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Piscines à vagues : Rêves chlorés et note salée

Après l’échec de projets à Saint-Jean-de-Luz et Castets, les plans d’une nouvelle piscine à vagues à Canéjan (33) avec la technologie de la société basque espagnole Wavegarden, sont encore contestés. Opposition citoyenne, maintenance des installations, qualité de l’eau, modèle économique… Les défis sont peut-être trop nombreux pour un investissement de cette envergure dans le Sud-Ouest.

piscine

© Wavegarden

C’est au sud de Bordeaux, sur une friche industrielle de 3,6 hectares lui appartenant, que l’entrepreneur Philippe Algayon compte faire construire deux immenses bassins à vagues en espérant accueillir jusqu’à 300 surfeurs par jour. Accordé par la Mairie de Canéjan en février 2023, son permis de construire a ensuite fait l’objet d’un recours déposé auprès du tribunal administratif de Bordeaux par le collectif « Canéjan en Transition » auquel les avocats de l’entrepreneur bordelais ont répondu en novembre dernier. Avant la fin de ce mois de janvier, le collectif d’associations citoyennes ripostera par un « mémoire en réplique » adressé au tribunal administratif de Bordeaux.

Des centaines de vagues à l’heure

Le surf park de Canéjan prévoit d’utiliser la technologie « Cove » de la société basque espagnole Wavegarden en service dans six piscines à vagues dans le monde. Commercialisé de 10 à 13 millions d’euros, ce système génère plusieurs centaines de vagues par heure via un puissant battement de l’eau opéré par un ensemble de 46, 52 ou 56 machines indépendantes pour des bassins de 100 ou 160 mètres de long. Lancée en 2016, la technologie « Cove » permet de programmer des vagues de différentes tailles et d’accueillir ainsi un large public de surfeurs. Cette technologie fait de Wavegarden l’un des leaders d’un marché partagé par 4 principaux constructeurs de machines à vagues.

Lancée en 2016, la technologie « Cove » fait de Wavegarden l’un des leaders d’un marché partagé par 4 principaux constructeurs de machines à vague

Plébiscitée par les surfeurs

Selon Céline Rouillard, membre de l’équipe de France de parasurf récemment en stage au Wavegarden de Suisse, les piscines à vagues permettent des progrès considérables. L’expérience ravit quasiment tous les surfeurs. Mais le tarif moyen de 50 euros de l’heure des Wavegarden en activité pourrait freiner la fréquentation de ces piscines à vagues sur le moyen terme. Il faut bien sûr rentabiliser l’investissement car avec la construction du bassin, le système de filtration d’eau et les machines à vagues, le coût d’un surf park peut monter jusqu’à 30 millions d’euros hors foncier et hors installations annexes selon Baptiste Caulonque.

Surf park et activités commerciales

Ancien directeur marketing et commercial de la société canadienne Endless Surf, concurrente directe de Wavegarden, ce natif de la Côte basque est un expert de ce marché comptant déjà une bonne quinzaine de piscines à vagues dans le monde. Avec une technologie utilisant de l’air comprimé, la société Endless Surf devrait équiper sept bassins actuellement en construction. « Aujourd’hui, tous les projets s’insèrent dans un projet immobilier global. Le business model d’un surf park est similaire à celui d’une station de ski mais à une échelle plus modeste », assure Baptiste Caulonque. Autour des piscines à vagues en activité en Australie, Brésil, Japon, États-Unis, Grande-Bretagne, on trouve des bars, restaurants, boutiques, hôtels…

Hors foncier et hors installations annexes le coût d’un surf park peut monter jusqu’à 30 millions d’euros

Résilience et fragilité du bassin

D’un coût de 8 à 10 millions d’euros, un bassin est réalisé selon les plans des constructeurs de machines à vagues car sa configuration est capitale pour la propagation de la houle. Encaissant 3 à 4 millions de vagues par an, un bassin doit être résilient. Ouverte en avril 2021 en Suisse, la piscine à vagues « Alaïa Bay » à la technologie Wavegarden subit des décollements récurrents du revêtement de son bassin entraînant des fermetures épisodiques pour réparations. En France, le projet de la piscine à vagues de Sevran en région parisienne a été officiellement abandonné pour des raisons environnementales mais il se murmure que la construction d’un bassin pharaonique avait découragé bien des spécialistes du béton.

Eau précieuse et volatile

Mais c’est essentiellement la question environnementale qui a condamné les projets de piscine à vagues dans le Sud-Ouest. Aberration écologique pour les défenseurs de l’environnement, le surf park de Canéjan d’un volume de 20 000 m3 d’eau (soit 8 piscines olympiques) consommera de 147 000 à 280 000 m3 d’eau par an selon ses détracteurs car l’eau s’évapore avec l’écume des vagues. Autre question relative à l’eau avec le classement « activité nautique » accordé par l’Agence régionale de santé au projet alors qu’un classement « baignade artificielle » demandé par la fédération française de surf serait beaucoup plus contraignant en termes de qualité d’eau. Et comme quelques parlementaires de Gironde commencent à questionner la véracité du projet, ce n’est pas gagné pour les rêves chlorés du surf park de Canéjan.