Couverture du journal du 06/04/2024 Le nouveau magazine

Pruneau d’Agen, la cure de jouvence

Lot-et-Garonne - Victime du changement climatique, après avoir subi une crise de surproduction, la filière du Pruneau d’Agen se lance dans de nouveaux projets pour mettre en avant les bienfaits alimentaires et sanitaires de ce fruit multi-centenaire. Face à la concurrence étrangère, les professionnels misent sur la qualité de ce fruit emblème de tout un territoire.

Pruneau d'agen

© Shutterstock

Les plus de 30 ans gardent encore en tête le refrain des publicités télévisées vantant les vertus multiples du pruneau d’Agen (« Pruneau d’Agen ça vous va bien ! Y a du tonus dans le pruneau d’Agen ») durant les années 80-90. Symbolisant l’âge d’or du pruneau d’Agen, un fruit ancestral arrivé de Chine à l’Antiquité via la route de la soie, la publicité va prochainement revenir sur les écrans après une petite cure de jouvence.

C’est en effet pour toucher une population plus jeune, le pruneau étant principalement consommé chez les + de 60 ans, et relancer une filière marquée par deux années difficiles sur le plan climatique que le Bureau Interprofessionnel du Pruneau va lancer une nouvelle campagne de communication : « Le slogan sera désormais : Pruneau d’Agen, ça te va bien ! Nous allons ainsi rappeler qu’avec ses nombreuses vertus (le pruneau est rempli de vitamines et de fibres, riche en sucres lents et rapides donc idéal pour le sport, mais aussi coupe-faim ou bien encore riche en anti-oxydant et anti-stressant) ce superaliment répond à toutes les attentes des consommateurs d’aujourd’hui. De plus, il s’accorde facilement en cuisine en snack, sauce ou confitures, mais on le sait peu. À nous de mieux nous faire connaître », explique Rosalinde Jaarsma, secrétaire générale du BIP qui agit pour l’intérêt commun de la filière et de ses membres.

Thierry Moll, pruniculteur à Fongrave

Thierry Moll, pruniculteur à Fongrave © Julien Minvielle

LA PEUR DU GEL

Alors que le pruneau s’apprête à reconquérir une nouvelle génération, les pruniculteurs doivent quant à eux affronter des aléas climatiques de plus en plus capricieux symbolisés par une avancée de deux semaines du cycle végétatif en 40 ans. Ainsi, après plusieurs années de surproduction, la récolte de prunes a connu une chute vertigineuse ces deux dernières années atteignant un total de 17 153 tonnes en 2021-2022 contre une moyenne annuelle de 38 819 tonnes entre 2011-2020.

Le Bureau Interprofessionnel du Pruneau va lancer une nouvelle campagne de communication

Principal responsable de cette chute record, le changement climatique laisse toute une filière dans l’expectative quant à son avenir. Depuis ses 11 hectares de prunes d’ente en pleine floraison sur la commune de Fongrave, le pruniculteur Thierry Moll scrute les annonces météo avec anxiété : « En 2021 et 2022, je n’ai fait que 10 % de récolte sur la prune d’ente et quasiment 0 sur les autres cultures (poires, pêches, nectarine, abricot) en raison d’un hiver doux, qui accélère le réveil végétatif, et de fortes gelées printanières. Le prunier, en floraison, peut supporter une petite gelée pendant 2 ou 3 heures mais, l’an dernier, nous avions dû commencer à allumer les systèmes antigel à 22 h ! En cas de 3e année de gel, nous serions nombreux à être en grandes difficultés », confie le gérant des Vergers de Roussel qui a replanté l’ensemble de ses pruniers en 2014.

UN FRUIT DE QUALITÉ 100 % FRANÇAIS

Rassurée par un hiver 2023 plus rigoureux, la filière du pruneau d’Agen reste fébrile mais avance sur d’autres projets afin de lutter sur un autre front, celui de la concurrence étrangère. S’appuyant sur l’IGP Pruneaux d’Agen, les pruniculteurs et le BIP misent sur la haute qualité du fruit pour conquérir de nouveaux marchés prioritairement en France (où 78 % de la production provient du Lot-et-Garonne) et à l’étranger. Gérant la communication, la représentation et la gestion des données statistiques de la filière, le BIP dispose également d’un laboratoire d’analyses de qualité et de recherches ainsi que d’un service technique travaillant sur la protection du verger : « Nous regardons par exemples comment améliorer le séchage de la prune pour utiliser moins de gaz en améliorant la qualité du fruit et proposons des outils numériques aux agriculteurs, notamment pour leurs données statistiques. Nos équipes travaillent aussi sur la création d’un profil organoleptique avec des descripteurs, comme ce qui se fait déjà dans le vin, pour déterminer ce qu’est un bon pruneau selon son arôme, sa texture, sa longueur en bouche… »

Le changement climatique laisse toute une filière dans l’expectative quant à son avenir

INSTALLATION DE FILETS ANTI-GRÊLE

Enfin, même si le prunier est une plante rustique qui ne demande pas trop de traitement, les pruniculteurs font face à l’interdiction des produits phytosanitaires qui représente un vrai défi car l’utilisation de produits de biocontrôle demande plus de technicité de précision dans son application. Toutes ces actions contribuent à la montée en gamme du produit. « C’est l’enjeu de demain pour faire face à la déconsommation du marché national (qui représente 70 % de notre activité) alors que le pruneau d’Agen est l’un des rares produits agroalimentaires à être 100 % français contre 50 % pour les autres fruits et légumes », souligne Rosalinde Jaarsma, secrétaire générale du BIP qui participe financièrement avec la Chambre d’Agriculture du Lot-et-Garonne à l’installation de filets anti-grêle à hauteur d’un 1 €/ha par verger de prunes.

Nos équipes travaillent aussi sur la création d’un profil organoleptique avec des descripteurs

RÉSILIENCE PAYSANNE

Pruniculteur depuis 1989, Thierry Moll bénéficie de ces protections, après avoir été touché 3 fois par des épisodes de grêle importants, mais semble démuni face au réchauffement climatique : « Nous envisageons de lutter contre le gel par le système de l’aspersion d’eau mais pour cela il faut de la ressource en eau et des sols drainés capables de résister. En ce qui concerne le choix d’un fruit de qualité, il faut que dans nos champs, nous récoltions les prunes juste avant leur maturité pour obtenir derrière un meilleur taux de sucre et un meilleur rendement ». Restant toutefois optimiste et résilient, avec le bon sens paysan qui le caractérise, l’arboriculteur s’apprête à accueillir son fils Paul-Henri pour développer l’exploitation et viser les 20 hectares de pruniers. Thierry Moll pourra ainsi continuer à proposer, chaque samedi matin depuis 2005, ses paniers de fruits et ses jus de fruits 100 % lot-et-garonnais à ses clients bordelais au cœur de l’avenue Thiers.

Pruneau d'Agen

© Julien Minvielle

LE PRUNEAU D’AGEN : CHIFFRES CLÉS

78 % de la production française issue du 47

France : 3e producteur mondial derrière le Chili et les États-Unis.

Surface moyenne d’une exploitation prunicole = 13 hectares

24,8 ans : c’est l’âge moyen des vergers

Chiffre d’affaires agricole = 41 millions € ; CA industriel = 150 millions €

28 % d’exportation en volume sur la campagne 2021-2022 (Algérie > Espagne > Italie > Grèce > Belgique)