Couverture du journal du 20/04/2024 Le nouveau magazine

Mobilier professionnel : Louis, le fabricant qui déménage

Louis, l'entreprise spécialiste du mobilier professionnel, finalise une levée de fonds pour pousser encore son approche d’économie circulaire. Objectif : prolonger la durée de vie des meubles en favorisant leur remise en état plutôt que leur mise en benne, et changer les règles du jeu du marché.

Thomas Devineaux, président et cofondateur du fabricant de meubles toulousain Louis © Adrien Nowak - La Vie Economique

Visiter l’usine de Louis à Labège, c’est déjà comprendre la philosophie de ce fabricant de meubles unique sur son marché. La PME (16 salariés) a investi en 2022 un ancien hangar agricole pour y installer ses bureaux et son atelier, avec l’objectif de limiter au maximum son empreinte carbone : la dalle béton est d’origine, de même qu’une partie de la charpente, et les murs en bois ont été conçus, construits et isolés en interne. La partie neuve de la charpente et la large verrière ont elles aussi été imaginées et produites par les équipes de Louis, avec la particularité de pouvoir être démontées et remontées aussi facilement qu’elles ont été assemblées la première fois. « Le bâtiment est conçu pour être évolutif, en fonction de l’évolution des besoins. Mais sans renoncer à amener le maximum de confort à nos équipes, au plan thermique, acoustique et visuel », indique Thomas Devineaux, président et cofondateur de Louis.

Culture fablab

Six ans après sa création, le fabricant a donc conçu son siège à l’image de ses produits, évolutif et sobre, mais avant tout qualitatif sur les usages. L’entreprise n’est d’ailleurs pas née de l’envie de proposer des meubles plus écologiques, mais de la rencontre de trois élèves ingénieurs désireux de construire… des bateaux vikings. Le projet Bátar aboutira à la mise à l’eau d’un drakkar de 12 mètres de long, mais c’est une autre histoire. Pour les dirigeants de Louis (les cofondateurs Thomas Devineaux, Baulieu de Reboul et Paul Gély), cette expérience est l’occasion d’acquérir des compétences sur « une culture de conception et de fabrication low cost, proche de celle des fablabs », résume son président.

« Notre promesse, c’est qu’aucun meuble n’aille à la poubelle ! »

Allonger la durée d’utilisation du mobilier

« Produire des meubles professionnels était d’abord un moyen pour financer nos bateaux, avant de devenir un projet entrepreneurial quand on a pris conscience du potentiel de ce marché et de ses enjeux », poursuit Thomas Devineaux. Et ces enjeux ne sont pas minces. En moyenne, ce sont 100 000 tonnes de mobilier qui sont mises au rebut par les entreprises. « Soit l’équivalent de 15 000 bureaux par jour, dont moins de 10 % sont valorisés, pointe Thomas Devineaux. Des filières d’occasion se sont créées, mais elles ne se traduisent pas par une baisse des ventes de produits neufs : notre offre s’attaque à la racine du problème en allongeant la durée d’utilisation du mobilier. »

© Adrien Nowak - La Vie Economique

© Adrien Nowak – La Vie Economique

Le bouleau : matière première n° 1

Parmi les partis pris de Louis, le bouleau est la matière première quasiment unique de tous ses composants, pour sa capacité à résister aux chocs mais aussi pour ne pas multiplier les approvisionnements. Le nombre de références proposées est relativement réduit, mais les possibilités de personnalisation sont nombreuses, que ce soit sur les dimensions et la forme des plateaux, l’intégration des réseaux électriques et des accessoires (écrans…) ou l’inscription du nom de l’entreprise. Cette approche de « sur-mesure en série » vise à la fois à optimiser la production – avec un taux de chute de seulement 15 %, soit deux fois moins que la moyenne de cette industrie – et à faciliter l’entretien des meubles tout au long de leur vie.

« Notre vocation est d’aider les entreprises à se projeter dans une politique d’entretien plutôt que d’achat de produits neufs »

Une ligne dédiée aux produits de seconde vie

« Si un client a besoin qu’on change un pied ou qu’on reprenne la finition d’un plateau, on peut ne changer que ces pièces et au prix de la matière, ce qui facilite la logistique et réduit le coût financier. Quand le meuble arrive en fin de vie dans l’entreprise, on est aussi en capacité de le récupérer pour le remettre en état », explique Thomas Devineaux. Louis s’apprête d’ailleurs à créer dans son atelier une ligne dédiée aux produits de seconde vie. L’approche sera sensiblement différente des pratiques du marché, puisque le prix de ces produits remis en état sera comparable au neuf. « Ces meubles ne seront pas moins qualitatifs que les autres : si une pièce s’avère trop abîmée, on peut la changer ou modifier son usage, par exemple en transformant un plateau en pied, poursuit Thomas Devineaux. Notre promesse, c’est qu’aucun meuble n’aille à la poubelle ! »

Inspirer clients et concurrents

Pour inciter ses clients à moins consommer de mobilier neuf, Louis a même mis en place un système d’abonnement mensuel permettant aux entreprises de s’assurer de la disponibilité des bureaux sans forcément en acquérir la propriété. Une proposition de valeur qui tarde encore à prendre, tant elle est éloignée de la logique d’amortissement des entreprises. Elle permettrait pourtant de réduire significativement les frais et surtout la consommation de matières sur ce poste, estime le fabricant. Pour inciter ses partenaires à basculer vers une démarche d’économie circulaire, Louis met au point ses propres outils logiciels. Ses clients peuvent ainsi envoyer les photos de leurs meubles afin d’identifier les pièces à changer ou les finitions à reprendre. L’objectif d’ici la fin de l’année est d’élargir cette solution à l’ensemble du mobilier de ces entreprises, et pas seulement aux produits Louis.

© Adrien Nowak - La Vie Economique

© Adrien Nowak – La Vie Economique

Approche circulaire

À terme, le fabricant envisage même d’ouvrir complètement ce service, pour en faire une base de données facilitant la gestion du parc. « Nous travaillons en parallèle à préciser les coûts de collecte et de remise en état des meubles, pour aider les entreprises à se projeter dans une politique d’entretien plutôt que d’achat de produits neufs. L’enjeu est aussi que les autres fabricants puissent mieux évaluer le potentiel de marché de cette approche circulaire », détaille Thomas Devineaux. Cette ambition de bousculer les règles du marché, Louis veut aussi la porter au-delà des frontières hexagonales, avec des premiers projets en cours de développement dans plusieurs pays européens.

Objectif : lever 2 millions d’euros

Lancée en mars sur la plateforme Tudigo, la campagne de financement participatif de Louis vise à récolter 500 000 euros en complément d’une première levée de fonds de 1,5 million d’euros en début d’année, impliquant un fonds d’investissement et des business angels. Un premier objectif est d’aller plus loin dans l’industrialisation sur la remise en état du mobilier, avec l’arrivée d’ici à cet été d’une machine à commande numérique. Le fabricant souhaite aussi passer un cap dans ses solutions logicielles. Ces prochains mois, ces recrutements sont aussi prévus, sur des fonctions commerciales et de production, avec l’objectif de doubler les équipes d’ici à la fin 2025.