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Lot-et-Garonne : terre de tournages

Depuis la création du Bureau d’Accueil des Tournages 47 (BAT 47) il y a 10 ans, le département lot-et-garonnais a accueilli plus d’une soixantaine de tournages, devenant ainsi une destination de référence pour le milieu cinématographique dans le Sud-Ouest. Rencontre avec le président de la structure, Pierre-Henri Arnstam et son directeur, Hervé Bonnet.

Tournage

© Hervé Bonnet

La Vie Economique : Pierre-Henri Arnstam, vous êtes le créateur du Bureau d’Accueil des Tournages de Lot-et-Garonne et toujours son président, quelle a été la genèse de ce projet ?

Pierre-Henri Arnstam : « Lorsque je suis revenu dans le Lot-et-Garonne de mon enfance en 2006, je suis devenu président d’Aquitaine Image Cinéma, l’association qui s’occupait du cinéma dans l’ancienne région. Et quand j’ai observé les chiffres par département, je me suis rendu compte que les tournages étaient quasiment inexistants dans notre département. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il n’y avait pas de bureau d’accueil comme ils pouvaient exister dans les départements voisins. Je suis donc allé voir les responsables politiques départementaux de l’époque. Je dois dire qu’au début, les réactions n’ont pas été très chaudes. Il m’a été rétorqué qu’on avait d’autres chats à fouetter, notamment avec la compétence sociale et les questions agricoles. Je suis revenu avec des études à l’appui montrant qu’il y avait des retombées économiques grâce au cinéma : pour 1 euro investi, on pouvait attendre entre 4 à 6 € de retombées. Les choses se sont alors décantées : fin 2010, les statuts du Bureau d’Accueil des Tournages du Lot-et-Garonne étaient déposés, en 2011 l’association s’est mise en place et en 2012 le directeur Hervé Bonnet est arrivé et les premiers tournages ont été accueillis. »

Pour 1 euro investi, on peut attendre entre 4 et 6 euros de retombées économiques

LVE : Hervé Bonnet, vous êtes directeur du BAT 47 depuis 10 ans, pouvez-vous nous dire quelles en sont les missions ?

Hervé Bonnet : « Le premier travail pour nous est de recevoir les scénarios, de les lire et identifier les besoins en termes de lieux des tournages, en hiérarchisant les lieux les plus importants. L’idée est d’essayer de les trouver en Lot-et-Garonne. On se concentre sur les 2 ou 3 décors qui vont permettre d’attirer le film et de le fixer ici. Ensuite, on passe le relais aux repéreurs locaux pour les décors annexes qui vont être recherchés à proximité des décors principaux. On fonctionne avec des subventions publiques et notre service est gratuit. Le territoire s’y retrouve grâce aux retombées économiques générées par ces tournages.

Ensuite, nous serons là en support et soutien pour les autorisations de tournage, les démarches administratives et la mise en relation avec des personnes ressources. Pour faire venir un film, on travaille sur 7 à 8 projets, on est plus dans une logique d’accompagnement que de guichet. »

On étudie 7 à 8 projets pour faire venir un film

Corinne Masiero, Capitaine Marleau

Corinne Masiero, Capitaine Marleau © passion Films

LES TOURNAGES DANS LE 47 EN CHIFFRES :

2011 : Création du BAT 47, 1er tournage en 2012

Depuis 10 ans, le Lot-et-Garonne a accueilli : 17 longs métrages, 35 courts métrages et une dizaine de films documentaires

750 jours de tournage au total

Le fonds d’aide au cinéma audiovisuel dispose de 150 000 € par an

Le Lot-et-Garonne compte 11 cinémas dont 9 Arts et essai pour 330 000 habitants

3 personnes permanentes travaillent au BAT 47

LVE : Quelles sont les retombées engendrées par le tournage de films dans notre département ?

H. B. : « Elles sont de trois types. Il y a d’abord des retombées culturelles car on observe que les films tournés sur le territoire font davantage d’entrées sur le territoire par rapport à la moyenne nationale. Il y a un côté vertueux à accueillir des tournages en termes d’aménagement culturel du territoire. Et puis, il y a des retombées en termes d’image. Ce sont des films qui font rayonner le territoire, qui sont sélectionnés en festival, comme En guerre sélectionné à Cannes ou Un autre monde qui a fait 450 000 entrées dans une période Covid très compliquée pour le cinéma en général et le cinéma français en particulier. Ce sont des chiffres remarquables. Nous sommes un département qui souffre d’un réel déficit d’image. C’est une façon de le combler que d’accueillir ces films dans le département et de faire parler du département.

Et enfin, ce sont des retombées économiques qui sont de plusieurs ordres. Une équipe de film pour un long métrage, c’est un à deux mois de présence pour 40 à 60 personnes suivant le projet. C’est une vraie PME et ce sont des gens qu’il faut nourrir et loger, donc des dépenses en hôtellerie et restauration. Aujourd’hui, on a dépassé les 4 millions d’euros de retombées économiques directes depuis 2011. L’argent public se faisant de plus en plus rare, il est important de noter ce côté vertueux. Mais les dépenses les plus intéressantes à mes yeux, ce sont les embauches et l’appel à prestataires locaux. Cela nous tient vraiment à cœur. Nous avons des embauches de techniciens lot-et-garonnais sur tous les tournages. Aujourd’hui, on voit un phénomène de techniciens du territoire qui étaient partis à Paris et qui reviennent s’installer ici. On relocalise des emplois culturels : c’est remarquable ! Sans compter la montée en compétence des techniciens locaux grâce à ces tournages. »

Ce sont des films qui font rayonner le territoire comme En guerre sélectionné à Cannes

Pierre-Henri Arnstam, président du BAT 47, tournage

Pierre-Henri Arnstam, président du BAT 47 © D. R.

BIO EXPRESS : PIERRE-HENRI ARNSTAM, PRÉSIDENT DU BAT 47

Naissance en 1946 à Boulogne-Billancourt. Études de philosophie à Paris puis entrée à l’ORTF dans les années 60. Il fera toute sa carrière au sein de l’audiovisuel public en passant ensuite à Antenne 2 puis à France 2. Il devient directeur de l’information en 1985, producteur et créateur du Téléthon avec Jean-Pierre Spiero en 1987. Il est président du festival de Biarritz de 2001 à 2007. Il revient dans sa maison familiale de Villeréal en 2006 (son arrière-grand-père était gendarme à cheval à Sainte-Livrade) et devient président d’Aquitaine Image Cinéma. En 2008, il devient maire de Villeréal jusqu’en 2020. Depuis 2010, il préside le festival du film de Sarlat, et depuis 2011, il préside le Bureau d’Accueil des Tournages du Lot-et-Garonne qu’il a initié.

LVE : Aidez-vous aussi financièrement les films tournés en Lot-et-Garonne ?

H. B. : « Notre BAT a la particularité de s’occuper également du Fonds d’aide au cinéma audiovisuel du département. Nous avons démarré sans fonds d’aide et c’était plus difficile de faire venir des films. Le fonds d’aide a démarré en 2015. Petit à petit, il a augmenté jusqu’à atteindre son volume actuel de 150 000 € (100 000 € du Conseil départemental et 50 000 € du Centre national du cinéma) par an. C’est le plus petit de la région mais cela permet quand même de travailler et d’attirer des projets. En général sur un long métrage, on va mettre 50 000 € sur un budget moyen de 3 à 3,5 millions d’euros. En général, la Région met en plus 150 à 200 000 € en plus et on s’y retrouve grâce aux retombées économiques qui viennent irriguer le territoire. »

LA NUEE (c) Hervé Bonnet tournage

© D. R.

LVE : Vous travaillez sur un projet très spécial qui se déroulera le soir du second tour de l’élection présidentielle ?

H.B. : « Le 24 avril, on va avoir le tournage d’un film diffusé en direct simultanément sur Internet, sur Arte et dans 30 salles de cinéma en France. Je ne suis pas du genre à employer de superlatifs mais je pense que c’est une première mondiale, du métacinéma. L’élection est la toile de fonds de cette fiction intitulée Jour de gloire. Il sera réalisé par Jeanne Frenkel et Cosme Castro dans un village du Lot-et-Garonne avec Félix Moati dans le rôle principal et la musique de Flavien Berger en direct. Le scénario évoluera en direct en fonction du résultat de l’élection. Il y aura une heure de tournage en plan séquence. C’est une mise en danger incroyable pour les comédiens. C’est un film qui va garder une trace de ce moment historique pour les années à venir. C’est vertigineux. »

Depuis 2011, les tournages ont généré 4 millions d’euros de retombées économiques

LVE : Vous avez également un projet concernant le court métrage, de quoi s’agit-il ?

H.B. : « En 2018, j’ai constaté qu’on accueillait de plus en plus de films de format court, qui est un genre incubateur des talents de demain. Et on était de plus en plus sollicités par des équipes éducatives pour intervenir dans les écoles sur le cinéma. Du coup, j’ai eu l’idée de créer une plateforme de courts métrages tournés ici et de s’en servir de support éducatif pédagogique : www.comett.org (court métrage et territoire). C’est un outil unique en France. La Gironde et les Landes ont intégré le projet. On peut voir les films en entier, ils sont géolocalisés. Il y a des vidéos d’analyse filmique et des interviews de réalisateur et techniciens. Il y a également un abécédaire de la technique cinématographique et pour tous les films on fournit tous les documents techniques et artistiques utilisés pour le film. L’objectif est d’avoir 50 films en septembre 2023 et 100 films en septembre 2024. »

QUELQUES FILMS TOURNÉS EN PARTIE OU EN INTÉGRALITÉ EN LOT-ET-GARONNE :

  • Un autre monde de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon en 2021
  • Capitaine Marleau, épisode Le Grand Huit de Josée Dayan en 2019
  • Fête de famille de Cédric Kahn en 2018
  • En guerre de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon tourné en 2017, sélectionné au festival de Cannes 2018
  • Diane a les épaules de Fabien Gorgeart en 2016
  • Mercenaire de Sacha Wolff en 2015
  • Les Rois du monde de Laurent Laffargue en 2014
  • Vive la France ! de Michaël Youn en 2012