Couverture du journal du 07/05/2024 Le nouveau magazine

Le phénix Minjat

À cinq ans à peine, Minjat, le magasin de produits locaux en circuit court installé à Colomiers, a déjà eu plusieurs vies. Entre crise post-Covid et incendie, les nombreuses embûches n’ont pas eu raison de la détermination des trois cofondateurs qui continuent de se projeter vers l’avenir.

Minjat, Colomiers, Cyril Picot

Anton Dmitriev et Cyril Picot, cofondateurs de Minjat. © Adrien Nowak / La Vie Economique

Foie gras du Gers, mayonnaise aux truffes de Cahors, blinis préparés dans le Tarn, boudin de porc noir de Bigorre, truite des Hautes-Pyrénées… En ce mois de décembre, les rayons de Minjat (« manger » en occitan) prennent une allure festive. « La période de Noël est cruciale. En décembre, le chiffre d’affaires est supérieur de 50 % à celui des autres mois de l’année », confie Cyril Picot, président du magasin de produits locaux en circuit court qu’il a ouvert en 2018 avec deux associés : Anton Dmitriev et David Pagès.

Tous deux fils d’agriculteurs, Cyril et Anton, qui s’étaient rencontrés lors de leurs études au lycée hôtelier de Toulouse, avaient l’envie de valoriser le travail de leurs parents et des agriculteurs locaux. Aujourd’hui, Minjat propose plus de 2 500 références permanentes et travaille en direct avec plus de 350 agriculteurs. « C’est notre façon de faire notre part et d’aider les agriculteurs à retrouver de la fierté », affirme le président.

Des prix compétitifs

©Adrien Nowak / La Vie Economique

La promesse de Minjat ? Des prix compétitifs. « Manger local ne coûte pas forcément plus cher », martèle l’entrepreneur. « Nous proposons par exemple un poulet du Gers, qui a couru plus de 100 jours en plein air, à 8,95 €. » L’enseigne, qui réalise chaque mois une veille afin de comparer ses prix à ceux de la GMS sur le secteur de Colomiers, revendique ainsi un poulet moins cher qu’à Carrefour ou Super U.

Après cinq ans d’existence, le magasin, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 3,7 millions d’euros en 2022, a réussi son pari. Son positionnement lui permet d’accueillir 2 450 clients chaque semaine. « Ce ne sont pas uniquement des militants locavores, mais également des familles avec enfants : la cible que l’on a toujours souhaité atteindre ! »

Crise post-covid

Le chemin de Minjat a pourtant été semé d’embûches. « Nous avons mis deux ans avant de réussir à ouvrir notre magasin, car il n’a pas été facile de trouver un local », se souvient le président. Deux ans à peine après l’ouverture, l’activité explose avec la crise sanitaire – « Notre chiffre d’affaires a augmenté de 100 % en un an » – avant une dégringolade post-Covid. « Comme dans la majorité des enseignes bio, notre chiffre d’affaires reculait chaque mois », se souvient Cyril Picot.

Pour relancer la machine, les trois fondateurs et la trentaine de salariés de Minjat se retroussent les manches. « On est revenu aux basiques de notre métier de commerçant, avec un magasin toujours propre, plein et des prix attractifs sur lesquels nous avons largement communiqué. »

Un incendie en mai

Alors qu’en 2023 les voyants sont de nouveau au vert et des projets de développement à l’ordre du jour, Minjat fait face à un nouveau coup dur. « Dans la nuit du 12 mai, un feu de poubelle s’est étendu au magasin. » L’incendie dévaste toute la partie consacrée au restaurant, détruit les réseaux d’eau, d’électricité et de gaz, détériore l’intégralité des locaux. « Au total, le préjudice est évalué à plus de 1 million d’euros, entre les dommages directs et la perte d’exploitation », indique Cyril Picot. Pendant quatre mois, les portes du magasin resteront closes. « Nous avons rebondi très vite, avec l’impératif de ne pas perdre nos équipes, surtout en cette période où il est difficile de recruter. » Pour garder son personnel mobilisé, Minjat a ainsi mis en place de la formation interne sur l’agriculture et l’agronomie. « Notre objectif était que nos salariés comprennent le sens de notre activité et qu’ils sachent ainsi mieux en parler aux clients. » En parallèle, l’enseigne continue d’exister en organisant des ventes de fruits et légumes sur le marché de plein vent de Colomiers, ou sur le parking d’enseignes voisines, telles que Decathlon et Leroy Merlin.

Pour alimenter ses futurs points de vente, Minjat envisage d’ouvrir sa propre plateforme logistique

De nouveaux projets

© Adrien Nowak / La Vie Economique

Ce n’est finalement qu’au mois de septembre que l’enseigne a pu rouvrir ses portes, la reprise de l’activité restauration étant, quant à elle, prévue pour le 10 janvier.

Si le sinistre a mis en pause tous les projets, les fondateurs de Minjat espèrent pouvoir rapidement les remettre à l’ordre du jour. Parmi eux, la volonté de dupliquer le modèle de Colomiers ailleurs sur l’aire toulousaine. « Les gens font en moyenne 10 à 12 minutes de trajet maximum pour aller faire leurs courses. Il y a donc clairement des vides géographiques sur lesquels nous pouvons nous positionner », explique Cyril Picot. Et pour alimenter ses futurs points de vente, Minjat envisage d’ouvrir sa propre plateforme logistique.

« Pour l’heure, nous sommes encore en train de régler les conséquences de l’incendie. Nous espérons pouvoir très vite relancer nos projets, mais je préfère cette fois rester prudent sur le calendrier de réalisation », conclut le dirigeant.