Couverture du journal du 07/05/2024 Le nouveau magazine

Fungus Sapiens dévoile ses produits

L’entreprise qui produit du cuir grâce au mycélium de champignon vient de lancer un crowdfunding en ce début d’année 2024. Pochettes, étuis de lunettes, bracelets de montre ou chaussures, les premiers produits sont à la vente avant de plus gros contrats attendus cette année.

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© Fungus Sapiens

Pour comprendre, il faut toucher. Fermer les yeux et s’immerger dans la sensation. « Sentez, on peut fabriquer toute sorte de matière avec le mycélium » souffle Mariana Dominguez Penalva, la fondatrice de Fungus Sapiens. « Au toucher, cette pièce est plus fine et ressemble à du latex. Celle-ci est plus épaisse et douce, on dirait vraiment du cuir. » L’odeur, en revanche, ne trompe. Ce n’est pas celle du cuir mais plutôt les sous-bois que l’on hume. L’entreprise a déjà accumulé plus de 10 000 souches.

7 ans de recherche

Il a fallu 7 années de recherche pour comprendre comment passer du champignon à cette matière que sa fondatrice se refuse à appeler cuir. « Le cuir provient d’un animal, et légalement on ne peut pas utiliser l’appellation. Ce n’est pas non plus un cuir végétal car il y a du polyuréthane dans ces matières. J’appelle ma production du Mælium pour parler de ce cuir de champignon 100% naturel. »

Pour l’obtenir, il faut d’abord récolter le champignon puis le mettre en culture. Rapidement, le mycélium pousse comme une moisissure blanche. On le fait ensuite sécher puis on le colore. « L’avantage par rapport au cuir qui est très difficile à teindre, c’est que le Mælium consomme très peu de pigments. » Sans compter les économies en eau et en matières plastiques utilisées dans les cuirs synthétiques.

On a travaillé pendant 1 an avec Airbus pour des appuie-têtes de l’avion du futur

Des possibilités infinies

Outre l’aspect vestimentaire, Mariana Dominguez Penalva s’est rendu compte des possibilités quasi infinies du Mælium. « On peut le cultiver autour d’une matière. Par exemple, autour d’écorces de tournesol, le mycélium va pousser à l’intérieur des fibres et tout solidifier. Finalement, ça donne un polystyrène naturel qui ne pollue pas et qui est totalement biodégradable. » Au plan alimentaire également, l’entreprise développe des produits qui intéressent en très haut lieu. « Le centre national d’études spatiales (CNES) m’a contacté pour se renseigner sur cette matière qui pourrait servir lors de vols habités. Cela pourrait être utile pour coloniser la Lune ou pour un voyage vers Mars. »

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Mariana Dominguez Penalva la fondatrice de Fungus Sapiens © Fungus Sapiens

Airbus s’est également intéressé au Mælium pour son avion du futur. « On a travaillé pendant un an pour leur fabriquer une matière très résistante qui servirait pour les accoudoirs et les appuie-têtes d’un avion. » L’aéronautique, à la recherche de la neutralité carbone, pourrait donc passer à la vitesse supérieure. « L’année prochaine, on devrait accélérer sur la phase de test » espère la fondatrice.

Crowdfunding démarré

En attendant de signer des contrats d’importance, Mariana Dominguez Penalva a décidé de lancer un crowdfunding sur la plateforme Kiss Kiss Bank Bank. Plusieurs produits sont proposés comme des étuis de lunettes, des pochettes ou encore des chaussures. « Cela va me permettre d’avoir un premier retour utilisateur » explique la fondatrice de Fungus Sapiens. La question de la durabilité est au cœur des préoccupations. « Les gens se demandent si ça tient autant que du cuir naturel. J’ai des échantillons qui ont 5 ans et qui ne sont pas déchirés. » Surtout que, comme le vrai cuir, le Mælium s’entretient.

L’autre objectif du crowdfunding est de voir où l’intérêt des consommateurs se porte. « Une artisane toulousaine va produire tout une série d’objets que l’on commercialisera ensuite sur Internet. L’objectif à terme est de faire du B to B mais ça prend du temps donc on va commencer par du B to C pour montrer notre savoir-faire et nous améliorer. »

Nous avons reçu une aide de 150 000€ de la région en 2021 et depuis nous cherchons des investisseurs

Garder la philosophie

Au plan financier, les premières ventes vont aussi permettre de réaliser du chiffre d’affaires. « Nous avons reçu une aide de la région de 150 000€ en 2021 pour nous équiper et depuis, on cherche des investisseurs. » Une recherche difficile, même si Mariana Dominguez Penalva a longtemps discuté avec des partenaires financiers. « Le risque c’est qu’on me dicte la façon de faire. Je ne veux pas être éjectée de mon projet sur lequel j’ai passé 7 ans de recherche. Je n’ai pas envie que des investisseurs changent le produit, pour y ajouter du plastique par exemple. J’ai ma philosophie et je ne vends pas mon âme au diable ! »

Pour produire en grande quantité, une levée de fonds sera nécessaire. La fondatrice envisage de rémunérer ses futurs investisseurs par des royalties, sans perdre le contrôle de l’entreprise. Les discussions sont également en cours pour trouver un local, alors que la petite entreprise est située aujourd’hui à Mourvilles-Hautes, à 60km de Toulouse. Deux lieux sont étudiés : dans la zone d’activités Portes du Tarn (Saint-Sulpice-la-Pointe) ou bien en Ariège.