Cet éternel jeune homme de 88 ans promenait une facétie intacte lors du vernissage de l’exposition qui célèbre un foisonnement créatif. Venu en voisin, l’artiste goûte une solitude élective dans ce Périgord où il est arrivé pour un quotidien « beau et abordable », loin des néons (qu’il mania en éclaireur) de sa période new-yorkaise (1962) et des luttes d’influence artistique parisiennes. Ses sorties sont discrètes et n’en sont que plus remarquables. « On dit que la culture va sauver le monde… Elle peut simplement limiter les méfaits de la barbarie. Je suis toujours touché quand le public vient voir des œuvres d’art, il témoigne d’une volonté que l’esprit survive à la société. »
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« Au XXe siècle, le désarroi des esprits s’est précipité sur une autoroute en pensant que la peinture figurative était ringarde mais ce n’était qu’un chemin de traverse qui aboutit à des niaiseries. » Martial Raysse se place dans la lignée de peintres qui se sont appliqués à comprendre ce que les autres avaient voulu raconter avant eux, et aimerait en être digne. « J’ai une avalanche de maîtres sur les épaules. » Avec Fouquet au plus haut de son admiration. De son accent toujours méridional, il balaye les modes dont il fut pourtant avec son joyeux et insouciant succès pop pour arriver à ce discours qu’il qualifie volontiers de « vieux schnock ». Référence dans un milieu artistique dont il se tient encore éloigné, Martial Raysse travaille chaque jour dans son atelier.

Bleu rivage (série Loco bello), 1975, peinture acrylique et collages sur papier, 64,5 x 200 cm, collection particulière. Martial Raysse © Adagp, Paris 2024 © Photo B.Dupuy
Son imposant Carnaval à Périgueux, entré en 1993 dans la collection Pinault, n’a pu être hissé à Biron mais on peut lire la vitalité de l’artiste dans les cinquante peintures, dessins, statues, œuvre cinématographique et poésies (« des sonnets, la forme la plus difficile ») reflétant 40 années baignées de couleurs pures, de sujets allégoriques et universels. Une affection particulière se porte sur l’intimité de La Petite Maison qui l’a fixé en Périgord et le portait du son voisin paysan « à la licorne ». Avec humour et liberté, l’artiste capte l’émotion pure et clame l’instant unique : « Une fois, jamais plus ! » s’enthousiasme-t-il.