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Académie de l’air et de l’espace : 40 ans au service de l’aérospatial

L’Académie de l’Air et de l’Espace (AAE) vient de fêter ses 40 ans à Toulouse. Si au départ elle regroupait surtout des jeunes retraités français de l’aéronautique, elle s’est aujourd’hui diversifiée et regroupe 380 membres de 15 nationalités. Ses avis éclairent industriels et professionnels du secteur.

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Réception en mairie pour les 40 ans de l'Académie de l'Air et de l'Espace © AAE

La date de création de l’Académie avait tout du symbole. Le 21 novembre 1983, 200 ans jour pour jour après le premier vol en montgolfière par Pilâtre de Rozier et le Marquis d’Arlandes au-dessus de Paris. Cette idée fut l’œuvre d’André Turcat, connu pour avoir été le chef des essais du Concorde. C’est lui qui a fondé l’Académie nationale de l’Air et de l’Espace. « Au fil du temps, on a enlevé le mot ‘nationale’ et on s’est ouvert à une quinzaine de nationalités » raconte Michel Wachenheim, l’actuel président de l’AAE qui compte aujourd’hui 380 membres.

Transmettre le savoir-faire

À l’origine, l’AAE regroupait surtout des retraités de l’aéronautique. « L’idée était de conserver le savoir-faire » explique Michel Wachenheim, lui-même ancien directeur général de l’aviation civile. « Aujourd’hui, on essaie surtout de diffuser notre savoir vers les jeunes générations. On coopère avec le monde de l’enseignement mais aussi avec les industriels. On fait la liaison. » Des formations par le débat sont également proposées lors des « Entretiens de Toulouse » qui se déroulent à l’ISAE Supaéro.

La technologie est incontournable mais il y a des aspects sociologiques à prendre en compte

L’Académie publie aussi des avis et formule des recommandations à l’égard des pouvoirs publics. À l’occasion de ses 40 ans, l’AAE a d’ailleurs organisé une journée à l’Université Paul Sabatier de Toulouse autour de la question de l’innovation. Peut-elle répondre seule aux défis de demain ? « Poser la question, c’est déjà y répondre ! » sourit Michel Wachenheim. « Evidemment que la technologie est incontournable mais il y a des aspects économiques, comportementaux, sociologiques qui vont aussi entrer en ligne de compte. »

L’innovation mais pas que

Un avis partagé lors des différentes tables rondes organisées. « Les deux défis de demain sont le maintien de notre leadership et la décarbonation » prévient d’emblée Antoine Bouvier de chez Airbus. Mais cette dernière passe avant tout par une abondance d’énergie décarbonée. « En 2050, l’aviation aura des besoins en électricité de l’équivalent de 12 EPR » affirme Jérôme du Boucher de l’ONG Transport & Environnement. « Le gouvernement a annoncé la création de 6 EPR qui vont devoir couvrir les besoins de tous les secteurs de l’économie qui veulent aussi se décarboner. »

On le comprend, la question est autant politique que scientifique. « Chaque activité devra justifier son utilité sociale » plaide Antoine Bouvier. « Celle de l’aviation est de relier les hommes comme le disait Antoine de Saint-Exupéry. » Mais la poésie laisse vite la place au pragmatisme. Les membres de l’Académie rappellent le besoin de mettre fin à « l’aviation bashing ». « D’autant plus que la période 2024-2028 s’annonce cruciale » ajoute Philippe Couteaux (Safran). « C’est à ce moment que nous allons conditionner les moteurs du futur. C’est pour cela que nos dépenses en recherche et technologie représentent 3% de nos revenus annuels. La solution est là et non dans la décroissance ! »

Coopérations internationales cruciales

Pour résoudre le problème de la décarbonation, la France ne peut pas être seule. « D’ailleurs, même si la France trouvait un moyen pour réduire ses émissions de CO2, il faut bien voir que les avions sont à 60% internationaux. Nos émissions dans l’aviation représentent moins d’1% par rapport au reste du monde, donc nous devrons coopérer » plaide Michel Wachenheim.

L’Europe spatiale a un avenir qui passe par la coopération

Une coopération qui est la clé dans l’autre secteur de compétences de l’AAE : le spatial. Pourtant, ces dernières semaines ont laissé des traces entre les principaux partenaires européens que sont la France, l’Allemagne et l’Italie. La question de l’après Ariane 6 est l’objet de frictions. « L’Europe de l’espace a un avenir » assure Michel Wachenheim. « Mais nous demandons une réflexion pour assurer la souveraineté européenne sur la question des lanceurs. » Sur ce sujet, les trois pays se regardent en chien de faïence. Dernier épisode marquant : le refus par le gouvernement italien de voir Safran racheter l’équipementier transalpin Microtecnica au nom de la souveraineté nationale. Une justification aux antipodes des principes de l’Europe de l’espace basée sur la coopération. À terme, ces dissensions pourraient créer un hiatus insurmontable en Europe. « La question de la gouvernance de l’espace doit être définie clairement, c’est la clé de l’indépendance spatiale » conclut Michel Wachenheim.