La Vie Economique : Comment avez-vous vécu cette période de redressement judiciaire ?
Lucien Georgelin : Il y a eu des jours où je me suis dit : « attends, tu vas pas t’en sortir ! ». Mais le lendemain, je repartais dix fois plus fort parce que j’avais les atouts pour y arriver. Mon atout, c’était de pouvoir démontrer que la grande distribution avait besoin de moi et qu’on pouvait trouver un terrain d’entente. Comment ? En acceptant une hausse de prix pour donner les moyens de retrouver la stabilité de l’entreprise. Et ils ont tous accepté ! J’ai bien dit tous, les professionnels de la restauration également.
LVE : Au-delà de la grande distribution, vous avez suscité une importante vague de soutien sur les réseaux sociaux, qu’en avez-vous pensé ?
L. G. : C’était réconfortant, crucial même, de sentir ce soutien. Aux côtés de ceux qui avaient foi en notre travail, nous avons pu traverser les moments les plus sombres. Sans ce soutien, tout aurait été différent. Et je souhaite en profiter pour dire à tous les chefs d’entreprise qui rencontrent des problèmes, d’oser en parler, c’est essentiel.
LVE : Des propositions de rachat ont été évoquées, pourquoi avez-vous refusé ces offres ?
L. G. : Avec mon air con de paysan, je ne suis pas aussi naïf que ce qu’on croit. J’ai tout de suite compris les intentions des gens qui venaient soi-disant pour m’aider, alors que c’était pour nous absorber et nous virer aussitôt après. J’ai toujours dit aux banquiers, aux politiques et au tribunal, faites-moi confiance, c’est un mot que j’ai répété 10 000 fois, faites-moi confiance, je ne vous décevrai pas. Au final, qui a sauvé l’entreprise ? Lucien Georgelin et ses équipes. Une grande partie du personnel m’a suivi dans cette période difficile et cela a été très important, donc je veux leur rendre hommage.
LVE : Vous n’avez jamais cessé de sortir de nouveaux produits, pourquoi ce choix malgré les difficultés ?
L. G. : D’après les chiffres, il n’y a que 3 à 5 % des entreprises placées en redressement qui s’en sortent. On partait de loin. Dès qu’on a eu les hausses de prix qu’on voulait, j’ai réuni mes équipes et je leur ai proposé qu’on se batte tous ensemble et qu’on continue de sortir de nouveaux produits pour montrer qu’on était toujours là et qu’on voulait s’en sortir. Et j’en profite pour remercier le tribunal de commerce qui m’a écouté et a cru en moi, ainsi que mon avocat Christophe Dejean et l’équipe comptable de Patrick Mauri chez @com.
LVE : Aujourd’hui, comment se porte votre entreprise ?
L. G. : Elle se porte bien, la rentabilité est bonne et nous avons un plan pour rembourser la dette sur dix ans.
LVE : Qu’avez-vous appris de cette épreuve ?
L. G. : Je retiens le soutien formidable que j’ai reçu, et aussi le mépris, je tiens à le dire, de certains qui ont vu une bête blessée et qui ont voulu l’achever.
LVE : Comment envisagez-vous l’avenir pour votre entreprise ?
L. G. : J’ai encore beaucoup à donner à cette entreprise. J’ai envie que mon entreprise reste une PME, avec des gens qui méritent d’être toujours là.
J’ai toujours dit aux banquiers, aux politiques et au tribunal, faites-moi confiance, c’est un mot que j’ai répété 10 000 fois