Tout a commencé presque par hasard : Didier Bois annonce à Stéphane Calassou avoir juste cédé son activité. « Dommage, ça aurait pu m’intéresser », répond-il. Quelques jours après, son ami le recontacte car la vente ne s’est pas faite. Celui qui est encore codirigeant de Sendo, spécialiste du colis isotherme, saisit l’opportunité et arrive en tant que salarié en avril 2020, en pleine crise sanitaire, pour remplacer un chef d’équipe tragiquement disparu. Il passe par tous les postes : préparation de commande, livraisons, coupe…, tout en finalisant son dossier de reprise, conclue en novembre. « J’ai eu la chance de trouver un associé sans avoir recours aux banques. » Michel Bosmans, propriétaire de six pâtisseries industrielles, est tout comme lui un ancien de Gelpat, entreprise locale qu’ils avaient essayé de reprendre en 2012. Dix ans plus tard, ils se retrouvent pour From’Terroir, dont Stéphane Calassou a repris la totalité des parts début 2023. « J’ai hérité du bon positionnement de l’entreprise et je veux continuer à travailler sur ce créneau de clientèle », affirme-t-il.
Un super plateau de 360 références
En amont dans la chaîne de d’approvisionnement, en contact direct avec les producteurs, souvent des fermiers, il aime se définir comme dénicheur de fromages et se laisse guider par la curiosité avec un maître-mot : « le lait cru, pour 95 % de ce que nous vendons. Je cesse parfois de travailler avec certains parce qu’ils passent en pasteurisé ». Les normes et les services vétérinaires veillent sur ce parti pris. L’entreprise gère l’équilibre entre la demande et la relative pénurie de produits. « Certains petits producteurs n’iront jamais au-delà de leur apport actuel. L’un d’eux couronné de médailles aux concours suscite l’intérêt sans vouloir augmenter son troupeau de 35 vaches. »
Une palette de goûts complexes
Le lait cru offre une palette de goûts complexes, des affinages gustativement intéressants et des conservations poussées, dans une approche très traditionnelle. « Didier est resté un an à mes côtés, j’ai tout appris avec lui. Je suis allé voir les producteurs, ce que mangent leurs animaux, j’ai dormi dans les estives… ça se mérite parfois ! », sourit celui qui a pris goût à cette aventure gourmande et entrepreneuriale, au contact de plus de 80 fournisseurs, fermiers et fromageries, basés en France, Suisse, Italie, Espagne, Portugal, et Grande-Bretagne. Le bouche à oreille et la présence sur les salons permettent de trouver les pépites qui s’ajoutent à l’écrin parfumé d’Augignac, fort de trois chambres froides à divers degrés. L’entreprise distribue son super plateau de fromages en France et en Europe. « Nous en proposons 360 sortes », quasi un pour chaque jour de l’année. « On ne trouve certains fromages que chez nous, fabriqués à notre demande. » Un seul producteur périgourdin, de chèvre, figure à sa carte. Ainsi est née la Figuettine, mise au point en interne et réalisée par Le Chêne Vert voisin.
« Tous les amoureux de lait cru savent qu’il s’agit d’un produit vivant et pas d’un boulon de 8, il peut y avoir une variation du taux de matière grasse ou de protéine. »
20 % du chiffre hors de France
Son fromage le plus cher ? Un bleu de chèvre italien (La Voie lactée, Bergame) au lait cru recouvert d’une purée de fruits rouge et pétales de roses (60 euros le kilo chez les crémiers) ; From’Terroir en est le diffuseur exclusif en France. Celui qui se vend le mieux ? Le comté, comme partout, « mais de garde, entre 12 et 43 mois ». Une trentaine de ses fromages sont passés en bio, « mais ce n’est pas une attente prioritaire ». Le réseau de crémiers-fromagers constitue le socle de clientèle de From’Terroir, qui fournit aussi quelques références de vin et de confitures, compagnons privilégiés du produit. « Les restaurateurs passent par nos clients, qui sont des professionnels exigeants. L’un d’eux, affineur et MOF, en sélectionne pour Pierre Gagnaire et d’autres étoilés, et pour l’Élysée. » Une tournée de livraison en direct dessert la façade atlantique, s’ajoutant à deux départs quotidiens de palettes. Les clients se trouvent partout en France, en Allemagne, Suisse, Italie et Espagne. « J’ai développé la vente à l’international, qui atteint 20 % du chiffre. » From’Terroir expose depuis 24 ans au salon international Cheese Slow food, à Bra, dans le Piémont, qui défend le lait cru.
From’Terroir expose depuis 24 ans au salon international Cheese Slow food, à Bra, dans le Piémont, qui défend le lait cru
Hausse des prix
Les fêtes de fin d’année portent le meilleur sur les tables d’ici et d’ailleurs : « je fais deux mois de chiffre d’affaires en un », dit-il, mais avec l’inflation, le consommateur a baissé d’un cran le niveau de gamme : « on n’est pas un produit de première nécessité, le prix du kilo dépasse souvent celui de la viande… » Avec la crise, From’Terroir a dû répercuter des hausses qui ont un peu freiné son élan, après la propulsion des années Covid. « On a fait +20 % entre 2020 et 2021 alors que l’évolution habituelle est de 5 % par an. » Désormais, avec autant de positions d’expédition, le volume a baissé de 10 %, avec pourtant de nouveaux clients. Dans ce petit milieu, la concurrence est faite de grossistes basés à Rungis, « il n’y a pratiquement pas de structure comme la nôtre, perdue dans un coin de campagne ». Surtout en réalisant 3 millions d’euros de chiffre d’affaires avec 7 salariés, et estimée « au maximum de la cote Banque de France ».
Trois Périgourdins au salon du fromage à Paris
Parmi 300 exposants, dont 18 de Nouvelle-Aquitaine, au salon professionnel du fromage et des produits laitiers, biennale généraliste qui se tiendra en parallèle du Salon international de l’agriculture du 25 au 27 février, porte de Versailles, et rassemblera 8 000 professionnels du monde entier (crémiers-fromagers, affineurs, négociants, restaurateurs), From’Terroir compte parmi les trois entreprises périgourdines attendues avec Chêne vert (fromages de chèvre aromatisés) et Marc Peyrey (préparations culinaires à base de fruits).
En avant la musique
Stéphane Calassou, lui-même saxophoniste et passionné de jazz, a conservé le concept des soirées musicales proposées par son prédécesseur. Tous les deux mois sauf l’été, le village voit le public converger vers l’entrepôt pour des séquences de dégustation-concert. Les 100 places assises de la mezzanine qui domine la scène sont vite réservées, comme début février, pour la chanteuse américaine Robyn Bennett.