8 août 2022. Casque sur la tête, Rémi Béchadergue, 33 ans, s’aligne au départ de la course de côte du Mont-Dore, dans le Puy-de-Dôme, au volant de sa Formula Master. Le pilote bergeracois, qui compte parmi les meilleurs du championnat de France de la montagne, n’a qu’un objectif en tête : améliorer son chrono. La veille, son bolide a terminé à la 13e place de la première manche.
Sortie de route
Est-ce à cause des conditions météo ? De la pression ? Après un départ de course canon, Rémi Béchadergue fait une sortie de route. La voiture est en miettes et son corps, bientôt couvert de bleus. Quelques semaines plus tard, alors qu’est venu le moment de réparer la Formula Master, le prodige de la course de côte déchante : les pièces dont il aurait besoin pour remettre sa voiture en état de marche sont introuvables, aussi bien en France que dans le reste de l’Europe. « Je suis allé jusqu’en Italie en espérant y dénicher les pièces qu’il me manquait, mais je suis revenu bredouille », confie Rémi Béchadergue, qui a alors décidé de les fabriquer par lui-même.
« C’est en regardant mon père faire que j’ai voulu apprendre à manier la fraiseuse et le tour »
L’atelier familial, à Lanquais, près de Bergerac, était équipé pour. Son père, Alain, un ancien tourneur fraiseur passionné de pilotage automobile, y a installé le moteur de son premier prototype, une voiture jaune aux faux airs de formule 1. « À l’époque, les gens pouvaient assembler eux-mêmes le châssis de la voiture et le moteur d’une grande marque », explique Rémi Béchadergue, qui fut longtemps le témoin privilégié des prouesses paternelles.
« Enfant, j’étais souvent avec mon père », se rappelle-t-il. « C’est en le regardant faire que j’ai voulu apprendre à manier la fraiseuse et le tour. »
COMME SON GRAND-PÈRE AVANT LUI
À l’aise dans cet atelier où son grand-père construisait déjà par passion des moissonneuses-batteuses en modèle réduit, Rémi Béchadergue a commencé à concevoir un ensemble de direction avant d’embrayer avec des poignées de portières. « J’ai continué comme ça jusqu’à ce que la voiture puisse repartir comme avant », indique l’intéressé qui a eu l’occasion de la conduire au cours de la dernière saison. « J’ai même participé à la course de côtes du Mont-Dore pour ne pas rester sur une déception : c’était important par moi de dépasser ce qui aurait pu se transformer en blocage si je n’avais pas recouru à cet endroit-là. »
A POUR ALAIN, R POUR RÉMI ET B POUR BÉCHADERGUE
Peu à peu, des copains lui ont demandé de réaliser des pièces pour leur propre véhicule de course ou leur voiture ancienne. « Après les copains, ce sont les copains des copains qui m’ont apporté leur pièce », explique Rémi Béchadergue, qui a alors cru bon de créer une entreprise pour s’éviter des ennuis avec l’administration française. « J’ai déposé les statuts de la société en janvier 2023 », précise-t-il, prenant soin d’expliquer au passage pourquoi il a choisi de la baptiser « ARB indus ».
« Le A est la première lettre du prénom Alain, que porte mon père, le R celle du prénom Rémi et B celle de notre nom Béchadergue : je n’aurais sans doute pas fait tout ce che- min si mon père ne m’avait pas accompagné dans cette aventure depuis le début », insiste Rémi Béchadergue.
Pendant six mois, l’entrepreneur, papa de deux enfants, a cumulé deux temps pleins. Celui de responsable clientèle et production chez VCN industries, une PME du Bergeracois spécialisée dans l’usinage de pièces, et celui de chef d’entreprise d’ARB indus. « Je quittais mon travail d’ingénieur pour aller travailler dans l’atelier sur mes pièces jusqu’à minuit. Le rythme était très dur à tel point qu’il m’a fallu choisir entre les deux », glisse le jeune père de famille.
IL A FAIT LE CHOIX DE L’ENTREPRENEURIAT
Sans surprise, Rémi Béchadergue a fait le choix de l’entrepreneuriat, synonyme d’indépendance et d’adrénaline. « Désormais, je me consacre pleinement à ma société », se félicite Rémi Béchadergue, qui compte s’appuyer sur son expérience d’ingénieur (15 ans) pour rendre son entreprise la plus performante possible. « Avant de travailler chez VCN, j’ai eu la chance de pou- voir évoluer à différents postes au sein de l’entreprise Turboméca, une filiale du groupe Safran, leader du marché mondial de la fabrication de moteurs pour hélicoptère. J’ai débuté au siège à Pau, puis rejoint différentes usines. J’ai même travaillé en Caroline du Nord, aux États- Unis pendant six mois. Tout cela a été très formateur. »
« J’ai eu la chance de pouvoir évoluer à différents postes dans l’entreprise Turboméca »
Convaincu que la pérennité de son entreprise passera aussi par l’image qu’elle renvoie, Rémi Béchadergue a investi dans la construction de nouveaux locaux. Plus spacieux, plus aérés que l’atelier de son père. « J’en termine actuellement le montage », explique le jeune entrepreneur qui a commandé le bâtiment en kit pour limiter ses coûts d’installation. Aussitôt que les travaux seront terminés, il y installera de nouvelles machines et un vrai bureau où il modélisera en 3D ses futures pièces. Des pièces de voiture, mais pas seulement. Rémi Béchadergue sera bientôt armé pour fabriquer toutes sortes d’objets pour peu qu’ils soient en métal. « Cela me permettra de développer ma clientèle au-delà du seul marché des véhicules de course ou de voitures anciennes. Je pourrai honorer les commandes des entreprises et des particuliers. »