Couverture du journal du 17/01/2025 Le nouveau magazine

Sept Lieues : vent nouveau sur la cordonnerie

Ancienne employée des équipes financières du groupe Chanel à Paris, Marie-Élodie Chadaillac s’est reconvertie avec brio en reprenant une cordonnerie en plein centre-ville d’Agen. Fondatrice et gérante de Sept Lieues, elle apporte un nouveau souffle sur ce métier qui répond aux enjeux des nouveaux modes de consommation.

Sept Lieues

ME Chadaillac et J Caffo de la cordonnerie des 7 lieus © Julien Mivielle - La Vie Economique

À voir Marie-Élodie s’épanouir auprès de ses clients dans son atelier de cordonnerie du 18, rue Garonne au cœur d’Agen, on en oublierait presque qu’elle évoluait encore il y a peu au sein de la direction financière du groupe Chanel à Paris. Passionnée de mode, cette Bourguignonne avait eu l’opportunité d’accomplir son rêve en intégrant la marque internationale à l’occasion d’un stage avec son école de commerce. Après 10 ans au service de la direction financière des activités Mode de Chanel, elle participe ensuite, pendant trois ans, à un grand projet d’intrapreneuriat (L’Atelier des Matières) mené par la marque de luxe pour trouver des solutions concrètes afin de revaloriser des matières non utilisées et créer de nouvelles matières, circulaires et de très haute qualité. Bien intégrée à la vie parisienne, Marie-Élodie Chadaillac va mettre à profit cette expérience pour se lancer dans l’aventure entrepreneuriale quand son mari Christophe répond à une offre d’emploi à Agen.

Reprise d’activité

Arrivée à Agen en décembre 2022 avec son mari et leurs deux filles, cette jeune femme cherche un projet professionnel loin de l’univers de la mode : « Je n’avais pas envie de créer des produits neufs ou une nouvelle marque. Mon expérience avec Chanel sur la durée de vie prolongée des produits m’a aiguillée vers la réparation du textile ou du cuir. Le Sud-Ouest étant une terre de cuir, je me suis naturellement dirigée vers la cordonnerie en privilégiant plutôt une reprise d’activité qu’une création », se remémore la Néo-Agenaise. Lancée pleinement dans ce nouveau projet qui mêle plusieurs de ses passions (l’entrepreneuriat, la proximité avec les clients et le travail de la matière), elle apprend que la cordonnerie agenaise Styl’Bottes recherche un repreneur. Après avoir rencontré les associés, Jean-Luc Pérard et Joël Caffo, elle passe plusieurs jours à leurs côtés pour découvrir et apprendre le métier de cordonnier. Totalement séduite par le travail de la matière, la polyvalence et l’ingéniosité nécessaire pour réparer les chaussures, elle relève le défi et reprend, en janvier 2024, la cordonnerie Styl’Bottes qui devient Sept Lieues.

Ici, on répare 95 % de ce qu’on nous amène !

Cordonnerie nomade

Épaulée par l’expérimenté Joël Caffo, qui continue d’œuvrer dans l’atelier, la nouvelle artisane apporte un nouvel élan à la cordonnerie à l’heure où la société s’interroge sur l’obsolescence programmée des produits de consommation : « Il faut retrouver le réflexe de la réparation ! Le dispositif du bonus de réparation instauré par Refashion nous permet de toucher une nouvelle clientèle ». Avec la ferme ambition de dépoussiérer l’image du métier, la gérante de Sept Lieues a également l’idée de créer une cordonnerie nomade. Le principe consiste à aller à la rencontre des salariés sur leur lieu de travail. Une fois par mois, elle donne rendez-vous aux employés des 13 entreprises et institutions de l’Agenais qui lui font déjà confiance et récupère les articles à réparer pour effectuer les travaux et une semaine plus tard les ramener à ses clients sur leur lieu de travail. « J’ai eu de très bons retours, car les gens méconnaissent notre métier et tout ce qu’on peut proposer comme services. Il existe aujourd’hui 3 500 cordonniers en France contre 45 000 il y a 50 ans. Le marché de la réparation est porteur sachant qu’ici on répare 95 % des produits qu’on nous amène », ajoute la cordonnière.

Sept Lieues

7 Lieues a remplacé l’ancienne cordonnerie Styl’Bottes © Julien Mivielle – La Vie Economique

Le pari des baskets

Pour attirer une nouvelle clientèle, plus jeune, Marie-Élodie Chadaillac adapte son offre en ouvrant la cordonnerie à l’entretien et la rénovation de maroquinerie, accessoires de motos et surtout aux sneakers (50 % des ventes de chaussures en France). Si la basket requiert un autre savoir-faire et de nouvelles machines, elle se répare comme toute autre chaussure et représente un énorme marché dans lequel la gérante de Sept Lieues compte bien se diriger. Ne cachant pas son bonheur d’avoir rejoint Agen et le Sud-Ouest, elle se félicite de voir que son enthousiasme pour la réparation trouve un bel écho auprès de ses clients, nouveaux et anciens. En tant qu’ancienne financière, elle se réjouit aussi d’avoir atteint ses deux grands objectifs d’activité : retrouver un équilibre financier et commencer à pouvoir se rémunérer d’un demi-salaire au bout de six mois.