Elles avaient prévenu. Trente minutes avec elles ne suffiraient pas. « On parle beaucoup et on ne sait pas s’arrêter », sourit Pauline Vicente, 29 ans, l’aînée des deux sœurs. La passion de leur métier les rend intarissables, mais pas uniquement ! Les sœurs ne manquent pas d’humour, se charrient ! Elles ont récemment intégré un réseau d’affaires au rugby club de Blagnac « On nous surnomme les Sisters ! » souffle Margot, 26 ans. Les deux sœurs marchent désormais main dans la main depuis la reprise de 50 % de la société PVC Alu System créée par leurs parents, Guy et Monique, en 1995.
Une histoire de famille
Rien ne prédestinait pourtant la famille Vicente à se lancer dans le business de la fenêtre. « Mon père travaillait comme conseiller financier chez Barclays. Ma mère était dans l’immobilier », raconte Pauline. Un jour, ils voient une entreprise liquidée à Auterive avec les machines à vendre. Banco. « Ils n’y connaissaient rien ! Mais ils avaient envie de bâtir quelque chose, de créer de l’emploi. » L’entreprise compte aujourd’hui 7 salariés.
Dans la famille Vicente, les décisions se prennent en séance collégiale au bureau. PVC Alu System a toujours fonctionné comme ça. « D’abord avec nos parents et notre oncle, et aujourd’hui avec nous. » Margot est la première arrivée dans l’entreprise. « Je suis rentrée à 18 ans. Je ne savais pas trop si j’allais rester mais je me suis prise au jeu ». Pauline, elle, roule sa bosse loin de l’entreprise familiale, s’exerçant au théâtre, à la communication, à l’immobilier mais avec toujours un œil sur la boîte ! L’aînée des deux sœurs s’était pourtant promis : ne jamais rentrer dans la société. Mais un coup de fil de son père il y a 6 ans change la donne. « Ils avaient un souci à l’atelier et mon père m’a dit ‘si ça ne se résout pas à la fin de la semaine, on met la clé sous la porte’, ça m’a mis un tel choc que j’ai tout plaqué. » Pauline déniche un Master en gestion d’entreprise et annonce rejoindre l’entreprise dans la foulée. « Elle a mis un coup de pied dans la fourmilière », rigole sa sœur.
L’art de la négociation
Aujourd’hui, la mère travaille encore comme assistante de direction, à une fenêtre d’écart de ses filles. Le père, lui, est à la retraite. « Mais il passe tous les jours », notent les deux sœurs. Les parents détiennent encore 50 % de l’entreprise. Chaque décision est donc une bataille rangée. Chez les Vicente, on connaît bien l’art de la négociation. « Mes parents avaient un fonctionnement un peu à l’ancienne, on a modernisé des choses. » Finies les factures rentrées à la main par la maman qui revenait le week-end pour des heures supplémentaires. « On a investi dans un logiciel qui fait tout en un clic. » Interdiction pour les sœurs de refaire les mêmes erreurs. « On a vu nos parents bosser tous les jours pendant des années. Aujourd’hui, on veut que chacune profite de son week-end. Et je veux que ma mère puisse aussi se reposer avec son mari à la retraite ! »

© Adrien Nowak – La Vie Economique
Fenêtre, portes mais aussi moustiquaires et toiles obturantes…
Pauline et Margot vont continuer d’apposer leur patte sur la société avec la création d’un showroom à l’entrée qui compile tout le savoir-faire de PVC Alu System. « On diversifie nos produits. Au départ, la société faisait uniquement des fenêtres et des portes mais aujourd’hui on propose des moustiquaires ou de toiles obturantes pour laisser passer la lumière mais pas la chaleur », souligne Pauline. Et si l’année 2024 paraît difficile au niveau du chiffre d’affaires (1,3 million d’euros en 2023), ce n’est pas de nature à décourager les sœurs. « Les gens achètent moins en ce moment », confirme Margot. « Donc on cherche à se faire connaître via les réseaux sociaux et les business club. »
Deux jeunes femmes dans un milieu d’hommes
Deux femmes dans la vingtaine à la tête d’une entreprise de BTP, ça a de quoi étonner les milieux d’affaires. « Quand on est une femme, ce n’est pas facile de faire son trou dans ce secteur. Mais une fois que tu as fait tes preuves, personne ne vient te remettre en question », analyse Pauline. Elle donne l’exemple de fournisseurs historiques qui les ont connues toutes petites et leur sont fidèles. « On gère à notre façon », résument-elles. Il en va de même avec certains clients qui les confondent parfois avec la secrétaire ou la stagiaire. « Sur certains chantiers, des hommes me disent ‘vous voulez que je vous aide à tenir le mètre ? Ne vous salissez pas !’ Mais ça part d’une bonne intention », relativise Margot. « Oui mais on sait ce qu’on fait ! Quand je vais chez le boulanger, je ne vais pas lui dire comment confectionner une baguette. Nous, c’est pareil ! » rétorque Pauline.