomération, j’ai besoin que l’accès au train soit le plus proche possible. On a 10 ans pour réfléchir au meilleur moyen pour rejoindre la future gare LGV via le pont de Camélat. En parallèle, j’ai engagé une réflexion sur le fret indispensable pour nos entreprises. Je ne sais pas si ça se fera mais un transport propre pour le fret serait un véritable atout pour Villeneuve et je ne l’exclus pas. »

Je ne participe à aucune réunion où le groupe Gifi est concerné

LVE : Quels sont vos autres projets à venir ?

G. L. : « Je souhaite faire de Villeneuve-sur-Lot et de notre bassin de vie une destination touristique. On a fait un appel à projets pour l’aménagement de la base de loisirs de Rogé, on a relancé les animations Cœur de ville autour du Lot et de la Cale. L’agriculture est aussi importante à Villeneuve qui est la plus grande bastide du Sud-Ouest : Villeneuve c’est 8 fois Agen en superficie, 2 fois Bordeaux et 3 fois Lille. On a une ville urbaine et rurale à la fois. L’agriculture est donc une branche importante de notre économie. On a d’ailleurs gagné un prix national pour notre plan alimentaire territorial qui vise à favoriser les circuits courts et à proposer des produits locaux dans nos cantines. Du côté numérique, une application dédiée à notre ville a également été conçue avec tous les commerces et services de la ville. De manière générale, j’ai envie de développer à Villeneuve-sur-Lot le service public de demain avec une mairie moderne et humaine à la fois. »

Guillaume Lepers, maire Villeneuve-sur-Lot

Guillaume Lepers, maire Villeneuve-sur-Lot © Julien Domecq

GUILLAUME LEPERS, BIO EXPRESS :

Né le 21 décembre 1978 à Besançon.

2001 : Il entre chez Gifi après un DUT de gestion

2015 : Élu conseiller départemental du canton de Villeneuve-sur-Lot 1

2020 : Élu maire de Villeneuve-sur-Lot, et du même coup, président de la Communauté d’Agglomération du Grand Villeneuvois rassemblant 19 communes et 48 000 habitants.

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