La Vie Economique : Vous êtes entré en fonction au mois de janvier 2024, qu’est-ce qui a motivé votre envie de diriger le Geipan (Groupe d’Étude et d’Information sur les Phénomènes Aérospatiaux Non identifiés) ?
Frédéric Courtade : « La possibilité d’échanger avec le grand public m’a toujours intéressé. C’est l’un des rares services au Centre National d’Études Spatiales (CNES) directement en prise avec le citoyen. Historiquement, certains se demandaient pourquoi on étudiait les OVNIS ici. Je trouve que c’est une mission importante du CNES. Paradoxalement, la question des phénomènes aérospatiaux non identifiés (PAN) en elle-même n’a pas été centrale dans mon envie d’intégrer le Geipan. Je ne pense pas être l’élu qui découvrira les extraterrestres. Mais aujourd’hui, j’estime que notre rôle est d’informer, de démystifier, d’apporter des réponses en toute transparence. »
LVE : Vous ne croyez donc pas à l’hypothèse extraterrestre ?
F. C. : « Je suis entré au CNES en 1992, j’ai travaillé sur la planétologie, l’exobiologie, la recherche de la vie dans le système solaire. Pour l’instant, nous n’avons rien trouvé. Ça ne veut pas dire qu’il n’existe pas de vie en dehors. Mais comment ces extraterrestres parviendraient-ils à venir jusqu’à notre petit coin de Voie Lactée ? On peut tout imaginer avec des technologies qu’on ne connaît pas, mais cela me semble peu probable à ce jour. »
LVE : Pourtant 3 % des cas qui ont été soumis au Geipan sont inexplicables.
F. C. : « En effet, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas une explication in fine. Cela signifie seulement que, malgré les données dont on dispose, le travail de nos enquêteurs, des réunions d’experts, on ne sait pas ce dont il s’agit. Il arrive qu’on passe plusieurs années sur un cas avant de le classer dans la catégorie D, celle des inexplicables. Aujourd’hui, on en compte une centaine sur les 3 000 qu’on a étudiés. »
« Aujourd’hui, on compte une centaine de cas inexplicables sur les 3 000 qu’on a étudiés »
LVE : Pour le reste, vous trouvez une réponse à chaque fois ?
F. C. : « Dans 60 % des cas, on identifie de façon certaine ou probable la cause du phénomène observé. Bien souvent, il s’agit d’un avion, d’un astre, d’un ballon… Ce sont des personnes qui ont aperçu quelque chose dont ils ignoraient la provenance. Pas tout le monde ne croit à l’hypothèse extraterrestre. Certains sont justes inquiets, sidérés ou curieux. Dans 30 % des cas, on estime ne pas avoir assez d’informations pour trancher définitivement. Mais il arrive parfois qu’on rouvre des cas si de nouvelles données nous parviennent. »
LVE : Sur quelles données vous basez-vous pour enquêter sur les PAN ?
F. C. : « Nous avons des partenariats privilégiés avec plusieurs acteurs comme l’armée de l’air et de l’espace, Météo France ou encore la Direction générale de l’aviation civile (DGAC). On peut ainsi obtenir des détails très précis sur le trafic des avions, le sens des vents, la pression atmosphérique… toutes ces données permettent de formuler des hypothèses. »
LVE : Combien de cas sont investigués chaque année ?
F. C. : « Nous recevons environ 700 demandes par an. Les gens doivent remplir un questionnaire assez détaillé sur ce qu’ils ont vu, cela limite aussi les possibilités de canular qui représentent moins de 1 %. Sur ces 700 cas, environ 600 trouvent une réponse assez rapidement. Environ une centaine donne lieu à une enquête poussée de nos services. Nous avons un enquêteur à temps plein à Toulouse et 17 bénévoles à travers la France qui cherchent, se rendent sur place au besoin pour vérifier les témoignages et les hypothèses. »
« Comment ces extraterrestres parviendraient-ils à venir jusqu’à notre petit coin de Voie Lactée ? »
LVE : Comment vérifiez-vous les témoignages ?
F. C. : « On essaie de démêler le vrai du faux. Des psychologues cognitifs nous aident pour savoir si la personne s’appuie véritablement sur des faits ou bien si elle en invente une partie. Nous avons un logiciel pour authentifier ces supports. Cela permet d’éviter la tromperie. Notre but est la transparence et d’éviter les fantasmes. »
LVE : Les États-Unis ont désormais la même approche que vous concernant les PAN, cette volonté de rendre les choses publiques.
F. C. : « Historiquement, les Américains étudient les OVNIS depuis des décennies. Mais ce sont les militaires qui sont aux manettes avec une volonté de discrétion pour des raisons de sécurité intérieure. Cela a créé un imaginaire collectif autour des OVNIS, et s’est propagé l’idée qu’on nous cacherait des choses. Aujourd’hui, la NASA veut dégonfler certaines rumeurs autour de ces phénomènes. Il y a quelques mois, nous avons présenté le fonctionnement du Geipan à la NASA et nous attendons désormais qu’ils reviennent vers nous pour collaborer ensemble sur ces questions. »