Qui a dit que la tradition de l’accordéon « made in France » avait disparu avec la liquidation judiciaire du corrézien Maugein, en septembre 2024 ? À Saint-Martial-de-Nabirat, en Dordogne, Périgord Accordéon continue à fabriquer artisanalement des « pianos à bretelles » chromatiques (dont la mécanique est plus complexe que celles des accordéons diatoniques utilisés pour le folklore). Loin de la Chine où les instruments sont produits à la chaîne, l’atelier périgourdin créé des pièces sur mesure. Couleur, poids, clavier, tonalité… Le Petit Poucet de l’accordéon exauce tous les vœux de sa clientèle, y compris les plus fous. Une souplesse qui conditionne en retour les volumes de production. À peine une quarantaine d’accordéons neufs sort de l’atelier chaque année pour être vendue sous « Cadence », la marque de l’entreprise reconnaissable à son logo en forme de cheval.
Entre 4 000 et 13 000 euros selon le modèle
Professionnel ou non, chaque client est reçu avec le même soin dans les locaux de Périgord accordéon. Avant d’accéder au showroom où sont exposées plusieurs dizaines d’instruments dont le prix oscille entre 4 000 et 13 000 euros selon le modèle, liberté est laissée à chacun de naviguer dans l’atelier où « les pianos du pauvre » prennent vie entre les mains expertes des trois employés de l’entreprise qui se partagent entre découpage du métal, assemblage des pièces et passage chez l’accordeuse. « Un accordéon se compose de 8 000 pièces distinctes. En nous voyant travailler, le client est plus à même de comprendre pourquoi il va devoir patienter cinq mois entre la commande et la prise en main de l’instrument », intervient Bernard Truquet, dirigeant de Périgord Accordéon.

Périgord Accordéon commercialise les instruments de sa fabrication sous la marque « Cadence ». © Loïc Mazalrey – La Vie Economique
Il a racheté son ancienne boîte
Dix ans que ce fils de marchand de bestiaux a pris son destin en main en devenant, à 47 ans passés, chef d’entreprise. Un rôle qu’il n’avait jamais imaginé tenir jusqu’en 2013, année au cours de laquelle le fabricant d’accordéons sarladais Accordiola, pour lequel il avait travaillé 28 ans, a été placé en liquidation judiciaire. Trop jeune pour prendre sa retraite et déjà trop vieux pour se reconvertir, Bernard Truquet a fait le choix courageux de racheter les actifs de l’entreprise aux enchères pour sauver son emploi et celui de son collègue Éric Pons. « La chose n’a pas été facile, mais j’ai fini par emporter la vente, raconte l’entrepreneur. J’ai aussitôt rapatrié les presses à découper et à injecter dans une maison dont j’étais propriétaire sur la commune de Saint-Martial en vue de créer ma société. Éric m’a rejoint et l’aventure a démarré en mai 2014 ».

© Loïc Mazalrey – La Vie Economique
Des accordéons sur les réseaux sociaux
Les premières commandes n’ont pas tardé. Faute d’avoir pu repartir des enchères avec le listing des clients d’Accordiola, Bernard Truquet et son ami ont misé sur le bouche-à-oreille et sur sa version plus moderne : les réseaux sociaux. « Ma fille a créé une page Facebook à l’effigie de Périgord Accordéon et les résultats ont été spectaculaires : outre les anciens clients d’Accordiola, des musiciens de la France entière nous ont contactés pour savoir comment on travaillait et s’il pouvait nous passer commande », se souvient Éric Pons.
La solidité des produits a fait le reste. Avec Cavignolo, un fabricant d’envergure installé en région lyonnaise, Périgord accordéons est l’une des rares entreprises à pouvoir proposer des accordéons plus légers que la moyenne grâce à des coques en carbone moulées chez un métallier de Gironde. « Les caisses en bois sont jugées trop lourdes par la clientèle qui veut réduire au maximum le poids de l’instrument, note Bernard Truquet. Il peut varier de trois kilos selon la matière de la coque ». Autre garantie de qualité, Périgord accordéon s’efforce de travailler avec des fournisseurs périgourdins : « On prend l’aluminium à Périgueux, les ressorts chez Rapic, près de Thiviers ou encore les paillettes chez Mineral colors à Bergerac », poursuit l’intéressé, néanmoins forcé de devoir faire son marché en Italie pour tout un tas de pièces introuvables en France (soufflet, musique, boutons).
Une quarantaine d’accordéons neufs sort de l’atelier chaque année pour être vendue sous la marque « Cadence »