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Vins du Sud-Ouest : un avenir en question

Chahutée par le changement climatique et des contraintes réglementaires fortes, la filière vin cherche à se construire un avenir. En première ligne, l’interprofession des vins du Sud-Ouest avait convié à Toulouse les acteurs européens du secteur.

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© Ivso

Aux grands maux les grands remèdes. Dans un contexte difficile pour le monde du vin, toute la filière viti-vinicole européenne s’était réunie le 27 octobre à Toulouse pour l’European Wine Day, premier Sommet européen du vin. Organisé à l’hôtel de Région par l’Arev (Assembly of European Wine Regions), Farm Europe, la coopération agricole et l’Ivso (Interprofession des Vins du Sud-Ouest), l’évènement a rassemblé plus de 250 acteurs européens. Objectif : faire émerger ensemble des solutions face aux multiples enjeux du secteur pour les porter d’une même voix auprès des parlementaires européens. « Nous avons des sujets communs à toute la filière viticole européenne qui ne se gèrent ni au niveau régional, ni au niveau étatique », explique Paul Fabre, directeur de l’Ivso.

Changement climatique

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Paul Fabre, directeur de l’Ivso. © Ivso

Premier sujet : celui du changement climatique. Selon Éric Serrano, directeur régional Sud-Ouest à l’institut français de la vigne et du vin, « les aléas climatiques ne sont plus vraiment des aléas, ce sont des évènements récurrents ». Les producteurs de vins du Sud-Ouest ne diront pas le contraire : ils ont été confrontés à de violents épisodes climatiques. « Les orages ont été dévastateurs dans le Gers cet été, en particulier dans la zone de Saint-Mont. L’humidité de l’été a par ailleurs favorisé l’apparition du mildiou (maladie de la vigne, NDLR) », explique Paul Fabre. Résultat : dans le vignoble du Sud-Ouest, les récoltes 2023 sont en recul de 30 à 50 % par rapport à la moyenne quinquennale. « La récolte 2023 devrait s’établir à 2,7 M hl, soit 900 000 hl de moins que la moyenne ». Pour les vignerons du Sud-Ouest, il s’agit de la troisième « petite récolte » consécutive. Dans ce contexte, les stocks commencent à manquer. « Nous allons devoir nous retirer des marchés premiers prix, notamment aux Pays-Bas et en Allemagne pour nous concentrer sur des secteurs plus porteurs tels que la GMS en France », commente le directeur de l’Ivso.

Cépages résistants

L’Ivso souhaite également faire émerger des solutions à plus long terme, grâce notamment à la recherche sur les cépages résistants aux maladies et aux ravageurs, dans un contexte où le nombre de substances actives autorisées pour lutter diminue d’année en année. « Notre objectif est de garder notre identité gustative. Nous avons identifié deux cépages autochtones particulièrement intéressants : le Manseng et le Colombar », indique Paul Fabre. L’Ivso travaille également sur des cépages oubliés plus tardifs, donc moins sensibles aux gels de printemps, plus acides et faibles en alcool, comme le Bouysselet. De son côté, le co-président de l’Ivso Christophe Bou plaide pour une nouvelle assurance-récolte capable de mieux accompagner les viticulteurs.

Baisse de la consommation

Au-delà des enjeux climatiques, les viticulteurs doivent s’adapter aux nouveaux modes de consommation. « On constate en Europe une baisse générale de la consommation de l’alcool et l’émergence de boissons qui viennent concurrencer le vin comme la bière ou les cocktails », détaille Paul Fabre. Une tendance renforcée par une réglementation de plus en plus stricte appuyée sur des enjeux de santé publique. L’Europe, qui souhaite agir pour une meilleure prévention des maladies non transmissibles telles que les maladies cardiovasculaires, les cancers ou le diabète, semble avoir l’alcool – et notamment le vin – en ligne de mire. Au parlement européen, des députés de la commission « agriculture » essaient toutefois de modérer les ambitions de leurs collègues. « Évidemment, nous défendons la santé publique et l’alcoolisme ne fait pas partie de notre culture, mais diminuer la consommation de vin ne va pas diminuer l’alcoolisme », estime la députée européenne Irène Tolleret présente à l’European Wine Day.

« Diminuer la consommation de vin ne va pas diminuer l’alcoolisme »

Attention aux étiquettes

L’Irlande a ouvert la brèche en imposant un étiquetage spécifique sur les bouteilles de vin alertant sur les risques de cancers et de maladies du foie liés à la consommation d’alcool. « Ces étiquettes comme les étiquettes neutres telles que celles utilisées sur les paquets de cigarettes sont une véritable mise à mort de la viticulture », alerte Paul Fabre. « Les prochaines élections au Parlement européen auront lieu en 2024. C’est le bon moment pour faire entendre notre voix », ajoute-t-il. En parallèle, l’Ivso prépare son propre plan d’attaque. L’Interprofession prévoit de finaliser d’ici à la fin du premier trimestre 2024 une nouvelle feuille de route destinée à donner un nouveau cap aux 8 260 exploitations que représente le vignoble du Sud-Ouest.

À propos de l’Ivso

Quatrième vignoble de France, le vignoble du Sud-Ouest – plus de 55 000 ha – s’étend de l’Aveyron au Pays-Basque et de l’Ariège à la Dordogne. L’Ivso, interprofession des vins du Sud-Ouest représente 8 261 exploitations et 28 caves coopératives qui génèrent plus de 13 000 emplois et un chiffre d’affaires d’un milliard d’euros.