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Prof en Poche, à vos maths !

Béarn - Depuis Pau, la start-up Prof en Poche repense les apprentissages en éditant des logiciels éducatifs destinés aux enseignants et leurs élèves. Face au succès de Mathia, son produit phare qui rend les mathématiques ludiques, la jeune entreprise vient de lancer une levée de fonds afin d’accélérer son déploiement.

Vincent Escudé CEO de Prof en Poche Président de French Tech Pau-Béarn

Vincent Escudé CEO de Prof en Poche Président de French Tech Pau-Béarn © Louis Piquemil - La Vie Economique

Jeune pousse, entreprise innovante, pépite et avant tout start-up… : les termes ne manquent pas pour qualifier Prof en Poche, éditeur de solutions numériques éducatives. Et il est vrai que la société paloise, cofondée en 2015 par Vincent Escudé, Paul Escudé et Samuel Imbert, est littéralement « une entreprise qui démarre ». Pourtant, ses quelques années d’existence reposent sur une expertise établie depuis plus de 40 ans : celle de l’école de soutien scolaire Pieber, dont les frères Escudé sont les dignes héritiers et dirigeants depuis 2013.

De Pieber à Prof en Poche

Sans Pieber, Prof en Poche ne connaîtrait certainement pas le succès rencontré aujourd’hui grâce à ses outils numériques. Vincent Escudé, son CEO, en est convaincu : « Pieber est le socle solide de notre savoir-faire et reste indispensable. La création des ressources numériques pour nos produits est possible grâce à nos ingénieurs pédagogiques mais il était pour autant très important que ces derniers ne travaillent pas hors sol, qu’ils aient toujours une partie enseignement, au contact des familles, chez Pieber », souligne le jeune homme de 38 ans qui n’oublie pas de rappeler le poids de cette institution locale ayant accompagné plus de 60 000 élèves depuis sa création.

Pieber est le socle solide de notre savoir-faire et reste indispensable.

Du soutien scolaire en ligne

Sur ce terreau fertile, dosant savamment la part d’intelligence artificielle et d’intelligence humaine, la start-up paloise a développé trois solutions d’apprentissage. La première, nommée Prof en Poche, a été rendue accessible au public il y a 7 ans. Cette « transformation numérique de Pieber » permet la rencontre entre profs et élèves via un chat, piloté par une intelligence artificielle. Du soutien scolaire en ligne, en résumé, qui dès la première année de lancement a séduit 400 000 utilisateurs. « Là où Pieber était très géolocalisé sur Pau, avec Prof en Poche nous pouvons accompagner des élèves du monde entier, sur un marché beaucoup plus important », précise Vincent Escudé. Si Prof en Poche réussit alors son premier pari, l’aventure ne fait que commencer.

prof en poche

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Mathématiques et IA

En effet, en 2019, galvanisés par la réussite de leur plateforme de soutien scolaire en ligne et conscients du fort potentiel de leur entreprise, les trois associés répondent à un appel d’offres du ministère de l’Éducation nationale, autrement nommé « partenariat d’innovation en intelligence artificielle ». Son objet : proposer des outils numériques basés sur l’intelligence artificielle, à utiliser en salle de classe par les enseignants pour accompagner les apprentissages. « Nous n’avions jamais participé à un appel d’offres, mais celui-ci correspondait totalement à notre esprit entrepreneurial et créatif », resitue Vincent Escudé.

« Il n’y avait aucun cahier des charges, on partait d’une page blanche. Puisque nous avions une sensibilité scientifique et maths importante, et parce que le soutien en mathématiques représente 75 % de la demande chez Pieber, nous avons décidé de concentrer nos efforts sur cette matière. » Vincent Escudé, Paul Escudé et Samuel Imbert posent l’idée sur le papier, nommée Mathia, avec un objectif : « mettre de l’IA dans les mathématiques, en salle de classe ». Face à de gros éditeurs comme Belin ou Hatier, la jeune pousse béarnaise sort lauréate. Reste alors à faire grandir Mathia.

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Une solution co-construite avec les enseignants

« Nous avons eu un an et demi de R&D, le temps d’échanges constants avec près de 200 enseignants pour affiner notre proposition afin qu’elle corresponde à leurs besoins », explique Vincent Escudé. Ensemble, ils imaginent Mathia comme un assistant pédagogique numérique qui « accompagne le professeur pour enseigner et faire aimer les mathématiques à tous les élèves du CP au CE2 ». Ce dernier choisit les notions à travailler via le site ou l’application Mathia, sur ordinateur ou tablette, et une IA d’adaptive learning créée par la start-up propose à chaque élève des activités ludiques adaptées à son niveau. Autre intérêt de l’IA vu par Prof en Poche : Mathia se veut une solution inclusive grâce à la reconnaissance vocale et écrite, pour notamment les malvoyants et les malentendants. « Une fois la solution co-construite, nous avons travaillé avec 800 à 1 000 enseignants sur un test davantage technique de pré-industrialisation qui a duré 6 mois », continue Vincent Escudé. « Enfin, la troisième phase est celle de la diffusion. Le ministère a acheté la solution et la finance pour les enseignants du cycle 2 en France. À nous de la faire connaître ».

Nous avons eu un an et demi de R&D, avec près de 200 enseignants pour affiner notre proposition afin qu’elle corresponde à leurs besoin.

6000 enseignants utilisateurs

« En janvier 2020, le ministère a commandé 3 000 licences, pour 3 000 enseignants, pensant que c’était beaucoup », sourit Vincent Escudé, qui précise que le volume adressable pour cette solution est de 135 000 enseignants et 2,4 millions d’élèves. « Il y a quelques semaines encore, 6 000 enseignants utilisaient Mathia. Nous avons coupé pour l’heure les inscriptions, pour les rouvrir en septembre, avec une commande ministérielle qui sera plus importante », précise le CEO de Prof en Poche. Le bouche à oreille et le travail d’évangélisation auprès des enseignants et des académies a porté ses fruits. « Cette présence sur le terrain a été possible parce que nous avons grossi », remarque Vincent Escudé. « Au départ nous étions 4. Nous sommes 20 aujourd’hui. » Une croissance vitesse grand V, en seulement 2 ans, qui a conduit notamment à un emménagement en centre-ville de Pau (tout en gardant un pied- à-terre à Hélioparc où la start-up a grandi). Là, depuis le parquet ancien et le balcon traversant jusqu’à la cuisine conviviale et les espaces détentes, on se sent « un peu comme à la maison ». Une ambiance de travail façon start-up, en somme, afin que l’émulation soit au rendez-vous pour concrétiser les projets de développement de l’entreprise.

Il y a moins de trois ans, nous étions 4. Nous sommes 20 aujourd’hui.

Kidaia, un outil pour la maison

Aujourd’hui, la plupart des salariés de Prof en Poche se consacrent au développement produit. Celui de Mathia, sa solution phare, mais également de son alter ego Kidaia, dernier né de la famille Prof en Poche imaginé pour assurer la continuité pédagogique hors de la salle de classe. « Kidaia, c’est Mathia, mais à la maison, à destination des parents et des enfants, pour aider aux devoirs ou en mode cahier de vacances, depuis sa tablette ou son ordinateur », précise ainsi Vincent Escudé. Mais maintenant que les solutions et les ressources sont prêtes, avec une équipe solide pour assurer leurs arrières, il faut désormais à Prof en Poche « de la force commerciale et pédago-commerciale ». À ces fins, la start-up vient tout juste d’engager une levée de fonds en seed qu’elle espère finaliser d’ici la fin de l’année.

Une levée de fonds pour accélérer

« Nous avons un besoin de 1,5 million d’euros pour accélérer la commercialisation, essentiellement en France pour commencer », souligne le jeune dirigeant, qui lead cette levée avec Sophie Escudé, sa sœur et associée depuis trois ans, anciennement senior audit chez CAPMG. Le roadshow a d’ores et déjà commencé, accompagné par Fundmeup, un service de l’ADI Nouvelle-Aquitaine qui met en relation les entrepreneurs de la région avec les investisseurs en capital. Vincent Escudé se dit « confiant » et « très à l’aise » face à cet enjeu et voit même plus loin.

Nous avons besoin de lever 1,5 million d’euros pour accélérer la commercialisation.

« Notre vision à 3-5 ans est de faire une levée de fonds encore plus importante, en série A, pour inonder les classes à l’international », annonce-t-il, alors que Mathia est d’ores et déjà traduit en anglais. Vincent Escudé ne cache pas son ambition pour Prof en Poche, évoquant également des objectifs « très atteignables » en termes de chiffre d’affaires. Aujourd’hui, la start-up a dépassé le million d’euros de CA. Ses dirigeants ambitionnent de le multiplier par 10 dans les prochaines années.

Prof en poche

Vincent Escudé, Samuel Imbert et Sophie Escudé © Louis Piquemil – La Vie Economique

Une dynamique entrepreneuriale en Béarn

Depuis mai 2022, Vincent Escudé est également président de la French Tech Pau Béarn. Il porte un regard positif sur l’écosystème entrepreneurial en Béarn. « Selon moi, il n’y a aucun frein localement pour créer son entreprise, bien au contraire, notamment grâce à l’accompagnement de certaines structures comme la CCI, puis aux phases d’incubation proposées dans les pépinières comme Hélioparc », commence-t-il, citant également les pôles universitaires d’innovation qui « poussent » les étudiants à se diriger vers l’entrepreneuriat. « En ce qui concerne la partie financement : il est vrai qu’on a connu l’âge d’or, avec des investisseurs qui misaient sans se poser de questions ou presque sur un projet, sur une idée… Aujourd’hui, la tendance est différente, mais pas moins bonne. Avant d’aller lever des fonds, désormais il faut avoir fait ses preuves, fait du chiffre d’affaires pour accélérer son développement. Et cela me semble assez logique. »