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Walygator : retour en fanfare

Le célèbre parc d’attractions agenais Walygator (anciennement Walibi) a ouvert ses portes le 15 avril. Rencontre avec son directeur, Sylvain Chatain, qui a gravi tous les échelons de la structure en 10 ans après avoir démarré à la base comme stagiaire. Covid, pass sanitaire, ouverture d’Aqualand : il dresse le bilan et les perspectives de la structure sur une période digne des montagnes russes.

Sylvain Chatain, directeur de Walygator

Sylvain Chatain, directeur de Walygator © Louis Piquemil - La Vie Economique

La Vie Economique : Comment se porte le parc Walygator dans cette période post-Covid ?

Sylvain Chatain : « Les parcs d’attraction ont subi une tempête terrible. Aujourd’hui, on a fait une saison 2022 rassurante après une saison 2020 catastrophique pour le parc mécanique. Elle a été plus correcte pour Aqualand qui n’avait pas l’obligation du port du masque. On a dû ouvrir les parcs en une semaine alors qu’on sortait de 3 mois de chômage partiel. On avait perdu 100 % de chiffres d’affaires. On a résisté pour protéger l’équipe qui est une vraie famille. Je suis resté enfermé dans le parc jusqu’en juin et il a fallu tondre, jardiner et entretenir les lieux, ce que j’ai fait avec l’espoir de rouvrir le plus rapidement possible. Le 14 juillet 2020, on a eu 300 visiteurs soit 10 fois moins que la normale. On a économisé au maximum avec les cadres de l’entreprise qui sont allés faire des frites, remplacer dans les manèges, etc. Et le 29 octobre, juste avant l’opération Halloween, le gouvernement referme les parcs d’attraction. On était au début de l’hiver et notre trésorerie devait nous permettre de tenir jusqu’à la prochaine saison. On a fait appel au PGE en espérant remonter en 2021. On a démarré très fort la saison en juin et juillet 2021. Puis on a pris une nouvelle claque avec le pass sanitaire et 70 % de baisse de fréquentation en quelques jours. La saison a été ratée avec un été pluvieux pour Aqualand en plus. On attendait 2022 avec impatience. On n’est pas revenus au niveau avant Covid mais c’était correct. La situation aujourd’hui est stable, normale après 2 années très compliquées humainement. On a bien compris qu’on n’était pas indispensables, heureusement, on a tourné la page. »

LVE : À quel niveau de fréquentation êtes-vous aujourd’hui ?

S.C. : « Avec l’impact du Covid, les parcs ne se fient plus à la fréquentation brute. On s’est rendus compte que lorsqu’on dépasse un certain seuil de fréquentation, la satisfaction clientèle s’effondre et le ticket client aussi. Notre philosophie est de répartir la fréquentation, la lisser sur les différentes journées et même de la limiter au besoin. Nous restons le lieu qui accueille le plus de public à l’année en Lot-et- Garonne (400 000 visiteurs pour Walygator et Aqualand NDLR). On axe notre billetterie sur des billets datés pour bloquer les journées à grosse fréquentation. On peut accueillir 7 000 visiteurs par jour au parc, voire 10 000, mais alors vous avez 2 heures d’attente à chaque manège, les clients sont mécontents et le personnel s’en prend plein la figure. Au final, vous avez fait une bonne journée en termes de fréquentation tout en créant de l’insatisfaction. Aujourd’hui, on préfère largement 2 journées à 3 500 plutôt qu’une à 7 000.

Walygator

© D. R.

LVE : Quelle est votre attraction préférée ?

S.C. : « J’ai un petit péché mignon le matin avant l’ouverture : la Coccinelle. Le Boomerang (grand huit NDLR) est aussi parfait pour se vider la tête ! Les manèges sont un outil de production de loisirs. Comme je connais l’envers du décor, je ne le vois pas de la même manière. Les cordonniers sont les plus mal chaussés. »

LVE : Avez-vous des difficultés de recrutement ?

S.C. : « La période de recrutement est de plus en plus dure et une partie de la clientèle est de plus en plus difficile, notamment avec nos jeunes collaborateurs. Les clients n’acceptent plus l’interdit. Et c’est problématique sur des attractions avec des exigences de sécurité. Je pense notamment à la limite de taille qui pose régulièrement problème. C’est compliqué. Sur le recrutement pur, on est sur une génération qui nécessite de la câlinothérapie. Il y a aussi un mal insurmontable parfois : les parents qui sont très, voire trop présents. Quand ils viennent aux entretiens avec leurs enfants, pensant leur rendre service, c’est tout l’inverse. Il y a moins d’autonomie dans cette génération, c’est assez surprenant. »

On a bien compris qu’on n’était pas indispensables, heureusement, on a tourné la page

LVE : Pourquoi avoir changé de nom alors que la marque Walibi était très connue, même au-delà du Lot-et-Garonne ?

S.C. : « On a dû changer de nom en 2021 pendant le Covid. Walibi était une marque avec un contrat qui arrivait à terme et la propriété d’un autre groupe de loisirs que le nôtre (Aspro NDLR). On souhaitait avoir notre propre liberté et développer le parc différemment. Le groupe Aspro étant propriétaire d’un autre parc dans l’Est de la France, Walygator, nous sommes devenus Walygator Sud Ouest. »

Nous restons le lieu qui accueille le plus de public à l’année en Lot-et-Garonne

LVE : Pouvez-vous nous raconter votre parcours aussi incroyable que méritoire ?

S.C. : « J’ai commencé comme stagiaire au service technique de Walibi en 2004. Je faisais un BTS électrotechnique au lycée de Baudre à Agen. Je n’étais pas sûr de mon parcours scolaire, j’étais presque sûr à 100 % que j’allais droit dans le mur même ! J’avais fait le stage dans le cadre de mes études et j’ai adoré, tout simplement. Par forcément la technique pure et dure mais l’environnement et le cadre de travail, le fait de produire du loisir. À la fin de mon stage, on m’a proposé de faire une saison. J’étais livreur de marchandises dans les restaurants et je me suis régalé sur cette saison. J’ai loupé ma 2e année de BTS et c’est le plus bel échec qui aurait pu m’arriver ! Je ne voulais pas refaire de BTS et je voulais autre chose. Je suis tellement tombé amoureux du parc que je me suis dit qu’il fallait trouver un diplôme qui corresponde au parc. Je suis allé frapper à la porte de Sud Management pour réaliser un cursus de 3 ans en gestion puis j’ai fait une école supérieure de commerce à Chambéry. Et pour payer mes études, j’avais fait un petit emprunt qu’il fallait rembourser et je travaillais au parc en contrat professionnel en tant qu’adjoint à la restauration. J’ai progressé petit à petit au sein de l’entreprise. À la fin de mes études, j’ai été embauché au parc en tant qu’adjoint aux ventes internes en 2010. Je commençais à faire ma petite place. »

LVE : Comment êtes-vous devenu directeur du parc ?

S.C. : « Le parc a été racheté par le groupe Aspro, un groupe espagnol de loisirs qui possède également la franchise Aqualand. Et un matin, le groupe Aspro est venu dans mon bureau pour me proposer la direction du parc et j’ai dit oui. Du jour au lendemain, je me suis retrouvé à la tête du parc en plein changement d’actionnaire en 2015. »

J’adore le fait de produire du loisir

LVE : Ça n’a pas dû être facile ?

S.C. : « Effectivement, c’était compliqué. Je suis devenu le patron de mon maître de stage du jour au lendemain ! Je ne sais pas si j’avais la meilleure légitimité. Du point de vue des actionnaires oui mais je me suis retrouvé à la direction avec des personnes qui étaient au-dessus de moi hiérarchiquement la veille. Globalement, dans l’entreprise cela a été bien accueilli, même si c’était une surprise. Aujourd’hui, cela fait 8 ans donc j’ai battu le record de longévité sur le poste. C’est éprouvant : on passe d’une petite entreprise de 26 permanents en hiver à plus de 300 personnes en saison. »

LVE : Avec le recul, savez-vous pourquoi les actionnaires espagnols, le groupe Aspro, vous ont choisi ?

S.C. : « Le travail. Je suis un bosseur, un acharné du travail. »

Je suis devenu le patron de mon maître de stage du jour au lendemain !

LVE : Pouvez-vous nous raconter la genèse du projet d’Aqualand à côté de Walygator ?

S.C. : « Depuis 2015, on se posait la question des axes de développement. Or, Agen fait partie des 15 villes les plus chaudes d’Europe. Comme le groupe Aspro possède la marque Aqualand, on a décidé de se lancer. C’était quand même un investissement de 20 millions d’euros ! Aqualand Agen a donc ouvert partiellement en 2018 et complètement en 2019. Aujourd’hui, je dirige les 2 parcs. »

LVE : À 38 ans et après avoir démarré comme stagiaire, est-ce que cette ascension n’est pas un peu vertigineuse ?

S. C. : « C’est vrai que cela fait un peu success story, même si je n’aime pas ce terme. Mais je me sers de mon exemple pour dire qu’on peut se tromper dans ses études mais avec de la persévérance les portes finissent par s’ouvrir. Quand je recrute un saisonnier, je me dis que c’est peut-être le prochain directeur, mon successeur. »

LE CALENDRIER D’OUVERTURE

Ouverture du 15 avril jusqu’au 1er dimanche de novembre pour Walygator.

Essai d’une 1ère ouverture à Noël cette année.

Ouverture du 17 avril jusqu’au 1er dimanche de septembre pour Aqualand.